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Al-Bustan revivifie l’âge d’or de la musique au Liban

19/03/2019|Alain E. Andrea

Le Festival international Al-Bustan, un nom qui suffit à lui seul pour évoquer, dans la conscience des libanais, tout un univers musical qui n’a cessé de s’amplifier durant les trois dernières décennies. A travers les yeux nostalgiques du passé, il a su tourner son regard vers le futur et s’imposer ainsi comme un événement majeur de la scène musicale libanaise en devenant au fil des ans un rendez-vous incontournable des mélomanes. De retour pour une 26e édition dédiée à la musique italienne, il en a mis plein la vue (et plein les oreilles) aux centaines de spectateurs qui se sont amassés pour écouter et vivre les prestations d’une dizaine d’artistes plus talentueux les uns que les autres : du ténor Javier Camarena jusqu’au violoniste Francesco Manara tout en passant par l’incomparable masterclass d’opéra dirigée par la mezzo-soprano italienne de renom Luciana D’Intino. Ce dernier événement a ceci de particulier qu’il a accueilli six chanteurs libanais de différents niveaux sur une période de trois journées consécutives leur offrant l’opportunité de bénéficier des compétences artistiques de la cantatrice de renommée internationale. 

« Quand j’avais commencé à organiser ce festival, la musique classique était bannie. Maintenant elle existe ! », affirme avec vigueur la fondatrice et la présidente du festival Mirna Boustani. Convaincue que « le travail est la vie elle-même », comme l’avait écrit Zola dans son second opus du cycle des « Quatre Evangiles », elle poursuit : « Aujourd’hui, il y a de la place pour la musique classique au Liban. Quand on regarde le public le soir à la fin d’un concert, il y a ceux qui applaudissent et d’autres qui sont très paresseux pour le faire. Mais savez-vous que ce sont les jeunes, assis derrière, qui applaudissent avec ferveur ? Ils comptent sur nous et c’est pour eux qu’on continuera à porter le message de la musique ». Toutefois, la mélomane chevronnée ne cache pas sa déception à l’égard de l’état de l’éducation musicale au Liban : « Aujourd’hui, nous accueillons Luciana D’Intino, une grande artiste de La Scala de Milan. C’est un plaisir de l’avoir parmi nous mais elle ne vient que pour quelques jours. Ca me fait de la peine qu’on n’ait pas, au Liban, que ce soit au Conservatoire ou dans les autres institutions de musique, des professeurs de ce calibre ». Ayant le goût de l’optimisme dans les gènes, elle refuse de s’attarder sur le verre à moitié vide tellement elle est préoccupée à préparer la réussite de la prochaine saison qui sera dédiée à Beethoven. Le festival du Bustan sera donc mis à l’épreuve au cours des prochaines années : réussira-t-il à faire face à la crise que traverse le pays et garder ainsi le même niveau d’exigence ? La réponse semble venir de sa présidente qui conclut avec un sourire confiant : « Bien sûr ! Vous pouvez compter sur moi ».

Retour à la masterclass, celle-ci s’est déroulée sur trois jours, du 12 au 14 mars, en présence de la grande chanteuse Luciana D’Intino. Née à San Vito al Tagliamento, la mezzo-soprano italienne découvre toute jeune les possibilités prometteuses de sa voix et en explore l’étendue au sein de la chorale de la paroisse de son village. Elle décide alors d’apprivoiser son talent en étudiant les techniques de l’art lyrique au Conservatoire Benedetto Marcello de Venise. Alliant force et agilité, impossible de passer inaperçue : son ardeur au travail et la maitrise de sa voix attirent l’attention du jury et des auditeurs. Après son succès au concours de Spoleto, elle rejoint La Scala, en 1986, et interprète le rôle de Fenena dans Nabucco de Verdi sous la houlette du célèbre Riccardo Muti. Elle devient très rapidement l’une des mezzo-sopranos les plus appréciées dans le monde, après sa remarquable réussite à Aida au Covent Garden de Londres, où le Sunday Times ne manque pas de faire l’éloge de « la chanteuse italienne la plus excitante dans ce rôle durant ces dernières années ». Particulièrement appréciée dans les répertoires italien et français, elle a entamé une carrière internationale extraordinaire en se produisant régulièrement sur les plus prestigieuses scènes du monde dont le Carnegie Hall, l’Opéra de Paris, la scène Bastille et l’Opéra d’Etat de Vienne avec des grands chefs d’orchestre tels que Daniel Barenboim, Semyon Bychkov, Salvatore Accardo, Colin Davis, Riccardo Muti, George Prêtre et Daniele Gatti. En 2017, après avoir joué le rôle d’Azucena dans Il trovatore de Verdi à Vienne, elle annonce la fin de sa carrière. Dans un entretien à L’Agenda Culturel suite aux masterclasses, elle fait le point sur la situation de la musique savante au Liban : « L’art lyrique n’est qu’à ses débuts au Liban. Il y a beaucoup de talents intéressants motivés par le plaisir d’apprendre. Ce qui manque ce sont des professeurs qualifiés mais c’est normal les premiers pas sont les plus difficiles ». Exigeante, stricte mais bienveillante, elle considère que ce caractère est nécessaire pour que le travail porte ses fruits et note que « l’art nécessite un travail de longue haleine et il faut beaucoup de temps pour le maîtriser ». Elle adresse finalement ses plus vifs remerciements aux Libanais pour leur bonne hospitalité : « C’est un honneur et un grand plaisir d’être ici pour mettre mon expérience au service des jeunes talents », dit-elle avec enthousiasme. Et d’ajouter : « La voix est un talent universel. L’ouverture d’esprit des libanais est parfaite pour l’apprentissage de nouveaux arts. Je pense que c’est un nouvel âge pour l’opéra qui commence au Liban ».

