Comment devient-on doubleur ?
Pour ma part, on me disait depuis l’enfance que j’avais une voix spéciale, une voix rigolote. Puis, j’ai pris avec l’université des cours de diction, on y apprenait aussi comment fonctionnait un studio. J’y avais de bonnes notes !
Je me souviens avoir regardé par hasard des dessins animés diffusés en boucle à la télévision. Cette série de dessins animés était en quelque sorte une série crash test, et j’ai eu la surprise de voir inscrit à la fin du générique, le nom d’une amie d’université : elle était doubleuse pour cette série.
Je l’ai donc contactée, je voulais vraiment essayer ! Elle a suggéré mon nom au propriétaire du studio, et c’était parti : j’ai été embauché pour mon premier job dans le cartoon « Peg & Cat».
Le métier de comédien de voix est un métier peu commun. Que pourrais-tu en dire à un jeune qui aimerait s’y lancer ?
A un jeune, je lui dirai qu’il faut beaucoup de patience. A mes débuts, j’étais timide et je ne parvenais pas à maitriser ma voix. Il faut, de premier abord, une bonne prononciation, de d’éloquence, aussi. Cela peut bien sûr se travailler, mais il faut déjà en avoir les bases. Mon travail à l’université m’a d’ailleurs bien formé pour cela.
Il faut aussi, pratiquer la langue dans laquelle on travaille, et la pratiquer bien, car le texte peut parfois être modifié en dernière minute.
Je parlerai aussi des avantages de ce métier : on y accumule énormément d’expérience quant à sa capacité d’adaptation ! Cela devient une compétence à part entière, de maitriser sa voix.
C’est aussi un métier qui n’est pas tellement instable : je ne rencontre aucune difficulté à trouver des rôles. J’ai mis un peu de temps au début de ma carrière, mais maintenant je fais toujours 2-3 rôles en même temps. Par exemple, j’ai terminé hier mon rôle dans le cartoon « Robin Hood », et après-demain, je commencerai un rôle dans la série « The Choosen ».
Est-ce un métier répandu, au Liban ?
Non, c’est un métier peu connu, et je pense que c’est surtout le cas dans le monde arabe. C’est un métier de l’ombre et encore très peu répandu : il m’est même arrivé plusieurs fois de ne pas voir mon nom inscrit sur le générique du film dans lequel j’avais prêté ma voix.
Auparavant, l’arabe littéraire occupait une grande place dans le doublage des séries dramatiques, mais le dialecte syrien l’a maintenant dépassé de loin, notamment dans les séries qui sont diffusées au Liban. Il faut dire que l’arabe littéraire, c’était plus rentable financièrement car cela touchait plusieurs pays.
On ne voit ni ton visage ni tes expressions à la caméra : on entend seulement ta voix. Cela rend-il le jeu plus difficile que celui d’un acteur?
Non, au contraire. Bien sûr, comme l’acteur, je dois tenter de ressentir les émotions du personnage joué. Il m’arrive, pour me mettre dans la peau du personnage, de faire des gestuelles dans mon studio, notamment dans les dessins animés.
Mais, contrairement à l’acteur, je suis seul dans mon studio : je ne vois même pas le réalisateur, je l’entends seulement avec un casque me donner les consignes. Chaque doubleur enregistre seul, quand bien même il s’agit d’un dialogue.
Tu as aussi bien interprété la voix de Sam dans « Scooby-Doo », que celle d’Ivar the Boneless dans la série « Vikings ». Comment peut-on travailler sa voix pour couvrir une aussi grande palette de jeu ?
Oui, c’est assez fou de pouvoir à la fois faire une voix de petit garçon de 6 ans que celle d’un guerrier. Je ne fais pas d’exercices particuliers, seulement quelques vocalises dans ma voiture avant d’arriver au studio. Bien sûr je prends soin de ma voix, je ne bois pas trop chaud, je dors bien.
Le reste, c’est du travail : c’est savoir changer sa voix en fonction du personnage que l’on joue. Par exemple, lorsque l’on respire, on doit toujours gonfler le ventre et non le thorax ; mais cela c’est quelque chose que l’on apprend vite et qui devient ensuite automatique.
Quels sont désormais tes projets, tes perspectives d’évolution en tant que comédien de voix ?
Je pense continuer des études à coup sûr, je ne sais pas bien encore dans quel domaine, mais peut-être pour apprendre à diriger des acteurs, ou alors en dramathérapie.
La dramathérapie, c’est encore un projet. L’idée, ce serait d’aider les gens à sortir de leurs problèmes psychiques par le théâtre. Je crois en ce monde du psychisme : c’est lire entre les lignes, ce que les gens ne voient pas mais qui existe bel et bien.
Il faudrait sensibiliser ces personnes-là, qui ne cernent pas toujours leurs problèmes, puis leur en faire prendre conscience pour ensuite les guérir par des exercices de théâtre.
ARTICLES SIMILAIRES
Le Liban d’hier à demain par Nawaf Salam
Zeina Saleh Kayali
14/01/2025
Transit Tripoli : Un vibrant tangage
Maya Trad
19/06/2024
« The School of Life » ou le camp d’été transformatif
Nadine Fardon
19/06/2024
Annulation de la Première mondiale de "Journée de Noces chez les Cromagnons"
11/04/2024
Lecture 79 : Ketty Rouf, Mère absolument
Gisèle Kayata Eid
11/04/2024
Le voyageur
Olivier Ka
10/04/2024
Des écrans aux idéaux: Beirut International Women Film Festival
09/04/2024
L’univers onirique de Yolande Naufal à Chaos Art Gallery
09/04/2024
De miel et de lait, une histoire douceur du Liban
Garance Fontenette
09/04/2024
Claude et France Lemand Chevaliers de la Légion d’honneur
08/04/2024