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Le marché de l’art, évolution et positionnement

13/03/2020|Lea Vicente

En juillet 2019 une vente historique, pour ce qu’elle dit de la redéfinition du monde de l’art, était organisée par la maison de vente aux enchères Sotheby’s de la toute première vacation en ligne consacrée aux sneakers de collection. Le lot phare de la vente, une paire de Nike datant de 1972, a été adjugée pour un montant de 437,500 USD soit presque le triple de son estimation. Cette vente intervenait seulement un mois après la révélation de la privatisation de la Maison cédée pour la coquette somme de 3,7 milliards de dollars.

 

C’est que l’art peut rapporter gros. Au même titre que les actions et les obligations, le marché de l’art est devenu un marché spéculatif basé sur la mouvance des cotes d’artistes évoluant selon la qualité et/ou la quantité de la production, la critique, les événements dans la carrière (expositions, ventes) etc. Tant de paramètres aussi scientifiques que hasardeux qui encouragent de fins financiers à tenter de prédire les courbes de valeurs d’artistes en côtoyant les experts dans les salles de ventes.

 

Une idée reçue persistante voudrait que la revente d’une œuvre d’art pourrait rapporter bien plus que n’importe quel investissement en banque ou en patrimoine. A titre d’exemple, en mai 2019, Sotheby’s adjugeait un record d’enchères pour une œuvre de Monet, Les Meules défendues pour 110,7 millions de dollars soit 44 fois le prix de l’œuvre quand elle fut pour la dernière fois vendue il y a 33 ans en 1986 à 2,53 millions de dollars. Ce type d’évènements qui capte l’attention médiatique ne reste pourtant qu’exceptionnel. Artprice dans son rapport sur le marché de l’art de 2019 [2] indiquait que seul 3% des ventes du marché de l’art atteignaient des prix excédant les 100,000 US$ et seules 284 œuvres avaient atteint au moins le million de dollars. 

 

Autre facteur d’attraction, le marché de l’art fait miroiter à ses acheteurs un monde prestigieux où au-delà des gains financiers les acquéreurs d’art achètent leur place dans un cercle prestigieux des collectionneurs, un pas de plus perçu comme un nouveau marqueur d’ascension sociale.

 

Au Moyen-Orient cette percée, certes plus tardive est tout aussi fulgurante. Pour la commissaire-priseure libanaise Valerie Arcache, le marché de l’art s’est structurellement métamorphosé dans la région au moment de l’ouverture de Christie's à Dubaï en mai 2006. “A l'époque notre record d'enchères pour une peinture de Guiragossian s'élevait à 13 000 US$. Lors de sa première vente aux enchères d’art moderne et contemporain du Moyen-Orient, Christie’s a adjugé une toile de Guiragossian à 54,000 US$. Elle était estimée 28,000 US$-35,000 US$. La cote de Paul Guiragossian a décollé et on a commencé à me demander ses œuvres. Même si nous n’avons jamais atteint les prix réalisés à Dubaï pour une toile de même dimension et de même qualité, forcément la cote de l’artiste sur le marché libanais a évolué et notre clientèle par la même occasion. Des investisseurs ont commencé à acheter au Liban pour vendre à l’étranger.”

Sotheby's gallery assistants handle Banksy's Devolved Parliament painting on September 27, 2019. (AP)

Cet exemple suppose que le marché de l’art s’émancipe de son système historique partagé entre les galeries, les musées, les critiques. En effet, les collectionneurs occupent aujourd’hui la place la plus importante mais aussi la plus silencieuse. L’art n’est alors plus une question de goût, de technique ou de mœurs à une époque où la signature semble réellement donner une valeur à l’œuvre. A la hauteur des sommes engagées, une vente peut avoir un réel impact économique auprès des différents acteurs investis dans une vente. Ses recettes peuvent être redistribuées à la maison de vente, aux vendeurs mais aussi, dans certains cas, à la famille de l’artiste ou encore aux experts, expliquant les nombreuses pressions alors exercées sur l’authentification de certaines œuvres. A titre d’exemple, le fameux Salvador Mundi est devenu le tableau le plus cher du monde après son attribution controversée à Léonard de Vinci, adjugé en Novembre 2017 pour 450,3 millions de dollars. Alors que de grands collectionneurs réunissent d’importantes collections, des controverses similaires émergent. 

 

Plus que jamais, la numérisation du marché de l’art a favorisé son explosion et explique les records de vente enregistrés ces dernières années. Rien qu’en 2018, sa croissance en ligne a connu une progression de 9%. Les ventes ne s’adressent plus à un public local mais international, contribuant à la réalisation de records grâce à la multiplication de ventes en ligne. Face à tous ces nouveaux outils émergents grâce aux avancées technologiques, les vendeurs, acheteurs et également les artistes souhaitent à la fois se protéger mais également optimiser leurs activités dans le marché de l’art. Face à ces mutations profondes, les bouleversements socio-économiques et la multiplication des acteurs, il n’a jamais été aussi difficile de définir ce qu’est l’art et qui en dicte sa valeur.

 

Depuis des millénaires l’art est un vecteur d’engagement socio-politique et immortalise un monde en changement et en révolte. Les chiffres eux-mêmes démontrent les combats des acheteurs d’art comme le prouve la toile de Bansky Devolved Parliament adjugée 12.2 millions de dollars lors de sa vente à la maison Sotheby’s de Londres le 3 octobre dernier soit presque cinq fois son estimation haute. Cette œuvre réalisée en 2009 représente des chimpanzés siégeant à la House of Commons (l’équivalent du Parlement britannique). Cette vente record coïncide avec le vote du Brexit au Royaume-Uni et en dit plus qu’un long discours. Plus que jamais le travail des artistes fait retentir l’écho des problèmes de notre monde et à différentes échelles, les acteurs du marché de l’art s’engagent pour soutenir leur liberté de parole et prises de position. Au Liban, suite aux évènements du 17 octobre, certains galeristes ont mis de côté leurs obligations financières pour mettre à l’honneur des œuvres d’art créées pendant le sursaut que connaît le pays ces derniers mois, c'est notamment le cas de la galerie Janine Rubeiz qui expose des œuvres qui évoquent les remous du pays. Loin des chiffres et des salles de vente, l’art prend sa place dans la vie quotidienne et participe activement à façonner les contours d’un monde à venir.

 

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[1] Source : https://fr.artprice.com/artprice-reports/le-marche-de-lart-contemporain-2019/bilan-general/

[1] Source : https://fr.artprice.com/artprice-reports/le-marche-de-lart-contemporain-2019/bilan-general/

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