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Wadia Sabra : héros d’un merveilleux conte associé à la fête de l’indépendance.

21/11/2023|Gisèle Kayata Eid

C’est l’air qui ne s’est jamais démodé dans nos cœurs. Celui qui nous remplit de joie, de fierté, quelle que soit la circonstance. Dans les moments de grande détresse, le fredonner nous donne de l’espoir. Nous met dans un état d’allégresse. Nous fait croire que tout va bien malgré tout, puisqu’il est encore là, intact. Chanté, joué, il nous unit au-delà de tout. Ce serait peut-être le seul emblème non terni ou confisqué que nous partageons, que nous enseignons à nos enfants, dont les paroles nous assiègent, parfois une larme au coin des yeux, mais soudain la tête haute, digne, tenace.

 

Notre chair de poule inattendue, la mélodie tapie dans un coin de notre mémoire, notre chant de ralliement, notre cri d’inaliénation, pérenne et inaltérable, notre affirmation d’indépendance, c’est lui, notre hymne national. Aujourd’hui il est encore là, il a 96 ans et il couronne toujours nos têtes et notre désir de vivre sur notre terre. Il porte un nom : Wadia Sabra et la date du 22 novembre, celle de l’indépendance du Liban, restera à jamais intimement liée au nom illustre de son créateur.  

 

Né en 1876 à Aïn al Jadidé (proche de Bhamdoun), cet homme a connu la domination des Ottomans, puis l’État du Grand-Liban en 1920, suivi du mandat français, les deux guerres mondiales et enfin l’indépendance de son pays en 1943. Pourtant ce musicien chevronné qui a créé le Conservatoire libanais et qui l’a présidé jusqu’à son décès, ce musicien protestant hors pair, créateur de ce Koullouna lil Watan jouée depuis des millions de fois… est demeuré dans l’ombre plus de 65 ans… Jusqu’au jour où le voile s’est levé sur une immense œuvre libérée et livrée au monde des mélomanes. 

 

Comment et pourquoi ? C’est une histoire tout à fait digne des plus beaux contes pour petits et grands enfants. Une histoire de trésor caché, de générations que se transmettent le butin, sans savoir la valeur incommensurable de ce qu’il recèle. Et c’est ce conte de fée que me raconte Najla Misk Malhamé, l’arrière petite nièce de Wadia Sabra. Le voici, en très bref.  

 

Depuis qu’il est très jeune Wadia (Wadih de son vrai nom, mais qui a toujours aimé être appelé Wadia) montrait de sérieux penchants pour la musique et le chant… Un homme influent va remarquer son don extraordinaire. C’est le Consul général de France à Beyrouth qui l’entend jouer et chanter à l’église. Réalisant que le jeune garçon de 15 ans (nous sommes en 1892) ne pourra pas développer son talent dans un pays qui n’a pas d’école de musique, il lui obtient une bourse pour le conservatoire de Paris… Son ascension dans la musique commence et sa carrière sera florissante, dont ce concours pour l’hymne national qu’il gagne… Chemin faisant, il va épouser Adèle Misk, sa cadette de 25 ans, avec qui il n’aura pas d’enfant, mais ils adopteront une fille, Badi’a, elle aussi devenue une grande musicienne.  

 

À sa mort, on aurait pu croire que tout était fini là. Les musicologues n’avaient aucune trace de son travail, de ses recherches ou de sa correspondance, ni même d’aucune des partitions de sa création. C’était certes un très grand compositeur mais demeuré comme un mythe aux contours indécis… Jusqu’au jour où le CPML (Centre du Patrimoine Musical Libanais, créé en 2012) reçoit une mallette.

 

Cette mallette avait été précieusement cachée par son épouse Adèle Misk qui l’avait, par la suite confiée à son neveu, Dr Raymond Misk. Ce dernier l’avait précieusement conservée dans l’hôpital qu’il dirigeait. Quand l’hôpital fut fermé, conscient de l’extrême importance du legs, Dr Misk chargea son neveu, Jean, frère de Najla, de s’en occuper. Ce dernier la remit au CPML.

 

Quand le Conseil ouvrit la mallette, ce fut le choc, l’émerveillement. Ils découvrirent l’étendue et l’importance de l’œuvre inédite de cet immense musicien qu’était le modeste Wadia Sabra. 

Zeina Saleh Kayali et Fady Jeambart se chargent alors de débroussailler le parcours de l’inventeur du piano mécanique au quart de tons, le créateur de l’école de musique en 1910, devenue, en 1925, l’École nationale de musique qui gagna le concours pour accéder au titre du Conservatoire national de musique en 1929… Un trésor. Une révélation.    

 

Zeina Saleh Kayali, la vice-présidente et co-fondatrice du CPML sort un livre chez Geuthner, alors que le jeune baryton se jette à corps perdu dans la mission, dans la passion qui depuis l’habite : faire connaître l'universel talent et l’extrême importance de ce pionnier de la musique classique arabe, voire même son créateur. Passionné de ce grand homme il « déniche l’indénichable », trouve des liens inattendus, établit une foule de connexions, farfouille et trouve des archives restées inconnues jusque-là… bref, il sent, selon ses termes, « un lien cosmique » avec Wadia Sabra allant jusqu’à initier en 2021, une édition spéciale de timbres oblitérés à son idole…  

 

 

Pour en savoir plus, 

Les archives du CPML bien entendu, mais aussi le livre « Wadia Sabra, compositeur » de Zeina Saleh Kayali, Geuthner, Coll. Figures musicales du Liban, 2018; ainsi que les deux sites suivants qui apportent un complément d’informations :


Facebook : Wadia Sabra

 

 

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