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“TU AS AIMÉ LE LIBAN ?”, ÉPISODE #2

25/02/2021

 

 

“Tu as aimé le Liban ?”, c’est cette phrase que les Libanais répètent inlassablement à chaque Français venu les visiter. “Tu as aimé le Liban ?”, c’est l’archétype d’une traduction trop littérale, injustement conjuguée, représentative du multilinguisme qui caractérise le pays. “Tu as aimé le Liban ?”, c’est l’expression d’une hospitalité envers le visiteur, mais aussi le reflet de préoccupations concernant la situation politique, économique et sanitaire. Oui, on a aimé le Liban, mais on l’aime encore, et on l’aimera.

 

 

 

TU AS AIMÉ LES LIBANAIS ?

 

 

Yaël : Dimanche dernier, nous avons été invitées à un brunch par des Libanais, et nous ne pouvions bien évidemment pas refuser. Nous nous retrouvons donc dimanche, 13h, au soleil sur la terrasse de Sodeco, tous affamés. Sur la table, des oignons crus, du houmous en quantité raisonnable (seulement 15 pots...) du foul, des crudités, de la menthe, et, sans surprise, pour un petit déjeuner digne de ce nom, des manouchés. On m’informe rapidement que l’oignon se mange donc cru, par tranche, mais qu’il ne faut pas partir en rendez-vous galant ensuite. Tu m’étonnes...

 

Ce qui me frappe en premier, c’est le mélange des langues et l’aisance avec laquelle les Libanais jonglent avec. Ils passent de l’arabe au français, en passant par l’anglais, avec une aisance déconcertante. Ils mélangent parfois même les trois langues dans une même phrase, ce qui m’amuse beaucoup, mais je ne sais pas dans laquelle je suis censée répondre. 

 

Après le repas, on parle fort, l’ambiance est détendue. Les Libanais sont très chaleureux, ils sont aussi très tactiles entre eux et très affectueux. “Habibi” fait office de ponctuation. 

Des chansons arabes résonnent sur l’enceinte, tout le monde se met à chanter. Faute de pouvoir les accompagner, on écoute attentivement, presque bercées, et repues.  Pour me dire au revoir, chacun voudrait me faire un hug, mais covid oblige, nous nous contentons d’un grand sourire. Cette proximité et cette convivialité me donnent l’impression de déjà les connaître. Leur hospitalité me fait me sentir chez moi.

 

TU AS AIMÉ BEYROUTH ?

 

Emma : Vestiges de l’Histoire, témoins de la mémoire, les bâtiments abandonnés de Beyrouth regorgent de mystères qui sont autant de sujets de fascination pour moi. De nature très peu courageuse, m’aventurer dans ces lieux désaffectés relève à chaque fois du défi, mais finit toujours par en valoir la peine. Les expéditions d’urbex *, qui impliquent souvent un peu d’escalade, sont hasardeuses, parfois ratées. 

 

Samedi dernier, une première tentative au palais de Béchara el-Khoury s’avère infructueuse. Si nous ne reculons pas devant le cadenas censé fermer le portail, l’ascension du muret qui entoure la maison (pour lequel l’effort physique requis assure mon quota de sport pour les deux mois à venir) se solde par l’arrivée d’un vieil homme peu enclin à ce que nous visitions ce qui semble être son lieu de travail. 

 

Finalement, direction « the Egg », ce projet architectural avorté du centre de Beyrouth, que l’on sait beaucoup plus facilement abordable. Magistral, le dôme trône à côté de la mosquée al Amine. Les ruines laissent entrevoir des gradins, un parking, et renvoient à l’ambitieuse entreprise commencée dans les années 1960. Et puis la guerre, et avec elle l’arrêt des travaux. Le toit ovoïde et la structure en forme de coquille résistent, assistent à quinze ans de destruction puis observent la reconstruction, sans en bénéficier. Aujourd’hui, les impacts de balles côtoient les graffitis de la thawra, et permettent aux visiteurs d’entrevoir cinquante ans de l’histoire du Liban.

 

TU AS AIMÉ L'EXPATRIATION ?

 

Le Liban vit à son rythme. Un rythme bien éloigné de celui que l’on connaît en France. 

Le trafic incessant, les coupures d’électricité, le manque d’eau chaude, les adresses sans nom et sans numéro sont autant de concepts étrangers à la vie parisienne. Ici, on apprend à s’adapter, à prendre du recul, à faire preuve de pragmatisme. A ne pas faire tout un drame d’un détail, à apprendre à apprécier le moment présent. A sortir de sa zone de confort. Pour moi, Yaël, qui ne suit pas du tout patiente, c’est un véritable défi d’apprendre à prendre le temps. Et pour moi, Emma, qui ai déjà vécu un an ici, le chemin est encore long. 

 

Mais pourtant, lentement, les réflexes se créent et on commence à avoir nos habitudes, à se repérer. Une nouvelle routine est en train de se mettre en place, loin de chez nous. Et quand parfois, le mal du pays ressurgit, on craque pour un petit pain au chocolat et une baguette de chez Paul, adresse que l’on connaît déjà bien de l’autre côté de la Méditerranée. C’est presque comme à la maison.

 

 

Face à une situation déroutante, les Libanais vous diront « C’est le Liban », façon de vous expliquer que si vous pensez avoir compris le Liban, c’est qu’on vous l’a mal expliqué. Mais on cherchera, du mieux qu’on peut, à le déchiffrer : 

Leçon n°2:  Amis français, ne soyez pas pressés, tout vient à point à qui sait attendre. Prenez exemple sur les Libanais. 

 

Nos coups de cœur de la semaine :

- Les documentaires Adolescentes (sorti au cinéma en septembre 2020) et Petite fille (disponible sur arte.tv) de Sébastien Lifshitz, qui porte à l’écran des sujets dont la dimension sociologique est magnifiée par une caméra sensible et intimiste.

- Parce que leur séparation est pleurée par le monde entier, on ne peut pas ne pas mentionner les Daft Punk, et plus particulièrement le film d’animation réalisé pour leur album Discovery, un incontournable de la musique électronique.

- Le compte Instagram @oldbeirutlebanon, pour replonger dans le Beyrouth du passé, et se découvrir nostalgique d’un Liban qu’on n’a même pas connu.

 

*Urban exploration 

 

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