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« Le Petit Bonheur » de Charbel Aad au BAFF

09/11/2022|Nelly Helou

Étudiant à l’IESAV, le jeune universitaire n’avait jamais eu l’occasion de rencontrer Aimée Boulos qui avait cessé de diriger cet institut qu’elle avait fondé. Pour son diplôme final Charbel Aad cherchait un sujet de film. Le cinéaste Hadi Zaccak lui conseille d’aller voir Mme Boulos qui pourrait l’inspirer par son personnage et son histoire, pour son film. « J’ai été lui rendre visite dans sa belle résidence à Harissa et très vite le courant a passé entre nous » confie-t-il. « Elle s’est sentie en confiance avec moi, a évoqué avec aisance sa vie et son parcours et j’ai eu un grand intérêt à écouter son histoire, et c’est ainsi que l’idée du documentaire biographique a vu le jour. Au début, j’envisageais de faire de son histoire mon film de diplôme. Plutôt que de réaliser un court métrage elle m’a demandé si j’étais disposé à faire un film et c’est ainsi que je me suis lancé dans cetteaventureJ’avais vite réalisé qu’ilfallait à tout prix, documenter et enregistrer une vie et un parcours si riche et intéressant, et que je voulais le faire moi-même ».    

 

UNE AMITIÉ SOLIDE

Tout au long de l’année 2018-2019, Charbel Aad se rend régulièrement chez Aimée Boulos, deux fois par semaine, pour dialoguer et partager beaucoup d’idées et de réflexions. Ces visites étaient suivies de longs entretiens téléphoniques. Une amitié solide est née entre cette dame de plus de 85 ans et ce jeune homme de 25ans. « On parlait, on échangeait je prenais des notes, je faisais des scénarios, je consultais les archives je me sentais en confiance ».  

 

Charbel Aad venait juste de terminer le tournage des entretiens lorsque la révolution d’octobre 2019 éclate. « Je me souviens très bien dit-il du 17 octobre. Je me trouvais à l’IESAV en train de travailler mon scenario sans me douter de ce qui se passait à l’extérieur. En sortant du local j’ai vu tout ce monde qui se dirigeait vers le centre-ville ».  

« A cause des évènements puis de la pandémie le travail a été interrompu.  J’avais entre 15 et 20 heures d’entretiens filmés, et plus de 100 heures d’entretiens enregistrés. Pour écouter, choisir et réaliser il fallait une ambiance calme et sereine, ce qui n’était pas le cas. Le projet a repris fin 2020. Et le film n’a été projeté en avant-première que le 30 juin 2022 au théâtre Beryte ». 

 

TÉMOIN DE L'HISTOIRE DU PAYS

Comment avez-vous construit le scenario de votre film ?

Je l’ai réalisé de façon plus ou moins linéaire car je n’ai pas trouvé un grand intérêt à mélanger les étapes, ou à mettre en relief certains évènements, qui n’apporteraient rien de plus au documentaire. Mais j’ai choisi des extraits comme fils conducteurs.  L’évolution est donc essentiellement chronologique mais vivante. Le film évoque l’enfance et la jeunesse d’Aimée Alouf entre Baalbeck dont sa famille est originaire et Damas où la famille s’est déplacée. C’est pour moi une partie très significative, car elle évoque des faits de la vie dans les années quarante et cinquante et que notre génération et même celle qui nous a précède arrivent mal à imaginer. D’où la nécessite de préserver ce legs historique. Prendre par exemple le train pour venir de Damas à Baalbeck y passer l’été. Beyrouth n’était pas la grande ville que nous connaissons et les libanais allaient souvent à Damas. 

Elle relate aussi comment elle a rencontré son mari Paul Boulos puis leur mariage et la vie au Liban, qui ont fait d’Aimée Alouf la Mme Boulos que nous connaissons. Elle a connu l’âge d’or du pays du Cèdre, où elle était une figure sociale aux côtés de son époux : les réceptions, les dîners, les festivals, les voyages. Elle a intensément vécu toute cette belle époque dont on est nostalgiques et qui reflète notre histoire et dont il faut témoigner. Elle a aussi vécu la guerre et a tout fait pour protéger sa famille. A l’âge de 49 ans une fois ses enfants à l’université, elle décide elle aussi de prendre le chemin de la faculté pour faire des études en philosophie. Ce n’était pas non plus un fait commun.  

