Roméo Lahoud a eu raison de ne pas suivre la voie politique tracée par son père, député, et de s’inspirer plutôt de son parcours d’homme de lettres. Ainsi le soleil se lèvera toujours sur son œuvre foisonnante, composée notamment de trente-cinq comédies musicales et de trois cents chansons emblématiques du patrimoine musical libanais.
Considéré comme l’un des artistes les plus complets du Moyen-Orient, Roméo Lahoud est décédé à 92 ans. Refusant de se lancer dans une carrière politique conformément aux attentes de ses parents, il quitte la maison parentale après avoir accompli ses études au collège Saint-Joseph de Aïntoura et se rend à Paris où il étudie l’architecture à l’école nationale des Beaux-arts. Son amour pour le spectacle et la musique le porte à suivre des études de sténographie mécanique à la Scala de Milan sous la direction du professeur Carlo Montecamazzo. En 1963, il signe un contrat avec le comité du festival de Baalbeck, présidé par Salwa El-Saïd, et réussit à ramener d’Egypte la grande vedette Sabah en lui confiant le rôle principal de sa pièce Al-Challal (La Cascade). C’est le début d’une belle collaboration, qui durera dix années consécutives et portera Sabah, qui avait déjà conquis l’Egypte, au firmament des monstres sacrés de la chanson libanaise. Roméo Lahoud signe les plus belles chansons des étoiles libanaises, tantôt romantiques, tantôt euphoriques (sollicitant la dabké), comme O voyageur (ya Msafer) et Une citadelle au grand coeur (Alaa kbiré w alba kbir) de Sabah; Emmène-moi avec toi (Khedni Maak) de Salwa el-Katrib; Qui a égaré ma Gazelle? (Ya ba ya ba Min charadli el-Ghazala) Tony Hanna; J’ai envie (Ala Bali) de Joseph Azar; Je suis le gouverneur (Ana el-Wali) de Melhem Barakat, et tant d’autres.
Il a fondé cinq théâtres dont celui de l’hôtel Phénicia, devenu grâce à lui le premier théâtre permanent. Il y présente successivement sa pièce Mawal, un spectacle qui se produit pendant toute l’année 1965 et qui attire les grandes stars internationales comme Brigitte Bardot et Jacques Brel, Mijana en 1966, et Attaba en 1967. Quatre autres théâtres rayonnent grâce à lui: le Martinez, l’Élysée, le Roméo Lahoud et l’Athénée.
Roméo Lahoud a vécu au sein d’une fratrie vouée à l’art et aux lettres: Aline, qui a consacré sa vie au journalisme et à l’écriture; Papou, la styliste, qui s’est démarquée par l’élégance de ses modèles inspirés du folklore libanais; Nay, la brillante chorégraphe qui a épousé le roi de la Dabké, Alain Merheb; et Nahi, l’historien et producteur, père de la vedette Aline Lahoud. Ensemble, ils ont conjugué leurs efforts pour sublimer l’œuvre de Roméo Lahoud, chacun(e) apportant sa pierre à l’édifice. Roméo Lahoud a été le premier artiste libanais à se produire à l’Olympia, en 1969, et au Palais royal de Bruxelles. Il a été le seul artiste du Moyen-Orient convié à inaugurer avec sa troupe l’opéra impérial de Téhéran, en présence de l’impératrice Farah Diba. Parmi les multiples prix qu’il a reçus figurent l’Ordre du Cèdre au rang d’officier, en 1995, et de commandeur, en 2014. De même, il a reçu le prix du Faubourg pour la comédie musicale Mijana, le prix d’Epinay sur Seine, en 1969, le prix Saïd Akl pour la chanson Ismak Bi Albi, interprétée par Salwa el- Katrib, vedette incontestable d’une quinzaine de pièces musicales de Roméo Lahoud, lesquelles ont fait la gloire du théâtre libanais, aux côtés des oeuvres des Rahbani. Il a obtenu 70 trophées décernés par des organisations culturelles et artistiques. Il a également reçu le prix de promotion et de prestige, en 1967, ainsi que deux Murex d’or, en 1998 et 2010.
Sa vie privée fut traversée de drames. Il perd sa première épouse, Liliane Poulain, qui lui a donné deux filles: Dominique, décédée à 22 ans, et Valérie qui dirige une maison de production. En secondes noces, il épouse Alexandra el-Katrib, qui ne tarde pas à disparaître des suites d’une maladie. La dernière pièce de théâtre de Roméo Lahoud, en 2014, La voie du soleil ou Tarik el shams est dédiée à sa mémoire. Celle qu’il avait initiée à "la joie sereine et au pardon", de son propre aveu, lui avait arraché la promesse de continuer d’enrichir l’héritage musical libanais jusqu’à son dernier souffle.
Par Carol Ziadé Ajami
Cet article a été originalement publié sur le site de Ici Beyrouth
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