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Yook : Concilier architecture traditionnelle, modernité et solidarité

16/05/2022|Louise Servans

Ramzi Abou Fadel, connu sous le pseudonyme Yook, en référence aux niches creusées dans la pierre des demeures traditionnelles libanaises pour abriter des objets personnels, a grandi dans le village de la montagne libanaise de Kfarmatta. Il y passait son temps entre la maison de ses parents, et celle de ses grand-parents, qui comportait toutes les propriétés architecturales de la maison traditionnelle : les trois fenêtres avec arcades, le grand hall, le toit en tuiles rouges et les murs en pierre. “Je ne pouvais encore à peine marcher, et j’étais déjà à chaque fois ébahi par la beauté de ces hautes arcades, de ces pièces…”. Les décennies de guerre ayant estropié le paysage du pays, la maison familiale ne fut pas épargnée. De ce premier lien affectif avec les bâtisses traditionnelles, Yook développe une véritable passion avec les années et devient architecte. 

 

Sa volonté principale est de préserver l’héritage architectural libanais, en trouvant des moyens de le concilier avec les envies et les goûts contemporains, plutôt que de les opposer, comme ils l’ont longtemps été lors des destructions, reconstructions, et transformations des villes et villages du pays. “Je suis heureux lorsque l’on me demande de concevoir des plans pour une maison reprenant le style traditionnel”. Il insiste cependant sur le fait qu’il ne cherche pas à imiter les maisons anciennes. “Ce ne serait pas juste. Chaque période a son style.” Il cherche avant tout à reprendre des éléments clés à ses yeux : les espaces, les proportions, le “langage architectural”, et à y apporter un esprit moderne. 

Outre sa carrière d’architecte, Ramzi Abou Fadel dessine et conçoit depuis plusieurs années des objets design d’intérieur qui intègrent tous des fragments esthétiques des lignes de l’architecture traditionnelle. Yook n’accorde pas simplement tradition et modernité, mais aussi esthétique et utilité. Plateaux de service, lampes, plats de cuisine, bougeoirs, outils de bureau… ses créations ont toutes une fonction au-delà de la décoration. Pour la plupart en métal, elles sont fabriquées et découpées au laser, par des artisans du Liban exclusivement. Les peintures sont faites par des membres de l’association Arc-en-Ciel, le packaging par un groupe de femmes veuves marginalisées. Autant que possible, Yook tente de produire en rendant service. 

 

Au lendemain de l’explosion du 4 août 2020 il se mobilise pour la reconstruction de la ville, et notamment des bâtiments traditionnels, avec son projet “Light a candle for Beirut”. Il produit des photophores en métal, en forme de maquettes de maisons et immeubles traditionnels libanais. Tous les profits sont reversés pour reconstruire. Il en fabrique aussi avec les façades des musées Sursock et du Musée National pour participer au financement de leur restauration. L’initiative est très appréciée et connaît un succès tel au Liban et à l’étranger, que les recettes et les dons récoltés permettent de restaurer intégralement un immeuble entier. Profondément et personnellement ému par cette cause, l’artiste compte bien continuer son action. “Même si c’était pour une seule arcade, je le ferais volontiers”. 

Lorsque l’on demande à Ramzi Abou Fadel ce qu’il pense de la préservation du patrimoine architectural libanais, sa réponse est en demi-teinte. Il déplore les reconstructions hâtives des temps de guerre, mais se les explique aisément par l’urgence et l’insécurité qui régnaient et écrasaient le souci de la préservation patrimoniale. “Et le charme de Beyrouth c’est ce contraste partout entre moderne et ancien”. L’architecte salue aussi la décision du gouvernement depuis, d’interdire la destruction de toute bâtisse traditionnelle, encore en état d’être reconstruite ou restaurée. La solution durable pour lui, réside dans la conservation de cet échantillon représentatif, non seulement à l’échelle du pays, mais aussi et surtout au sein de chaque quartier. Si la destruction d’immeubles individuels anciens est regrettable, c’est l’anéantissement de quartiers entiers d’un seul jet qui est à proscrire à ses yeux. Ce sont les constructions anciennes, leurs répartitions, les commerces qu’elles abritent, et leur dialogue avec les édifices plus modernes, qui forment le tissu urbain, culturel et historique même du pays. 

 

Ramzi Abou Fadel enseigne aujourd’hui la restauration de vieilles demeures à l’AUST (American University of Science and Technology). Il est heureux de transmettre et de ressentir chez ses élèves cette ambition de continuer à préserver l’héritage architectural libanais. Ses créations sont vendues aux boutiques du musée Sursock, du Musée National, Sleep Comfort, Le Massif, dans les Librairies Antoine, à l’ABC, et sur son site internet https://yookonline.com/

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