Le quartier de l’Unesco a naturellement pris le nom du palais construit là à la fin des années 40. Aux portes de Beyrouth, les boulevards, emprunts de solennité, traversent vite la ville et les petites rues se font rares. Les piétons aussi. Il faudra descendre l’avenue Rafic Hariri pour accéder à une superbe plage de sable blanc. Des familles entières, portant panier de pique-nique, parasols, grappes d’enfants et, bien sûr, l’indispensable narguilé, se posent, le temps d’une journée, sur l’unique plage publique du Liban là où, au début du siècle, les abaday de Beyrouth venaient se battre en duel pour défendre leur honneur. Le joyeux désordre contraste- mais à Beyrouth qui s’en étonne- avec les grands immeubles luxueux qui ont vue sur la mer. Quand les propriétaires des terrains de Ramlet el Baїda ont voulu, vers la fin des années 50, aménager ce qui n’était qu’une vaste étendue de sable, ils se sont engagés auprès des autorités à construire à leurs frais une corniche de 45 cm de large, un jardin public de 10 000 mètres carrés (aujourd’hui délaissé), une rue rejoignant la rue Verdun et des rues secondaires. En échange, la Municipalité leur a facilité l’octroi de permis.
Qui a dit que la plage de Ramlet el Baïda était à l’abandon ? Youssef Hemmo et son père Adib s’occupent de la maintenance et de la sécurité de la plage de 7 heures du matin à 19 heures et en ont fait une question d’honneur. Maîtres-nageurs confirmés, le père et le fils se relaient pour surveiller les baigneurs car les courants sont très nombreux ici. Avec le sourire des gens qui vivent dans la nature, Youssef nous raconte que toutes les tentatives d’acheter la plage se sont heurtées à un tollé général. L’ambiance est bon enfant et Youssef nous montre l’endroit où les tortues caouannes viennent pondre. « On fait très attention à ne pas marcher là où sont les œufs et les gens en sont conscients. Je recueille souvent les petits bébés tortues dans des sacs et les rejette à la mer. Malheureusement, il m’arrive aussi de retrouver des tortues mortes étouffées par les sacs en plastique qui viennent du dépotoir de Saïda et qu’elles confondent avec les méduses dont elles se nourrissent. » Youssef nous invite à revenir le premier mercredi du mois d’avril où, selon la croyance populaire, Dieu a guéri le prophète Job d’une longue maladie en lui disant de se tremper dans la mer. Ce jour de fête, on vient en famille se baigner et demander à Dieu la guérison.
Plus ancré dans la ville, le palais de l’Unesco bruit de mille allées et venues. Beyrouth est une ville culturelle et les événements se succèdent derrière les murs blancs de cette vénérable institution.
C’est le 28 novembre 1947 que la Conférence générale décide d’accepter l’invitation du gouvernement libanais d’aller siéger à Beyrouth en 1948. Le Liban qui en est encore à ses premiers émois d’Etat indépendant joue déjà dans la cour des grands puisque qu’il a été parmi les vingt premiers signataires de la Charte des Nations Unies en 1946. Il faut donc construire, et très rapidement, le lieu de toutes ces rencontres au sommet. L’endroit choisi, un terrain où se dressait une caserne française est acheté par l’État libanais et, six mois plus tard, après avoir coûté la somme de 800 000 LL, le Palais de l’Unesco est inauguré. La troisième session de cet organisme prestigieux siège à Beyrouth en novembre 1948. Et Hamid Frangié, alors ministre des Affaires étrangères déclare dans son discours : « Je supplie Dieu que ce pays demeure le pays des congrès et des conférences internationales ». À la clôture du congrès, le 11 décembre 1948, la Déclaration universelle des droits de l’homme est adoptée à l’unanimité par les délégués. Gravement endommagé par la guerre, un prêt saoudien permet de restaurer le palais qui sera de nouveau fonctionnel en février 1998.
C’est à la suite de heurts violents qui ont opposé manifestants et policiers en février 1951 que le gouvernement prend la décision de créer une université libanaise et d’aider les étudiants qui n’ont pas les moyens d’intégrer un établissement privé. Aussitôt dit, aussitôt fait, et l’université sera, dans un premier temps, logée au Palais de l’Unesco en octobre de la même année. Elle dispense à l’époque des cours de droit, de génie, de sciences politiques, de mathématiques, de lettres et de sciences naturelles. Il faut attendre 1953 pour que l’UL proprement dite soit créée. Aujourd’hui, plus de 70 000 étudiants y suivent gratuitement des cours dispensés par près de 3600 enseignants dans plus de 17 facultés, réparties sur 45 sites géographiques. Université publique, elle jouit cependant d’une autonomie administrative, académique et financière.
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