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BEYROUTH BY DAY: Bab Idriss

Livre

02/12/2020|Tania Hadjithomas Mehanna

Même si le nom de Bab Idriss résonne comme un vestige de la vie « d’avant », le quartier est bel et bien là et tient son nom d’une des sept portes qui donnaient accès à la ville.

 

Textes de Tania Hadjithomas Mehanna

Photos de Ghadi Smat

Tirés du livre Beyrouth by Day, en vente dans les librairies Stephan, Antoine et Antoine Online

Les bénéfices de la vente du livre seront reversés aux ONG locales. 

Plus que n’importe quel nom de rue ou de quartier, Bab Idriss provoque chez ceux qui ont connu Beyrouth avant l’orage un frémissement d’émotion. Un peu à l’écart de l’agitation des souks, les nombreux cafés-restaurants et les commerces renommés avaient inscrit le quartier dans la bulle protégée d’une certaine dolce vita beyrouthine. En 1959, le centre commercial Starco révélait une modernité inédite dans la région avec sa structure de verre et ses escaliers roulants. Bab Idriss aujourd’hui se reconstruit, parfois au prix d’une démolition douloureuse de tout un pan d’histoire. Wadi Abou Jmil, quartier résidentiel de la communauté juive, ne retrouvera ni son aspect ni ses magnolias d’hier. Dans le sillage de la reconstruction du centre-ville, un autre visage se profile avec de nouveaux espaces au cachet levantin et des jardins suspendus. 

 

Construit en 1850 par Hajj Abdallah Beyhum, le Palais Abdel Kader tient son nom du fait que l’émir Abdel Kader el Jazaïri, exilé d’Algérie, y trouva refuge durant plus de sept mois. Splendide demeure à l’architecture élégante, elle fut rachetée en 1911 par la France pour y loger des religieuses puis des archéologues français qui y fondèrent, en 1947, l’Institut français d’archéologie de Beyrouth. Point de rencontre de l’intelligentsia beyrouthine et d’intellectuels venus du monde entier, les salons bruissaient de conversations littéraires, politiques et scientifiques. La riche bibliothèque drainait les chercheurs et de nombreuses conférences firent du Palais Abdel Kader un phare culturel. Les Français cédèrent le palais à Solidere qui décida de le préserver. Mais c’est son actuel propriétaire, Anthony Tannoury, qui se chargera de le restaurer et d’en faire l’écrin de ses collections inestimables. 

 

Pour se défendre des invasions étrangères, Beyrouth était, jusqu’en 1830, une ville fortifiée entourée d’une muraille haute de cinq mètres. Huit portes donnaient accès à la ville dont les clés étaient confiées à des notables qui habitaient à proximité et qui se chargeaient de fermer et d’ouvrir les accès. Proche du port, Bab el Dabbagha, était empruntée par les caravaniers pour éviter les ruelles étroites et malaisées des souks. C’était également le centre de la douane de l’époque. Plus au sud, Bab el Saraya tient son nom du Petit Sérail de Fakhreddine détruit en 1882. Bab Abi Nasr se situait à proximité de l’actuelle place des Martyrs. Bab el Darké (darkan, hôtel en turc) était la plus belle porte de la ville et la seule ouverte la nuit pour les étrangers. Bab Yaacoub qui pourrait avoir été construite par le gouverneur de Acca Ahmed Bacha el Jazzar porte-elle le nom d’un médecin de Saïda nommé Yaacoub Abella ou de celui qui habitait au-dessus de cette porte, Yaacoub Kesrouani ? Bab Idriss, démolie en 1869, doit son nom à un habitant de la famille Idriss qui avait une maison accolée à la porte. Bab el Santia était près du cimetière musulman du même nom et enfin Bab el Silsila (chaîne) se trouvait entre deux tours. 

 

Aménagé vers le milieu du XIXe siècle, Wadi Abou Jmil devient vite le quartier privilégié de la communauté juive qui comptait, avant 1967, plus de 6000 membres et près de 2000 avant la guerre. Mais aujourd’hui seules la synagogue et l’école attenante sont encore là pour témoigner. Étrangement debout et relativement épargnée, la synagogue Maghen Abraham édifiée en 1925, fermée depuis 1982, est en voie de réhabilitation. Elle sera reconstruite à l’identique avec un fonds provenant d’une collecte auprès de la communauté juive libanaise et l’aide de Solidere. Tout le monde au Liban semble d’accord, une fois n’est pas coutume, pour souligner l’importance de rouvrir la synagogue et l’école. Si les juifs au Liban ne sont plus aujourd’hui qu’une centaine, plus de 2000 y viennent régulièrement ou ont contracté des mariages mixtes. Près de la synagogue, des fouilles menées par la Direction générale des antiquités ont mis au jour des éléments architecturaux d’un hippodrome romain sur plus de 3000 mètres carrés. Beyrouth a donc aujourd’hui son cirque antique. Mais la question se pose : gardera-t-on l’hippodrome in situ ou le déplacera-t-on pour permettre la continuation des travaux de reconstruction ? 

 

Dans le quartier de Bab Idriss se dresse une école qui est aussi un état d’esprit. Dès leur arrivée au Liban en 1908, les Sœurs de Besançon fondent un orphelinat. Cherchant un local plus spacieux, les religieuses, avec à leur tête Mère Hermann, optent en 1914 pour la maison Bitar située rue Georges-Picot rebaptisée rue Omar Daouk. La bâtisse, en mauvais état, nécessite quelques travaux et le Père Isidore commence par édifier un splendide escalier. Il faudra attendre 1919 pour que sonne enfin la cloche qui accueille les premières élèves de cet établissement d’où sortira, en 1922, la première bachelière libanaise. Dès lors, l’institution Sœur Anne des Sœurs de Besançon connaît un magnifique essor et l’on vient de toute la région apprendre la couture, la danse, la littérature, le calcul et les bonnes manières auprès de ces religieuses gaies et maternelles. Des milliers de « petites filles modèles » en uniforme passent le portail et se transforment en femmes d’intérieur, peintres, avocates, écrivains toutes animées du même esprit, de la même ferveur, des mêmes souvenirs et du même amour pour cette école de vie. Malgré la guerre qui a défiguré le quartier, en dépit de tous les dangers qui menaçaient les vies, la cloche n’a jamais arrêté de sonner, les cours n’ont jamais cessé d’être donnés dans cette maison et son jardin protégés par la statue de la fondatrice sainte Jeanne et par les prières ferventes des religieuses. 

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