Six chanteurs ont été sélectionnés pour participer à ce workshop : Fady Jeanbart, Joseph Dahdah, Noura Badran, Mona Hallab, Corine Metni et Mira Akiki. Après trois jours d’entrainement intense, sopranos, ténor et baryton se sont produits en concert durant la cérémonie de remise d’attestations signées par Mirna Boustani en présence d’Alexander Pereira, président et directeur artistique de La Scala ; Luisa Vinci, directrice de l’Académie de La Scala ; Luciana D’Intino et Michel Nassif, président et directeur général de la Société M.Nassif et Fils et sponsor de cet événement.

Fady Jeanbart -la vedette de cette masterclass- et Noura Badran se sont exprimés pour L’Agenda Culturel à l’issue de ces journées artistiques. A l’image de sa mère, Noura est devenue une peintre spécialisée dans l’aquarelle mais la musique occupe, dès sa plus tendre enfance, une place particulière dans son cœur : « Ma mère écoutait de la musique classique et surtout du Mozart en peignant ses toiles. Depuis je suis tombée amoureuse du chant classique et de l’opéra. C’était un moment magique. Après j’ai rejoint la section soprano de la chorale de la LAU et c’est là que j’ai découvert l’harmonie des voix ». Avec le temps, elle développe ses capacités vocales et prend des cours privés de chant avec sa cheffe de chorale Leila Dabaghi. Cependant, son parcours d’entraînement de voix ne s’est pas fait de manière constante : « J’arrêtais toujours puis je recommençais. Pour être plus concise, c’est comme un yo-yo. Il y avait des hauts et des bas ». L’aquarelliste tient à remercier le festival Al-Bustan et la mezzo-soprano pour « ce grand luxe » qu'ils lui ont offert en notant : « C’est une joie et une chance énorme d’avoir pu participer à ce workshop. C’est ma première masterclass et le fait d’avoir été guidée par une chanteuse d’opéra professionnelle de haut calibre m’a permis d’apprendre énormément et de relancer le yo-yo ». Jeanbart, quant à lui, est un baryton libanais qui a fait ses études en France. Il est rentré, il y a six ans, pour enseigner et se produire en concert dans son pays d’origine mais aussi en Syrie (là où il chantera cette semaine, accompagné de la soprano Lara Jokhadar avec l’orchestre philharmonique de Damas sous la direction d’André Maalouli), au Canada et en France. Il a saisi l’opportunité d’avoir une grande figure de l’opéra au Liban pour se présenter à cette masterclass : « Bien sûr j’ai mes professeurs à Paris mais ici je suis seul, il n’y a pas de bons professeurs...il n’y a pas de professeurs d’ailleurs. J’étais obligé de garder le cap et d’être mon propre professeur. Et donc la visite de Luciana D’Intino était une chance en or ». Très content du résultat, le baryton considère que D’Intino a su détecter les petites lacunes qu'il fallait, selon lui, « rafistoler ». Il ajoute : « On a toujours besoin d’une oreille externe, on n’est jamais objectif avec soi-même. Madame D’Intino m’a donné une approche de la couleur italienne qui probablement me manquait car je suis d’éducation franco-française ». Et en guise de conclusion, il adresse ses remerciements les plus chaleureux à la cantatrice italienne.
 

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