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Des Femmes, des Hommes et du cœur : Antoinette Kazan

Associations

16/07/2020|Nelly Helou

Photo : ©Sarah Jane Weaver

Le tissu social du Liban a toujours été soutenu par des associations créées le plus souvent sur des initiatives personnelles et relevant du secteur privé. Dans ces moments où la solidarité est le maitre mot pour surmonter les grandes difficultés que traverse le pays, le rôle de ces femmes et de ces hommes est d’autant plus renforcé, important, admirable et tellement indispensable au quotidien. 

 

L’Agenda Culturel vous présente ces associations et les personnes qui leur donnent vie. 

Ame dynamique des Restaurants du Cœur

Antoinette Kazan : « nous sommes les soldats de l’ombre »

 

Un cœur gros comme ça! En 1983 avec l’afflux massif des Libanais de la Montagne Antoinette Kazan lance le Resto du Cœur et continue d’en être aujourd’hui, à 90 ans, l’élément dynamique. Infirmière diplômée de la Croix Rouge libanaise, elle va au-devant des cas difficiles. Rien ne la décourage. Elle a toujours le sourire, un accueil chaleureux, une longue et riche expérience de vie et affirme « Le  Libanais est généreux et solidaire. On ne meurt pas de faim au pays du Cèdre ».

 

Antoinette Kazan me reçoit dans la maison familiale à Sin el fil en ce lieu même où le premier Resto du Cœur a été lancé. « Tout a commencé dit-elle de façon spontanée en 1983 suite à l’exode massif des Libanais de la Montagne. J’avais ouvert la maison pour les accueillir croyant que c’était pour une semaine. Il a fallu alors s’organiser ». 

Suite à son initiative et sa détermination elle réussit à convaincre le président de la municipalité de Sin el Fil de loger ces familles, arrivées dans des bus dans le froid et la pluie, à l’école officielle en attendant qu’ils trouvent un logement. Avec un groupe de dames de la localité elle organise les repas quotidiens à leur offrir. Le Resto du Cœur venait de naitre, sous le slogan « Ahlan wa Sahlan, bil Mahaba ». « Mon père, dit- elle, accueillait de son côté à son domicile une soixantaine d’hommes âgés ayant tout perdu, partageant avec eux le petit- déjeuner et même le repas de midi, écoutant leurs problèmes. Dès l’arrivée des déplacés, j’ai contacté le président Charles Helou pour le mettre au courant, il s’y est impliqué à fond suivi de Mr Michel Eddé et d’autres personnalités. Progressivement cela a fait tache d’huile ».

Le Docteur Salim Hayeck met à leur disposition son ancienne maison familiale à Sin el Fil qui fera office pendant des années de Restaurant du Cœur. Sa fille Viviane Hayek Hajjar est toujours à leurs côtés.  « Tout le monde s’est mobilisé : les miens, les proches, les amis, les familles de la localité en premier les Dames de Sainte Rita et l’on s’est partagé les tâches. Les uns assuraient les produits alimentaires, d’autres préparaient les repas ou faisaient le service à table. On servait quasi quotidiennement des repas pour 500 personnes âgées et 800 enfants dans le besoin. Ce fut une vraie chaîne de solidarité ».

 

En 1988, une association officielle est créée inscrite au Ministère de l’Intérieur, numéro 187, sous le nom « les Amis du Restaurant du cœur » communément appelée « Les Restaurants du cœur », et fut reconnue d’utilité publique en 2014. Le premier comité présidé par le président Charles Helou groupera Mme Nadia Kettaneh vice –Présidente, Reine Sehnaoui Codsi trésorière qui l’est toujours « c’est l’abeille ouvrière, une Lady » souligne mon interlocutrice Antoinette Kazan secrétaire et âme des Restos.

 

Après les décès de Helou et Kettaneh, Michel Eddé a pris la présidence et Mme Hala Issam Fares la vice- présidence. « Une dame d’une grande générosité ». L’actuel président est Me Joseph Khoury Hélou. 

 

UN RICHE PARCOURS 

Du premier instant à nos jours Antoinette Kazan continue d’être l’âme vivante et infatigable de cette association. Elle s’en défend soulignant « ce que nous faisons est un travail d’équipe ». Des histoires à raconter, des souvenirs à égrener, elle en a à revendre. « Un jour, le comité de solidarité franco- libanais demande à venir voir le président Charles Hélou. Il leur dit « je vous accueille au Restaurant ». Ils ont dû croire qu’il s’agissait d’un important restaurant en ville. Il les reçoit au Resto du cœur et ils furent très impressionnés. Une contribution des diplomates s’en suit. La visite du Premier ministre Rafic Hariri nous a fait aussi une grande publicité. »

Grâce à la grande générosité des fondateurs et des donateurs les Restos du cœur se dotent à Sin el Fil d’une maison mère de trois étages inscrite au nom de l’association. « Nous, nous sommes les soldats de l’ombre » dit Antoinette Kazan. Un club de loisir y est créé avec différentes activités culturelles, sociales, sportives et autres pour les jeunes et les ainés. Le coiffeur venait le lundi pour les hommes et le samedi pour les enfants. 

