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Zeina Arida : ‘‘Pour partager la responsabilité du musée Sursock’’

24/02/2019|Nayla Rached

Directrice du musée Sursock depuis 2014, Zeina Arida a un très long parcours dans le domaine culturel et artistique, qui vient d’être couronné par sa nomination chevalier de l'ordre des arts et des lettres. Interview.

Vous venez de recevoir les insignes de chevalier de l’ordre des arts et des lettres. Quelle est l’importance de cette distinction ? 
Je ne suis pas quelqu’un qui cherche de la reconnaissance. J’ai un métier passion, j’ai toujours travaillé dans avec objectifs très liés à l’institution que je représentais, que ce soit la Fondation arabe pour l’image, le Musée Sursock. Je suis rentrée au Liban vers le milieu des années 90, après avoir passé 10 ans à Paris, comme beaucoup de gens qui sont partis à cause de la guerre, et depuis je me suis investie dans le secteur culturel : j’ai travaillé à l’Unesco, au centre culturel français, jusqu’en 1997, à l’époque où le CCF était le producteur principal d’expositions, de pièces de théâtre… Evidemment entre le CCF et le musée Sursock, il y a eu 17 ans où j’ai monté et dirigé la Fondation arabe pour l’image, avec un groupe d’artistes libanais et non libanais ; un projet très important, non seulement à l’échelle régionale, mais aussi internationale. La Fondation a réussi à constituer une collection photographique de plus de 500.000 photos, et surtout à introduire un questionnement au document, à l’archive par des pratiques artistiques. 
Cette décoration est une certaine reconnaissance du travail que je fais depuis 25 ans. Et ce qui me fait plaisir, c’est qu’il s’agit de reconnaitre, non pas seulement ce que moi j’ai fait, mais aussi ce que ces institutions ont réussi à faire et leur importance, notamment le musée Sursock et la Fondation arabe pour l’image. 

Vous aviez une étroite collaboration avec l’ancienne équipe de l’Agenda Culturel. Pouvez-vous nous en parler ? 
Oui bien sûr, justement à l’époque où j’ai commencé à travailler au Centre culturel français en 1994. Et l’Agenda Culturel a commencé à ce moment-là. On était tout le temps les uns avec les autres, Emile, Raghida et moi. Nous avons monté ensemble plein de collaborations, l’Agenda Culturel était notre partenaire direct et naturel. Et pour moi, c’était ma famille. On a eu moins l’occasion de se voir les années récentes, et quand on le faisait c’est comme si le temps se suspendait. On a toujours été très à l’aise ensemble, très proches les uns des autres. 
L’Agenda Culturel fait partie de cette période d’après-guerre, de l’idée de reconstruction culturelle. Le développement de la scène culturelle a été rapide, justement par de telles initiatives, les unes avec les autres. Le résultat, c’est qu’on a, aujourd’hui, une scène artistique très importante, une scène contemporaine imposée à travers le monde, et des artistes libanais contemporains qui sont dans les plus grandes collections de musées ou des institutions. Mais en même temps, c’est un secteur qui a encore énormément besoin de soutien, aujourd’hui plus que jamais, dans ces circonstances financières difficiles pour tout le monde. Je pense surtout aux institutions culturelles des années 90 justement, qui ont tellement contribué, dont le travail est substantiel, en profondeur des choses, et qui vont peut-être plus mal que d’autres, parce qu’elles ont moins de visibilité. Il y a donc toujours une précarité au niveau des institutions, de leur financement ; le long terme n’est pas évident pour toutes ces institutions, y compris le musée Sursock malheureusement. 

Le musée Sursock a récemment pris une mesure drastique de fermer un jour supplémentaire, les lundis ? 
On se retrouve à un moment crucial où il faut rapidement rattraper le manque de ressource financière ; fermer un 2e jour par semaine, était la mesure la plus radicale, mais qui nous permettait de faire véritablement des économies. Les gens ont peut-être mal compris cette mesure, mais ça nous permet de communiquer de manière plus évidente sur l’état du musée et de brasser du monde autour de nous pour nous aider à mener ce musée plus loin. Cette mesure temporaire a l’avantage de permettre au musée de continuer à travailler de la même façon, tout en nous permettant de survivre et de construire notre source de financement privé. 

Où comptez-vous cherches les financements ? 
D’abord les donations à l’entrée ; le musée est gratuit, mais on va rendre un peu plus visible notre demande de contribution. Nous cherchons également à créer un comité des amis du musée, comme la plupart des musées dans le monde : au-delà du financement, cela permet de créer une communauté autour du musée et un sentiment d’appartenance, pour partager la responsabilité de ce musée. Je pense qu’on va faire aussi un système de donations en ligne pour les Libanais expatriés qui auraient envie d’aider. On cherche aussi des partenaires financiers, des partenaires principaux, comme des banques, des compagnies, puisque le musée peut donner une visibilité très importante. Je lance donc un appel à dons. 
On a la chance que ce musée existe et est ouvert depuis 1961. Les institutions culturelles aussi pérennes au Liban ne sont pas très nombreuses. C’est une lutte de tous les jours. 

Qu’est-ce qui distingue le musée Sursock sur la scène locale ? 
Le musée a la chance d’avoir un bâtiment magnifique, une très belle esplanade, une boutique et un restaurant. Nous avons travaillé de manière à proposer une programmation riche et de manière à ce que le musée soit une plateforme pour beaucoup de collaborations avec des artistes ou des associations culturelles et artistiques. On a la possibilité d’attirer plusieurs publics. Il y a aussi beaucoup de touristes qui viennent, car en une visite ils peuvent découvrir l’architecture traditionnelle libanaise, le patrimoine libanais par la collection permanente, et des expositions temporaires. C’est une expérience qui peut avoir plusieurs volets. C’est un espace nécessaire, un espace public dédié à la culture. Les gens prennent du plaisir quand ils viennent au musée. A travers le monde, aujourd’hui, il y a beaucoup de débat sur le rôle des musées : certes, c’est un lieu de connaissance, mais c’est aussi un lieu de détente et de retrouvaille. Et à Beyrouth, ça me semblait évident, que c’était un lieu public, un lieu où tout le monde devait se sentir à l’aise. 


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Portrait de Zeina Arida, directrice du Musée Sursock. Photo : Nabû Productions. Avec l’aimable autorisation du Musée Sursock
 

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