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Confessions en temps de Corona : Nadim Tabet

22/04/2020

Nadim Tabet, Réalisateur

Facebook : Nadim Tabet Lemmy Caution

 

Travaille actuellement sur son nouveau long-métrage, un film d’horreur.

 

Pensez-vous que cette situation va amener à un changement ? et si oui, comment ?

Ça relèverait des compétitions d’éloquence, tels qu’on les trouve dans les Universités, que de défendre l’idée qu’il n’y aura pas de changement surtout avec la double portion de « crise » qu’on traverse actuellement au Liban. Celle plus mondiale du Corona et celle plus locale de l’effondrement total du château de carte qu’on nous a construit pendant 30 ans. Et pour revenir à la « compétition » d’éloquence, bien sûr qu’avec les mots on peut tout démontrer et dire que du changement il n’y en aura pas.

 

J’utilise cette image intentionnellement parce que, quelque soit le changement qui adviendra, la vision qui prédominera se gagnera par la bataille des « mots » et des idées. Et même si je ne suis pas certain que ce changement ira vers le mieux, la période est certainement très intéressante parce qu’on assiste à un retour des idées.

 

Même si les professionnels de la pensée en tout genre (philosophes, journalistes, analystes politique, etc…) doivent avoir les poils qui s’hérissent actuellement, en tant qu’amateur je le trouve plutôt beau ce monde où chacun y va de sa réflexion sur le monde ou l’avenir du Liban.

 

Même si beaucoup de ses réflexions peuvent paraître farfelues, je préfère voir ça plutôt que d’avoir une overdose de selfie à chaque fois que j’ouvre les réseaux sociaux.

 

Je n’utilise pas le mot « selfie » par hasard, parce que si nous avons un problème actuellement par rapport à la question de savoir « quel changement ? », c’est parce que pendant longtemps le monde des idées et de la pensée nous a quitté pour être remplacé par celui du ludique et de la com avec ses coups en tous genre.

 

Je ne sais pas pourquoi j’ai beaucoup de fans de Yoga sur mes réseaux, mais s’ils pensent, comme je le lis souvent, que le changement qui s’opère actuellement est celui qui mène au monde peace and love où il n’y aura plus d’égoïsme, ils se trompent royalement.

 

L’après Corona et la crise libanaise ça ne sera pas comme aller au supermarché pour choisir le monde qui nous convient le mieux (bio, vegan, écolo ou je ne sais quoi).

 

L’égoïsme, les lois du marché ou les petits calculs politiciens ne vont pas disparaître du jour au lendemain. Et c’est peut-être pour ça que je ne n’arrive pas à évaluer si nous avons pris du retard dans la bataille des idées qui s’ouvre à présent.

 

Parce que même si comme pas mal de fans de Yoga, mois aussi je souhaite un monde « écolo friendly », celui-ci n’arrivera pas juste en méditant chez soi pour retrouver son chakra perdu. C’est plutôt une pensée du dehors et de l’action commune qui pourra mener au changement désiré.

 

Et celui qui a bien compris cet enjeu, c’est Peter Sloterdjik avec cette réflexion extraite d’un livre sur la Colère (une notion urgente à méditer actuellement) : « Si l’une des leçons du XXe siècle a été que l’universalisme depuis le haut est voué à l’échec, le stigmate du XXIe siècle pourrait être de ne pas réussir à former à temps, depuis le bas, le sens des situations communes ».

 

Que ce soit dans le monde ou au Liban, cette “situation commune” se signale à nouveau à nous. Mais sommes-nous en retard ? Avons-nous préparé le bon corpus d’idées pour pouvoir y faire face et s’en servir pour le grand changement de mentalité désiré ?

 

Je ne sais pas, mais je me dis que c’est le moment ou jamais de saisir cette chance pour se débarrasser de la com et du ludique pur revenir au monde des idées, de la pensée et des actions qui vont avec.

 

De quoi est fait votre quotidien en temps de confinement ?

Je réfléchis à tout ce que j’ai écrit plus haut.

 

Des petits bonheurs simples d’une vie active, qu’est-ce qui vous manque le plus ?

Réfléchir à tout ce que j’ai écrit plus haut, mais avec des amis autour d’un verre ou dans un bon resto.

 

Qu’est-ce qui ne vous manque pas ?

La vitesse, mais bon, je ne suis pas certain qu’elle ait vraiment disparu avec les 40000 messages Whatsapp qu’on reçoit par groupe. Il suffit d’avoir 15 groupes Whatsapp pour se sentir submergé par des infos qui circulent à une vitesse vertigineuse.

 

Pour tromper l’ennui que suggérez-vous à nos lecteurs comme :

La nouvelle « Bartleby » d’Herman Melville parce que la leçon d’insubordination qui y est livrée nous sera très utile dans un futur proche. Le fameux « je ne préférerais pas » que Bartleby oppose à son patron à chaque fois qu’il lui assigne une mission. Donc ne pas oublier le Bartleby qui sommeille en nous.

 

En œuvre musicale ça serait le groupe Rage Against The Machine et en particulier le morceau « Killing in the name » qui me semble assez approprié à nous maintenir énervé et en vie en ces

temps d’action. Pour ceux qui ne connaissent pas, c’est presque la même chose que Bartleby, mais en version moins « gendre idéal » puisqu’au lieu du « je ne préfèrerais pas » c’est plutôt (et je m’excuse par avance auprès des lecteurs) un « fuck you, I won’t do what you tell me » qui est répété à l’infini.

 

Et en films, je vais proposer les œuvres de Ken Loach, Robert Guédiguian et des frère Dardenne. Des cinéastes qui savent détecter ce qui reste d’humanité chez des personnages écrasés par la pression économique et sociale. Et ces leçons d’humanité sont belles à voir en ces temps de crise économique pour le Liban où ce beau pays (ne jamais l’oublier) va plus ressembler à un film de Loach qu’à une série du type « Sex and the city ».

 

Un mot d’encouragement

On aime tous « Sex and the city » et, ne vous inquiétez pas, ça reviendra une fois que la phase « sex and depression » sera terminée.

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