Lors d’un précèdent article pour l’Agenda Culturel, vous disiez « Mon histoire, c’est le Liban » comment se sentiment a-t-il évolué au regard des évènements du 17 octobre ?
Plus que jamais aujourd’hui, je sens que j’appartiens à ce pays et à ce peuple. Effectivement, avant le 17 octobre, je me sentais un peu étranger car j’avais l’impression d’être le seul à crier dans le vide avec ma musique engagée. Aujourd’hui, je retrouve du sens à ce que je fais, je me sens plus en harmonie et en accord avec l’ensemble du pays. Donc en effet, depuis le 17 octobre je sens que je suis en phase avec mon pays.
De manière générale, comment est la réponse de la scène musicale locale à la révolution ? Y a-t-il eu un élan de créativité ?
La scène musicale locale est très large. La pop arabe a réagi de façon intense en s’exprimant dans les chansons révolutionnaires que l’on entend beaucoup à la radio.
Comme je vous le disais dans ma réponse précédente, il me semblait un peu étrange de ne jamais entendre quelqu’un se plaindre de la situation, mais ce n’est plus le cas à présent grâce à l’engagement de la pop arabe. Quant à notre scène ‘indépendante’, j’ai beaucoup discuté avec des musiciens locaux qui m’ont dit que ce n’était pas le bon moment de réaliser de telles chansons, et que contrairement à ce que l’on peut penser, ce moment actuel est consacré à la participation aux manifestations et à l’engagement citoyen politique plus qu’à la production opportuniste. Cependant, malgré cela, il y a quand même eu de très belles œuvres et des artistes qui ont fait des chansons bien adaptées à la situation, notamment des rappeurs ; je ne vais pas tous les nommer.
Cependant je dirais qu’en ce qui concerne les indépendants, ils n’ont pas voulu surfer sur la vague mais ont plutôt préféré être dans un engagement sur le terrain. Pour ma part, je n’ai pas forcement composé pour cette révolution, puisque cela suit le sens de mon travail, mais j’étais plutôt dans la participation et quand je pouvais jouer sur les places publiques je le faisais, sans pour autant créer un clip ou créer une œuvre dans laquelle on pourrait voir les manifestations et les drapeaux.
3- Votre intervention à Beirut & Beyond sera donc reliée à l’actualité
Bien sûr que mon spectacle aura un lien avec la situation, non pas parce que j’ai composé quelque chose pour cette occasion mais parce qu’aujourd’hui mes textes prennent tout leur sens et que les gens les écoutent avec une oreille fraiche, je dirais. En fait, je suis invité, pour la première fois à Beirut and Beyond aujourd’hui et je suis tête d’affiche, sans doute parce que je suis en accord avec le moment.
De même pour le Grand Factory qui m’a invité à jouer le premier mois après la révolution, alors que cela faisait des années que je n’avais pas été sollicité par ce lieu. Il semble que pendant cette période les gens ont envie d’écouter mes chansons, qui ont finalement du sens alors qu’avant les gens ne comprenaient pas vraiment pourquoi « j’aboyais » sur la place. Ils me prenaient pour un hippie ou un fou.
A Beirut & Beyond, sur fond de révolution, je vais avoir à mes côtés des artistes très talentueux tels que Lynn Dibeh, Marie Abou Khaled et le groupe Tanjaret el Daghet qui sont à mon avis les éléments à suivre sur cette scène locale ».
Comment voyez-vous à présent l’évolution de la scène alternative au Liban ?
A mon avis et depuis des années la scène locale est en train de se désintégrer par manque de moyen, par manque de structure, par manque de public et par manque d’intérêt pour les groupes live. Malgré la multiplication des lieux, il y a de moins en moins de groupes libanais sollicités pour jouer. On préfère investir sur des DJ ou des artistes internationaux. La scène va mal et pourtant ce n’est pas les bons artistes qui manquent, c’est plutôt les structures de production qui ne sont pas au rendez-vous. C’est un constat assez triste mais qui s’inscrit dans le sens de la crise économique et également dans le sens du gain d’argent facile. Il est plus facile de se faire de l’argent avec un DJ qu’avec un groupe et tout le matériel que ça implique. Aujourd’hui honnêtement notre scène alternative s’est exilée, Hamed Senno habite à New York, Yasmine Hamdan et Rayes Bek habite tous deux à Paris. Tous les artistes s’en vont, ils ne peuvent pas vivre ici. Ils doivent soit arrêter soit continuer ailleurs, c’est donc ça notre scène alternative aujourd’hui, elle agonise ».
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