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Madanyat, perceptions et attitudes autour du leadership féminin

21/09/2021|Zeina Saleh Kayali

Pensez-vous que la société libanaise, dans ses différentes composantes, soit mûre pour un tel projet ? 

L’égalité de tous devant les lois et les prises de décision prenant en compte toutes les composantes de la société qui concernent la gouvernance de notre pays, conduisent de facto à l’édification d’une société plus juste et plus démocratique. Les Libanaises et les Libanais le savent et il ne faut surtout pas sous-estimer leur désir de changement. Preuve en est, cette enquête nationale que nous avons conduit avec le support du PNUD, de l’UE & de USAID visant à explorer les perceptions et les attitudes envers les femmes et leur rôle en politique. Beaucoup de stéréotypes y sont balayés, je vous en donne quelques exemples frappants. 75% des femmes interrogées ont déclaré se tenir au courant de l'actualité politique locale, ce chiffre réfute l’argument apporté par la classe politique actuelle qui continue de perpétuer l’idée reçue la plus commune : « les Libanaises ne s’intéressent pas à la politique ». Les chiffres de l’enquête démentent également ce fameux manque de solidarité des femmes entre elles que l’on nous sert depuis la nuit des temps, car 60 % des sondées ont affirmé être prêtes à soutenir d'autres femmes dans leur accession aux postes de décision, un pourcentage un peu plus élevé que celui des sondés masculins prêts, eux, à soutenir des femmes comme des hommes. La plupart des participant(e)s n’ont pas fait de distinctions majeures entre la femme politique idéale et l'homme politique idéal, tant que "la bonne personne est à la bonne place". Autrement dit, les caractéristiques applicables à la femme politique idéale sont également applicables à l'homme politique idéal en termes d'âge, d’apparence, de connaissances, de compétences et de qualifications. Fait notable aussi, près de la moitié des personnes interrogées ont déclaré que si deux candidats également qualifiés, l'un étant un homme et l'autre une femme, se présentent aux élections, elles voteraient pour la femme candidate. Les partis et formations politiques en charge de dresser les listes électorales devraient prendre acte de ces paramètres et par ailleurs de consulter l’étude, qualitative et quantitative complète sur notre site web : https://bit.ly/3iIR5mf

 

Par quels moyens arrivez-vous à faire évoluer les mentalités dans le but de créer un semblant d’équilibre entre la participation des hommes et des femmes à la vie publique ?

Tous les projets que nous entreprenons reposent sur le concept de la politique inclusive auquel nous croyons. C’est-à-dire qu’à Madanyat, nous essayons dans la mesure du possible, d’inclure des participants des deux sexes dans nos ateliers, nos campagnes de sensibilisation et notre lobbying avec les tenants du pouvoir et les instances concernées. En travaillant avec les partis politiques, traditionnels comme les nouvelles formations politiques, en suscitant des réformes électorales et en alertant l’opinion publique sur l'impact de la sous-représentation des femmes, nous préconisons une nouvelle vision de la vie publique qui serait accessible aux femmes et aux jeunes et à toutes les factions de la société laissées pour compte. Malgré le rôle prépondérant des femmes dans la société civile, le monde universitaire, la politique et le service public, notamment pendant la pandémie de Covid-19 et après l'explosion de Beyrouth en août 2020, elles restent fortement sous-estimées et sous-représentées dans les débats publics et leur représentation médiatique dans les affaires publiques et politiques. Cette sous-représentation qui est très claire dans le nombre des femmes au parlement, au gouvernement et dans les municipalités, ne passe pas du tout inaperçue chez les citoyennes et les citoyens. La quasi invisibilité des femmes dans les médias, est notamment relevée dans l’étude citée plus haut. Une partie de l’enquête a révélé et mesuré la perception du public de leur présence et de leurs performances dans les médias. Une meilleure inclusion des femmes en tant qu'invitées sur les plateaux, en particulier dans les talk-shows politiques, afin de faire valoir auprès du public leurs capacités et leurs expertises et leur donner l'opportunité d'être élues. Dans ce contexte, les résultats ont montré que 24% des médias n'encouragent pas les femmes à participer à des talk-shows politiques et 11% des personnes interrogées reprochent aux producteurs d'émissions de s'adresser à des personnalités publiques masculines au lieu de faire l'effort de trouver des invitées appropriées aux sujets abordés.

 

Croyez-vous qu’aux prochaines élections législatives votre travail sur le terrain aura porté quelques fruits ?

A Madanyat, comme dans beaucoup d’organismes traitant de la parité des questions électorales, nous sommes persuadés que rien n’est plus efficace qu’un système de quota visant à assurer que les femmes constituent une importante minorité de 20, 30 ou 40% au parlement, ou même d’arriver à un véritable équilibre entre les sexes de 50-50%. Aujourd’hui 121 pays ont adopté ce système avec succès, certains appliquent les quotas de façon temporaire, c'est-à-dire jusqu'à l'élimination des entraves bloquant l'accès des femmes à la politique, d’autres n'ont pas limité leur utilisation dans le temps.Une amélioration notable de la participation des femmes à la vie politique n’aura pas lieu au Liban sans ces mesures. Malgré tout, si cela n’était pas possible, une véritable volonté politique du pouvoir pourrait remédier à ce problème, notamment avec des listes électorales paritaires et un soutien effectif aux candidates. Les prochaines élections devraient avoir lieu dans les délais requis, et les candidatures féminines devraient être nombreuses si l’on veut vraiment arriver à un changement durable. Il faudrait aussi que les Libanaises et les Libanais ne se laissent pas emporter par la vague de pessimisme et de découragement qui règne dans le pays, et qu’ils utilisent les urnes de façon massive, c’est le seul moyen de faire entendre leur voix. Au sein de notre ONG, nous comptons beaucoup sur le vote des jeunes qui n’étaient pas vraiment au rendez-vous en 2018 et nous travaillons avec des programmes spécifiques, pour les encourager à être partie prenante des élections. Nous comptons également sur les campagnes que nous avons menées, notamment avec le programme Sawtna, soutenu par la Section des Affaires Publiques à l’ambassade des États Unis pour faire face au sexisme ordinaire et à la violence contre les femmes en politique qui est un véritable obstacle à leur participation à la vie publique.

 

Que faut-il vous souhaiter ?

Ce que tous les Libanaises et Libanais souhaitent, la paix et la stabilité, pouvoir accéder à des conditions de vie décentes, ne pas assister impuissants à cette hémorragie des cerveaux et à l’exode massif des jeunes. Ne pas avoir à travailler dans l’urgence et dans l’incertitude du lendemain. Pouvoir s’occuper des sujets qui nous tiennent vraiment à cœur, l’établissement de la justice, la diffusion de la culture de l’art, du beau et des droits de l’homme sans avoir l’impression d’être déphasés par rapport à l’état du pays. Parce-que ce sont ces sujets-là qui constituent les vrais fondements d’une nation.

 

 

 

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