« Pour créer un peu d’ambiance, ma sœur Ketty décide d’organiser  « Khamis el Sakara " selon nos traditions. Le président Helou lui propose par la suite de prendre en charge le Khamis des Maronites tandis que l’on gardait celui des orthodoxes. Aujourd’hui le groupe de Zgarta offre et anime ce jeudi gras libanais », 

« Nous avons créé aussi un ouvroir car beaucoup de femmes sont habiles au crochet et à d’autres travaux manuels. Nous leur apportons la matière première. J’ai vendu du crochet et des poupées du folklore libanais à la boutique des Nations unies à New York et à Boston des emblèmes du Cèdre du Liban et des croix".

Le Resto du cœur connait aussi des moments poignants avec l’afflux massif des fils du sud venu trouver refuge dans les régions Est lors de la guerre de juillet –aout 2006. « On cuisinait chaque jour pour 1200 personnes dit-elle. Les volontaires venaient prendre les marmites pour les distribuer à Nabaa, Furn el,Chebak, Bourj Hammoud, Achrafiyeh, Dekouaneh,  Jisr el Bacha .... Croyez-moi, les libanais sont généreux ». Il en fut de même lors des bombardements de Cana. Le député Anouar el Khalil fut le seul membre du gouvernement à venir nous remercier pour le travail que nous faisons. Nous avons de même accueilli les réfugiés syriens et on préparait deux services par jour. Je m’occupais d’une quarantaine d’enfants, les faisait chanter leur hymne national en leur disant « Vous êtes des invités au Liban et un jour vous allez rentrer chez vous ».

Au fil des années l’association s’agrandit à 13 restos situés un peu partout au Liban. Aujourd’hui, grâce au soutien des donateurs, les Resto du Cœur assurent 200.000 repas par an, et distribuent 100.000 colis de denrées alimentaires. 

 

Antoinette Kazan (debout) avec les responsables du Resto du cœur

MOTIVATIONS ET ETUDES 

D’où vient cette profonde motivation du social et de l’humanitaire chez Antoinette Kazan ? « Je suis née et j’ai grandi dans une famille branchée sur l'humanitaire qui s’est toujours occupée des nécessiteux, dit- elle. Mes parents invitaient les enfants qui venaient de perdre leur mère à venir partager le repas du soir avec nous. Mon père avait une briqueterie et l’été des ouvriers syriens venaient y travailler. On leur assurait le repas pour qu’ils puissent mettre de côté leur salaire. Ma mère faisait la soupe aux personnes âgées. Elle nous amenait visiter les malades, y compris ceux atteint de la typhoïde déposant une marmite à l’entrée de leur domicile. Un jeune orphelin qui a grandi avec nous a fait carrière et disait devant ses enfants « c’est grâce à Jeddo Halim (père d’Antoinette) que j’ai fait ma vie et gagné cet argent. Antoinette est ma sœur spirituelle. Il nous a toujours aidé et sa fille continue de le faire. » 

Sur le plan de la formation professionnelle Antoinette Kazan fait ses études d’infirmière à la Croix Rouge Libanaise. Elle reçoit par la suite une bourse d’étude pour une formation de 7 mois à Paris sur les aspects sociaux de l’habitat, et une autre de l’OMS pour l’éducation sanitaire. « Ayant toujours aimé étudier et me perfectionner dans le domaine médio- social, dit-elle, j’ai fait la médecine du travail à la faculté française de Médecine, et reçu une attestation officielle ». Elle travaille un an à la Croix rouge à Genève, et suit des cours sur la psychologie du troisième âge. Elle s’occupe des lépreux, accompagne les enfants bleus à Paris. En poste aussi au Ministère du Travail, elle se penche sur les aspects sociaux de l’habitat et fait une étude sur les personnes handicapées. Elle assume aussi la tâche d’assistance auprès de la première Dame Nina et du président Charles Helou au palais présidentiel, puis après le mandat, en leur résidence à Kaslik. 

« J’ai beaucoup travaillé, beaucoup voyagé, et j’ai toujours aimé les cas difficiles », confie Kazan. « Chaque fois que j’allais avec la clinique mobile de la CRL et que je repérais des orphelins, je leur trouvais un orphelinat via le Ministère de Affaires Sociales ». 

