Raymond Gemayel a passé 7 ans à rencontrer, à connaître et à photographier les musiciens de la scène indépendante de Beyrouth et du Caire. De Mashrou' Leila à Yasmine Hamdan, beaucoup se sont prêtés au jeu de construire leurs portraits.
L’Agenda Culturel a rencontré Gemayel qui s’est expliqué sur le processus de création durant lequel il donne au musicien le rôle de co-créateur: “Je développe le concept avec le musicien. Je lui demande de choisir un endroit. Et ensemble nous essayons de faire un portrait qui montre l’ambiance de leur son, qui capte plus ou moins cela.”
L’effet est saisissant, on a l’impression de plonger dans des univers tellement différents qu’il est difficile de croire que toutes les photos ont été prises par le même photographe.
Raymond Gemayel est un créateur qui évolue aussi bien dans le milieu visuel que le sonore et qui refuse de se limiter. Il a toujours aimé explorer les passerelles entre les différents langages artistiques: “dans mon travail il y a toujours une sorte d’inversion. Ici, cette inversion du son au visuel est, je pense, naturelle. Le son, ce sont des ondes qu’on entend mais qu’on ne voit pas et la photo fixe c’est l’inverse. Elle est muette mais on la voit. À travers de Territoire Sonore j’ai voulu comprendre ce monde sonore et le mettre dans un univers muet.”
L’aboutissement de ce projet est un livre qui n’en est pas un. ‘Territoire sonore’ se présente sous la forme d’une enveloppe noire, un album photos vide, une introduction, des essais sur les thèmes du projet (son, corps, territoire, photographie, langage) et 81 photos de format 10x15.
Les artistes ont tous fait le choix de nous montrer leur intimité. Tous ces portraits sont loin des salles de concerts ou bars, des espaces publics où il est plus probable de les croiser. Que ce soit chez eux, dans la nature ou dans la ville, on se sent pris dans le regard de l’objectif.
“Ce ne sont pas des photos de concert mais plutôt des espaces intimes qui les inspirent. Il y en a beaucoup qui ont choisi un territoire. Au final ce n'est pas vraiment un portrait. On arrive à la relation entre la musique, le corps et la terre.” Un choix à noter est celui d’avoir laissé l’album vide et les photos dans l’enveloppe.
Gemayel explique que cela fait partie de sa démarche: “pour moi c’est intéressant de laisser une partie du travail au spectateur. Je reprends littéralement Marcel Duchamp qui disait que 50% du travail est fait par le spectateur.”
Si le lecteur construit son livre/album, il se rendra compte que le projet a un goût d’inachevé: “Dans l’album il y a de la place pour toutes les photos et même plus. Si on les mets toutes, il reste 4 ou 5 pages vides. C’est un choix que j’ai fait pour montrer que le projet n’est pas fini’’.
D’ailleurs Gemayel prévoit de revisiter ce projet dans quelques années, pour documenter comment les 500 lecteurs ont construit leurs albums. Après le lancement à Beyrouth, Gemayel présentera “Territoire sonore” au Caire, à Paris, à Berlin et à Londres.
“Territoire sonore” est disponible à The Little Bookshop à Hamra, à la librairie d'Ashkal Alwan au Beirut Art Center et à l'Onomatopoeia à Ashrafieh. Ce projet a été possible grâce à la bourse de l’Arab Fund for Arts and Cultures.

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