Pouvez-vous nous raconter le processus de création de la pièce ?
Un jour, j’ai commencé à me réveiller en sursaut parce que j’oubliais des mots en arabe. Je ne me rendormais que quand ils me revenaient en mémoire. Mon interrogation sur ce phénomène a donné lieu à une impulsion d’écriture en 2014. Par ce biais, j’ai réussi à mettre en lumière le fait que j'avais passé par différents mécanismes d'assimilations dans différentes sphères. Déjà, dans mes premiers moments à l'école, on m’a fait sentir que le fait d'être arabe serait un obstacle et qu'il fallait cesser de l’être. Pour moi c’est important d’insister sur le mot assimilation qui n’a pas le même sens qu’'intégration. Car il s'agit là d'annuler une culture et de la remplacer par une autre ce qui crée une forme de violence. C'est ce mécanisme interne que j'ai cherché à montrer dans mon travail. Pourtant, au début, je n'étais pas pleinement consciente que c'était de cela dont je parlais, l'histoire s'est découverte petit à petit.
Quel type d’œuvre peut espérer le spectateur ?
C'est une autofiction qui est inspirée de situations très personnelles, même si le théâtre nous permet de les élargir par le fantastique. L’intention n’est pas de faire la morale mais de traduire le chemin qu'une étrangère parcourt. Je souhaite que les spectateurs rencontrent une histoire, pas des réflexions toutes faites. Mon idée n'est pas de donner des réponses mais d'ouvrir des portes. Et si leur réflexion rencontre la mienne, j’aurais réussi mon pari.
Quel est le rôle de l'humour dans la pièce ?
Il très présent car je pense que l’humour est un outil puissant pour créer une communauté. Je ne vais pas m'en priver !
Quelle est la pertinence de Place pour le public libanais ?
La symbolique est très forte parce que cette pièce, qui est l’histoire d’une femme moyen orientale dans la société française, va représenter la France dans le Festival [de théâtre européen au Liban]. Sinon, pour avoir passé pas mal de temps au Liban j’y vois quelques points communs avec l’Irak. Les deux sont des pays marqués par l'histoire coloniale, avec des épisodes de guerre mais qui ont aussi une civilisation forte et un énorme héritage humain.
Je me dis que comme Bagdad m'a accompagné dans mon parcours dans la société française, peut être que certains libanais pourront se reconnaître dans leur relation avec leur pays quand ils sont dans un contexte occidental. Peut-être que nos traversées sont semblables, ce qui nous donne un regard sur le monde qui pourrait être similaire. De manière plus personnelle, la première fois que je suis rentrée chez moi, à Bagdad, c’était par le Liban. C’est donc un grand honneur pour moi que Place se joue à Beyrouth.
Place se joue le 27 et 28 septembre au Théâtre Al Madina dans le cadre du Lebanon’s European Theater Festival.
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