Elle s’occupe aussi des toxicomanes à l’hôpital psychiatrique Asfouriyeh et va jouer aux cartes avec eux. En quittant, elle devait attendre un bon moment pour qu’un taxi se décide à l’embarquer. Une fois le chauffeur lui donne un conseil : en sortant mettez-vous un peu plus haut ou un peu plus bas du bâtiment pour ne pas attirer la méfiance du conducteur. 

 

Générosité et solidarité 

Est-ce qu’elle considère que la situation aujourd'hui hui est plus difficile qu’avant ?  « Sur le plan matériel, bien sûr » dit- elle. Quand nous avons commencé au Resto du cœur il y avait beaucoup plus d’argent. N’empêche, les Libanais sont solidaires et généreux, il faut savoir leur montrer comment est utilisé leur argent. Aujourd'hui hui, j’évite de prendre des chèques pour les mettre à la banque et les perdre ensuite. A ceux qui veulent aider, je demande de nous fournir directement le produit dont nous avons besoin. 

« Avec le Covid -19 les gens viennent emporter leur repas et l’on fait aussi une grande distribution de denrées alimentaires de première nécessité. Une des difficultés majeures du moment est d’assurer les médicaments pour les maladies chroniques, diabète, tension, etc, une tache dont on s’est toujours acquitté ».

Pensez -vous qu’on va vers la famine ?... « Pour moi les Libanais ne meurent pas de faim ! Aujourd'hui hui, par exemple, le déjeuner était déjà servi quand nous avons reçu 260 grandes cuisses de poulet qu’on a donné à emporter. Pour le prochain repas, une dame a promis d’apporter du Moghlé car sa fille vient d’accoucher. Dieu ne nous a jamais abandonnés. Avec ou sans dollars ! Mais, la qualité de vie va changer. Les gens vont réduire la consommation de jambon de parme, de fromages français, de moules, etc… Elle ajoute avec humour :" le cholestérol et les triglycérides vont baisser chez les libanais ». 

Vous êtes restée célibataire, pourquoi ? « Le mariage, c’est une vocation que je n’ai jamais eue. Certains pensaient que je me destinais à la vie religieuse. Pas du tout ! 

Combien d’années d’activités a t-elle cumulées ? « J’ai commencé à 18 ans et j’en ai aujourd’hui 90. Vous pouvez compter !

Son rythme de vie ? « Je me réveille à 5 heures et demi, je lis le journal et je m’active jusqu'à 18 heures de plein cœur. Le soir, je revois les comptes de la journée, fais ma prière et me repose ». Toujours pleine d’énergie, elle trouve aussi le temps de cultiver son jardin et respire la paix, la sérénité et la vraie convivialité.

« Je ne peux pas voir des larmes ni chez les enfants ni chez les  vieux », dit-elle. « Mettre de la joie et le sourire sur leur visage est ma propre joie intérieure ». 

Votre message aux libanais ?  « Soyez sage, ne quittez pas le Liban, ayez en vous la paix. Toujours après la nuit et la tempête, le jour se lève ». 

 

Fiche Technique 

Les Resto du Cœur préparent plus de 200.000 repas par an mais ceux qui devraient en profiter sont encore plus nombreux. Le budget annuel de l’association s’élève à environ 300.000 dollars. Le financement provient essentiellement de bienfaiteurs libanais et étrangers. Mais suite à la crise économique et sociale qui mine le pays et la pauvreté croissante les nécessités augmentent considérablement et les Restos du cœur ont besoin de votre soutien. 

 

Comment aider ? 

En offrant un repas chaud ou des denrées alimentaires et des conserves

En venant servir et partager un repas avec nous.

En faisant un don soit en espèces, soit par chèques au nom de l’Association des Amis des Restaurants du cœur soit par virement auprès des banques suivantes. 

 

Nom de l’associationResto du Cœur
IBAN et détails bancaires

Banque Audi : LB  91 0056 002 7246  8461 0010 0905
Société Nouvelle Banque de Syrie et du Liban : LB 11 0068 0000 3241 9050 01 10 1914

 

Adresse et num de téléphone

 

Pour toute information veuillez contacter Mlle Antoinette Kazan au +961 3266841 ;restosducoeurliban@hotmail.com

 

 

Le comité directeur : 

Président : Mr Joseph Khoury Hélou

Vice –président: Mr Sami Hochar

Secrétaire: Mlle Antoinette Kazan

Trésorière : Mme Reine Sehnaoui Codsi

Conseiller financier : Mme Mia Khoury Ayoub

 

Membres du comité : Mr Michel Béchara el-Khoury, Mme Nada Abouhamad Asseily, Mr Noël  Ayoub, Mme Émilie Rizk, Mme Marylène Debbané Hochar.

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