 

Quid de son action culturelle ?  

Avec son dynamisme et son énergie, Aimée Boulos sera aussi au premier plan du rebondissement académique et culturel du Liban. Au milieu de la guerre infernale qui a meurtri le pays de1975 à 1990, elle va fonder l’ALDEC, Association libanaise pour le développement et la culture. En 1988 ce fut la création de  l’IESAV, l’Institut d’études scéniques, audiovisuelles et cinématographiques à  l’USJ, qu’elle a dirigé pendant plus de 12 ans, puis en 2003, la Fondation Liban Cinéma  qu’elle a dirigé jusqu’à 2012. 

Toutes ces réalisations et bien d’autres sont évoquées dans le film et étoffées par le témoignage de ses enfants et par trois de ceux qui ont étroitement collaboré avec elle : Roger Assaf, Paul Matar et Michel Jabre, ainsi que d’autres témoignages.  

 

 

L’ART DU CONTE 

Qu’est-ce qui vous a particulièrement marque chez Mme Boulos ?

En premier son accueil chaleureux qui vous met à l’aise et facilite le dialogue. Puis cette faculté de se raconter avec beaucoup d’aisance, de simplicité et surtout d’humour, un humour fin et subtil qui marque et renforce l’écoute et l’intérêt. Je dirais qu’elle a l’art du conte. C’est aussi une femme de caractère, énergique dynamique, créative et toujours élégante. Elle est restée jeune de cœur et de caractère et j’ai voulu la filmer sous un aspect décontracté.  

Elle a formé plusieurs générations qui ont brillé dans le monde de l’audiovisuel du cinéma et du théâtre, et a réussi à ouvrir les portes du Festival de Cannes à la Fondation Liban Cinéma.     

 

Elle m’a donné accès à toutes les archives familiales d’une incroyable densité surtout que M. Boulos était un passionné de photos, de caméras, de vidéos en couleur à l’heure où la télé était encore en noir et blanc. Toute une vie y figure : leur mariage les photos de famille, les anniversaires, les voyages etc… ainsi que les articles de presse, le tout parfaitement bien classé.  

    

Vous avez présenté le film au théâtre Beryte en avant- première, et ce jeudi 10 novembre il sera projeté au Baff devant un large public. Que représente pour un jeune de 27 ans cette première expérience.  

Initialement le film n’était pas désigné à être projeté devant un grand public, mais conçu comme screening familial. Une fois terminé il fut décidé de le projeter au théâtre Beryte pour la famille, les amis, les proches d’Aimée Boulos, les membres de l’Iesav. Pour moi c’était déjà beaucoup de choses, une ouverture, une sorte de passeport pour mettre un pied dans ce monde du spectacle, le vrai. Le fait que le film soit projeté dans le cadre du Baff revêt encore plus d’importance. Que les organisateurs du festival aient eu confiance en un jeune réalisateur libanais a une grande signification et me place sur une voie professionnelle positive. Un premier pas important à exploiter. Puis j’avoue que j’ai un peu le trac je me demande comment le public va accueillir ce film. Je me sens comme devant une audition. 

 

Envisagez-vous de poursuivre dans cette voie 

Je l’espère, et cela dépend du succès du film. Je pense que Mme Boulos a voulu la projection publique pour m’aider à avancer sur le chemin professionnel de ma carrière comme elle l’a fait et continue de le faire avec beaucoup de personnes et de jeunes. Cet encouragement est un signe fort de cette amitié solide qui s’est tissée entre nous malgré la grande différence d’âge.   

La suite de mes choix dépendra du succès du film. Je voudrais d’abord m’assurer de la qualité de mon travail, de mon talent et de  mes capacités. 

 

Pourquoi le choix du titre : « le petit bonheur ». 

C’est le titre d’une chanson que Mme Boulos aime particulièrement et fredonne souvent. D’ailleurs c’est ainsi que le film s’achève : on l’entend fredonner doucement ce refrain. Je pense aussi qu’elle est un bonheur pour les siens et tous ceux qui l’ont connue et côtoyée.

 

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