Dans son nouveau livre, Anatomy of a Hummus Plate, il dévoile au grand jour la véritable recette du houmous, métaphore idéale derrière laquelle se cache une anatomie de la société libanaise et ses absurdités.
Dès le sommaire se dessine sa satire : en surface l’hospitalité libanaise et le cliché par excellence du « swimming and skiing on the same day », un houmous qui semble appétissant en somme. Mais là-dessous se dissimulent plusieurs couches de sectarisme, de révolution, d’incompétence et, depuis l’explosion du 4 août, de nitrate d’ammonium.
Ce livre réunit les illustrations qu’il a réalisées pour l’Orient-Le Jour depuis 3 ans, agrémentées de dessins exclusifs, toujours dans son format carré et de son incontournable coup de crayon noir. Comme un cheminement vers l’enfer, il retrace chronologiquement les évènements qui ont menés à la situation actuelle.
Beaucoup d’humour et de dérision, une poignée de sarcasme, et une pincée de pessimisme, voilà finalement son anatomie d’une assiette de houmous. Le tout accompagné de courtes légendes remettant ses blagues dans le contexte politique, car l’une de ses volontés principales est de faire voyager ce bouquin, de traverser les frontières pour montrer au monde la réalité du Liban.
Deux personnages et quelques mots, de ce simple trait The Art of Boo dépeint un tableau tellement juste de la société et parvient à profondément toucher chacun d’entre nous.
Son style less is more et caricatural, Bernard l’assume clairement, « c’est le langage que j’ai décidé d’utiliser, c’est un langage d’humour » nous explique-t-il. Ces visages impersonnels c’est aussi une manière d’éviter la censure, de délivrer son message sans désigner de personnalités précises.
Mais la volonté principale de l’artiste c’est de redonner le sourire aux Libanais qui en ont tant besoin, leur donner la force de se battre. Selon lui, « faire rigoler c’est ce qui est le plus important, c’est une façon de résister ». Grâce à son humour piquant, il parvient à décrédibiliser les hommes politiques tout-puissants de ce gouvernement, « ils étaient des dieux et ils deviennent des hommes après la blague » explique-t-il avant d’ajouter « quand tu rigoles tu ne peux pas avoir peur, c’est ça le but : de ne pas avoir peur ». Faire rire, un hobby devenu un véritable défi face à un sort qui semble s’acharner sur le Liban.
Comme beaucoup de jeunes libanais, Bernard Hage ne voit plus son avenir se dessiner au Liban et compte partir vivre à Berlin dont il est tombé amoureux. Il le dit simplement, avec son éternel sarcasme, « l’avenir du Liban, si je devais le dessiner, je dessinerais un visa ». S’il part c’est pour retrouver une créativité et un humour plus léger afin de continuer son travail de cartooniste, notamment chez l’Orient-Le Jour. Ce qu’il veut c’est « un style de vie ennuyant, européen », il rêve que ses plus grosses préoccupations soient de ne pas louper le métro ou de trouver une place dans un café. « Je suis au courant qu’il y a plein de problèmes plus sérieux que ça en Europe, mais vous avez le temps de vivre ». Et le temps de vivre c’est ce dont il a besoin pour continuer à faire retentir nos rires pour étouffer nos peurs.
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