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III : La décentralisation des musées : le contre-exemple libanais

28/12/2018

Entre utopie et fatalité, la décentralisation libanaise est bel et bien effective pour des raisons démographiques. La difficile mobilité dans le pays, néanmoins, met à mal ce qui pourrait être une richesse quand les Libanais restent très attachés à leurs communes. Inévitablement, Beyrouth reste le point de concentration hégémonique de l’administration nationale, entraînant la centralisation de la culture et des divertissements. Pourtant, les musées ne sont vraiment pas une affaire de la capitale. En effet, les chiffres proposent une toute autre histoire. Tous types de musées confondus, le Liban en recense plus en région qu’à Beyrouth. Dans son ouvrage ‘Sur la route des musées au Liban - Guide Pratique’ (Ed. Geuthner et Al Ayn) Hana Samadi Naaman en répertorie 106.


 



Cette répartition repose sans conteste sur une nette différence des prix des biens fonciers, mais pas seulement. D’autres facteurs ne doivent pas être négligés comme les itinéraires touristiques, - basés sur le patrimoine archéologique du pays -, dès lors que les initiatives locales dépendent du bon vouloir et des moyens des municipalités. Enfin, les dynamiques artistiques engagées par des acteurs soit locaux soit beyrouthins visent à renouveler l’offre culturelle dans le pays. Si la plupart des musées en région ne sont pas de l’envergure de ceux de la capitale, ils ont le mérite de proposer une offre plus diversifiée restant malheureusement, pour la plupart, méconnue.

 



Nombreux sont les musées en région vieux de plusieurs décennies, notons, toutefois, un regain d’intérêt pour ce type d’établissements grâce à la multiplication d’activités culturelles. Le musée Nabu situé dans la région de Chekka, comptait lors de son ouverture en Septembre dernier, 4000 visiteurs. Un record de fréquentation pour un musée en région. Cet enthousiasme n’est pas sans lien avec l’engagement des associations en région. A titre d’exemple, citons Temporary Art Platform qui organise l’accueil en résidence d’artistes dans des communes éloignées de Beyrouth ou encore l’ouverture de nouveaux centres culturels comme Hammana Artist House en 2017. Enfin, ouvert depuis 2013, sur les hauteurs de Jbeil, le MACAM (Modern and Contemporary Art Museum) a compris les problématiques de la décentralisation en organisant régulièrement des évènements accessibles depuis Beyrouth en affrétant des navettes.



 



Pour mieux appréhender l’offre culturelle en région, nous nous sommes penchés sur les musées d’art, les monuments historiques et les musées archéologiques. Cependant, la richesse des musées régionaux s’étend à bien d’autres sujets tels que les collections religieuses, les musées terrestres, maritimes ou préhistoriques, les musées ethnographiques ou encore quelques inclassables à découvrir au gré de visites en région.

L’histoire de l’art s’écrit en région
Ces dernières années, ont fleuri de nombreux musées à l’honneur des plus grands artistes libanais. Lieux nécessaires pour l’historiographie et la conservation du travail artistique, ce sont souvent les artistes eux-mêmes, leurs familles ou des collectionneurs qui dotent les municipalités de ces musées soit du vivant de l’artiste soit de manière posthume.


 



En 2015 un musée dédié à Jamil Moaleb a été inauguré à Baissour - Aley regroupant ses peintures, sculptures et mosaïques ainsi que des œuvres d’autres artistes libanais tels que Omar Onsi, Amine el Bacha ou encore Aref El Rayess. Deux ans après, c’est le musée du collectionneur Emile Hannouche qui voyait le jour à Chtaura - sa ville natale - mettant à l’honneur une collection de près de 900 œuvres rendant hommage aux artistes libanais. Toutefois, la collection dispose également de quelques estampes japonaises, sculptures antiques ou objet hétéroclites qui font la singularité du lieu. Nombreux sont les autres musées qu’il faudrait citer, mais parmi les incontournables nous ne pouvons omettre le musée Gibran Khalil Gibran à Bcharré, véritable lieu de pèlerinage à l’honneur du poète et philosophe où sont préservés tous ses objets personnels, le musée Moussa Tiba à Cana ou encore le Musée Emmanuel Paul Guiragossian à Jdeideh.

 



Cartographie d’un Liban historique ?
Dans une dynamique plus touristique qu’artistique, les monuments historiques restent des musées incontournables en région, constituant l’un des premiers points d’attraction des touristes locaux et internationaux. Au contraire de Beyrouth où la préservation des monuments est éminemment politique et problématique, en région, les municipalités font de ces bâtiments des vitrines. Reconvertis pour la plupart en musées, ils offrent une lecture de l’Histoire très différente de celle écrite dans la capitale.


