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“And So We Drive On” de Marina Chamma. Parce que la vie est plus forte que tout, même à Beyrouth

24/09/2020|Gisèle Kayata Eid

Pour avoir trop vite oublié nos déboires, nos humiliations aux barrages, nos injustices imposées par les occupants; 

Pour avoir trop vite fermé les yeux devant l’intolérable et s’être tu sur les situations qu’on a laissées pourrir; 

Pour avoir effacé jusqu’au souvenir des blessures de la guerre, des voitures piégées, des déflagrations de toutes sortes; 

Parce que nous n’avons pas demandé des comptes, assigner des responsabilités et pris les résolutions nécessaires ; 

Parce que nous refusons de voir, de croire que les Libanais sont bourrés de stéréotypes, qu’ils se surveillent les uns les autres, s’observent, se défendent, mais aussi peuvent se trahir facilement;

Parce que nous occultons nos racines et nos multiples allégeances, nos patrimoines qui se recoupent dans ce bassin méditerranéen, creuset de tant de dissensions; 

Parce que les non-dits des guerres, des insurrections, des règlements de compte, des coups d’État avortés, des manifestations se font toujours au détriment de personnes vulnérables… 

 

Pour toutes ces raisons (et bien d’autres) qui résonnent dans la mémoire ou l’inconscient du lecteur dans ce qu’il a vécu ou entendu, il faut lire les 10 fictions que Marina Chamma propose dans son recueil de nouvelles «And So We Drive On » qui racontent des tranches de vie de magouilleurs, d’éclopés de la vie, de sans-abris, de pauvres gens, mais aussi d’hommes infidèles, de femmes folles d’amour, d’enfants à la recherche de leur identité… 

 

 

À partir d’une modeste réalité quasi quotidienne, courante, les histoires de Marina Chamma nous touchent parce qu’elles dénotent une profonde connaissance des Beyrouthins : leurs blagues, leur tendresse, leur bonhomie, leurs habitudes, leurs conversations, leurs névroses (ne pas oser bouger sa voiture par peur de perdre sa place de stationnement), leurs conversations dans les taxis-services qui slaloment d’un côté à l’autre de la rue…  Une empathie bourrée de sensibilité. Mais pas seulement. Les nouvelles de la jeune économiste et politologue qui présente là sa première œuvre littéraire nous accrochent surtout, car la jeune femme nous offre avec son livre (rouge comme le sang et comme l’amour) un produit bougrement réussi dans le genre : précision du détail, descriptions vivantes, ciselées, unité dramatique des scènes, sens aigu du suspense, densité et unicité de la narration, art de la chute… Tous les ingrédients magiques d’une nouvelle s’y croisent pour témoigner des aspects multiples d’une ville qui grouille, respire, souffre et persiste.

 

Dans ce qui devait être à la base une fiction, la fille de diplomate qui a bourlingué sur tous les continents avant de choisir de s’établir définitivement au Liban, n’aurait pas pu mieux choisir qu’un kaléidoscope de situations et d’expériences pour témoigner de son ancrage dans cette « ville qu’on aime détester et qu’on déteste aimer » comme elle aime le dire. Une façon d’être activiste, par l’écrit qu’elle privilégie désormais. 

 

En choisissant ce genre littéraire réaliste qui montre brièvement pour nous faire réfléchir longuement, Marina Chamma a visé en plein dans le mille pour rendre compte de la vitalité de Beyrouth, cette ville qui subit contre-coup après l’autre. Autant de déboires qui n’empêcheront pas la capitale pour autant de continuer malgré tout et d’aller de l’avant. « La vie est plus forte que tout ». Un enseignement que ses périples aux États-Unis, Canada, Brésil, Japon, Chili, Autriche lui ont appris (et dans les cinq langues qu’elle maîtrise !) 

 

Un hommage, un cri d’amour que ce puissant livre nous offre, surtout après la tragédie du 4 août, cette apocalypse qui a charrié dommages, victimes, destructions, mais aussi tant de désespoirs. 

 

Mais heureusement : « And So We Drive On”…

 

….

 

«And So We Drive On: Short Stories » est disponible à la Librairie Antoine dans toutes ses succursales, à Aaliya’s Books (Gemmayze) et Thinkers (Zahlé), ainsi que très prochainement au Virgin Mégastore de Dubai. Il est également disponible online sur antoineonline.com, lebzone.com et BuyLebanese.com

Vous pouvez aussi retrouver les écrits de Marina Chamma sur son blog : eyeontheeast.org, sur 

Facebook (/eyeontheeast) et sur Twitter @eyeontheeast

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