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MA DECLARATION : SABINE BUSTROS

Actualités

17/09/2020

A l’occasion du 100ème anniversaire de la proclamation du Grand Liban et pendant tout le mois de septembre, l’Agenda Culturel va au-devant des acteurs culturels, économiques et du corps médical du pays pour leur demander de partager, un siècle plus tard et, surtout, un mois après l’impitoyable apocalypse qui s’est abattue sur Beyrouth, leur ressenti, leurs sentiments et clamer leur propre déclaration. 

Sabine Bustros

Author-journalist-observer-curious-cautious optimist dreamer -and co-owner at Château Kefraya.

 

Quel regard portez-vous sur le centenaire du Liban ?

Je suis dévastée par cette tragédie du port qui a marqué de manière ravageuse et meurtrière le centenaire du Grand Liban. Cet état porteur de promesses qui est né en1920 sur les marches de la Résidence des Pins semble une farce aujourd’hui :  C’est un peu comme si on l’avait précipité du haut de ces mêmes marches. Il nous reste un pays plongé dans un chaos généralisé et en faillite. Alors comment porter un regard attendri ou ému sur des mots qui ne veulent plus rien dire en réalité. Sur des mots qui ne font écho nulle part.

100 ans après sa création, le Liban méritait mieux.

 

Considérez-vous que le Liban peut devenir une véritable nation ?

Je pense que la citoyenneté est avant tout l’existence et l’expression du vouloir vivre en commun On peut avoir une nation à partir d’un état multiculturel mais il porte alors en lui-même ses risques et ses promesses. Ce qui compte c’est ce que l’on en fait. Et je pense que nos contradictions auraient pu être d’une grande richesse.

Nos hommes politiques, dans les choix qu’ils ont fait, ont trahi les lois de la nation. Ils ont fait de nous un peuple qui a plongé dans le mépris, le soupçon et la haine.

 

Lorsque l’on insulte l’intelligence de son peuple et qu’on le traite en mineur, cette trahison se complète par une insulte à la dignité. (sans nous disculper bien sur totalement de cette descente aux enfers). Ils ont réussi. Il ne reste que la colère.  Alors la nation ? Peut-être dans une autre vie.

 

Comment avez-vous perçu la catastrophe 4 aout ?

Je suis muette car l’amplitude de la souffrance est telle que nous avons tous la même réaction vis à vis de ces corps explosés et de ces esprits violés. Je me souviens d’une chose et d’une seule c’est d’avoir été le témoin mais aussi la victime comme tant d’autres de ce cataclysme criminel. Les occupants des maisons étaient tués par la chaleur et la pression de l’air. Les morts et les blessés méconnaissables. Les bâtiments d’une grande partie de Beyrouth en ruine et les Libanais, pompiers volontaires et simples civils, faisant tout ce qui est en leur pouvoir pour porter secours aux victimes. Je voudrais juste remplacer le mot “catastrophe” par une boucherie d’une ampleur incalculable. Un génocide qui sera inscrit dans l’histoire du Liban.

 

Le Liban est-il votre patrie définitive ?

Ma patrie définitive certainement. Nous sommes tous des âmes errantes ou que l’on soit dans le monde portant notre pays en nous comme un oiseau blessé. Mais avoir une patrie et y appartenir c’est respecter ses lois et être respecté par elle. En tant que libanaise je n’ai jamais senti que ce respect m’a été octroyé. Le Liban, au-delà des qualificatifs de “patrie” et de “nation”, était une force d’être et une façon de vivre. C’est ainsi qu’il portait son message au monde, Aujourd’hui je ne sais plus s’il nous sera encore possible d’y vivre, mais, oui, j’ai mon pays dans la peau.

 

En ces jours historiques, quelle serait votre propre “Déclaration pour le Liban”

Mon pays n’a pas besoin de paroles creuses, mais de témoins convaincus, d’artisans de paix ouverts au dialogue sans exclusions ni manipulations.

Mon pays doit apprendre à traiter les gens en place, les gens au pouvoir, les gens titrés, décorés, cravatés, exactement de la même manière que l’on traite les autres humains. A ne jamais renoncer à la fierté d’être sincère, au plaisir délicat et profond d’être juste. Et surtout à choisir jusqu’au bout l’air que l’on respire, les mots que l’on dit et les mains que l’on serre. Je n’érige nullement l’agressivité en modèle, ni la polémique en vertu. Je veux simplement qu’un homme indigné garde le courage d’exprimer son indignation sans avoir peur– et que, devant l’injustice, le malheur, la misère et le mensonge, justice soit faite.

 

Alors, tant pis si ça reste au stade de la nostalgie, du rêve irréaliste ou du vœu pieux, mais j’ai une irrésistible envie de crier : 

 

”Mon pays, mon amour lève-toi et marche.”

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