 



Il serait impossible de tous les citer mais parmi les plus emblématiques nous pouvons mentionner le Palais Debanné de la ville de Saïda datant de 1721 qui a retrouvé ses couleurs d’antan après seize années de restauration qui se sont achevées en 2017. Dans le Chouf, le palais de Beiteddine, la résidence présidentielle également reconvertie en musée est une étape nécessaire à la découverte du Liban. Au Nord, le château Saint Gilles de Tripoli accueille au sein de sa forteresse le musée du Liban du Nord et du Akkar. Côté Sud, on pourra découvrir le château de Beaufort réhabilité par la commune de Nabatieh ou encore l’inclassable Musée de la Résistance sur le site de Mleeta, forme de monument historique toujours très visité.

Musées archéologiques et renouvellement
Enfin, derniers mais pas moindres, les musées des sites archéologiques dessinent les trajectoires les plus importantes de la décentralisation culturelle libanaise. Ils constituent également une véritable pierre d’angle d’un renouvellement culturel engagé par la Direction Générale des Antiquités qui renforcera l’importance des sites régionaux. Selon sa directrice Anne-Marie Afeiche, cinq ‘‘musées de sites’’ sont en cours de rénovation. Le but de ces chantiers est de fonder des musées qui prendront appui sur des découvertes archéologiques locales pour parler de la ville et de ses particularités de manière plus contemporaine. ‘‘Ce qu’on veut c’est que les habitants s’approprient l’histoire de leur région et de leur ville et surtout qu’ils en soient fiers’’ précise Afeiche.
 


 



Priorité du Ministre de la Culture, les sites archéologiques sont les outils indispensables et emblématiques pour l’éducation et la préservation de l’héritage libanais. Parmi les changements, la maison iconique du site archéologique de Byblos est actuellement en cours de restauration pour devenir un musée à part entière qui proposerait un nouveau regard sur le site de Byblos.
 


 



Et pourquoi pas programmer des évènements d’art contemporain ? Un essai avait été fait sur le site de Baalbek en 2016 avec l’exposition ‘Silent Echo’ qui avait notamment présenté le travail de l’artiste Ai Weiwei. Le Studio Cur/art à l’initiative de ce projet réitérait l’expérience à Tripoli, en collaboration avec l’association BeMA, avec l’organisation d’une exposition d’art contemporain à succès dans la citadelle Saint-Gilles et dans la foire internationale de Tripoli.
 


 



La directrice générale des Antiquités conclut : ‘‘Il faut donner une particularité à ces sites pour attirer les touristes libanais et touristes étrangers. Dynamiser les régions c’est également donner un nouveau souffle éducatif et culturel et se détacher de la centralisation beyrouthine’’.
 


 


 

AUTEUR DU DOSSIER : Léa Vicente
 

Assistante de collection pour la fondation Dar El-Nimer à Beyrouth, Léa Vicente est diplômée d’un master en droit du patrimoine et du marché artistiques de l’Université́ Panthéon-Assas à Paris, elle est également spécialisée dans les arts de l’Islam grâce à l’obtention d’un Master 1 dans cette discipline de l’Université́ Paris-Sorbonne. Journaliste culturelle pour plusieurs médias français et libanais, elle est à l'affût des pratiques culturelles émergentes du monde arabe et observe avec attention leurs évolutions.


PHOTOS : Samir Nicolas Saddi
 

Samir Nicolas Saddi est architecte, photographe et chercheur avec plus de40ans d’expérience internationale (dont 25 ans passés dans plusieurs États du Golfe : Arabie, Qatar, Émirats, Kuwait...). Travaille depuis 2004 dans la gestion de projets de musées dont le Musée d’Art Islamique et le Musée National au Qatar, le Musée du Louvre Abu Dhabi, le Musée de la Monnaie de la Banque du Liban, le Grand Musée Egyptien ainsi que d’autres musées en Arabie et au Kuwait. Il est aussi fondateur d’ARCADE ou Atelier de Recherche et de Communication sur l’Architecture Durable et l’Environnement. ARCADE est une plateforme de recherche et de publication sur l’architecture traditionnelle et contemporaine dans le monde arabe. Depuis sa création en 1976, ARCADE a bâti une librairie considérable d’images et de données sur l’architecture vernaculaire et contemporaine du monde arabe et de l’Afrique.

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