Des lignes, des coupures, et des couleurs appartenant au cercle chromatique secondaire. Pures et pétantes. Le tout dans une géométrie sévère mais espiègle, toujours en mouvement malgré la stabilité des figures grattées sur la toile. Pendant deux jours à l’Arthaus de Beyrouth, les deux séries de Missak Terzian dénaturent les dimensions du temps et de l’espace, et questionnent les composantes d’une vie. L’escapade débute dans les hauteurs du Mont Sannine à Kfardebian. Sur les neuf toiles de cette série fermée, les blocs rocailleux toujours vêtus d’un habit noir s’alignent horizontalement ou verticalement, se bousculent parfois, comme éternellement suspendus au bord d’une chute qui n’adviendra jamais.
Ce mouvement jamais tombé dans l’oubli, c’est l’enfance de l’artiste arménien, celle passée dans ce coin du Liban dont il regrette le patrimoine. « Le point de départ est le souvenir de mon enfance, l’envie de redonner un coup de fraîcheur à notre pays qu’ils sont en train de tuer. Mais ces compositions finales ne sont autres que les étapes de la vie » avoue Terzian, les yeux rivés sur le numéro 7 de la série, tableau barré de tranches de couleurs, à l’instar de tous les autres. « Qu’est-ce que l’existence, sinon des images qui reviennent, trop longtemps logés dans nos subconscients ? ».
Emotions, saisons ou moments ; rouge, jaune ou bleu, l’analyse des œuvres restera abstraite, obéissant au style de l’artiste, auquel il n’est lui-même pas fidèle. En 52 ans de peinture, il divorce plusieurs fois avec les styles qu’il adule un moment. S’il épouse d’abord le figuratif classique, il flânera ensuite entre l’attirant réalisme et l’élégant expressionnisme, jusqu’à tomber dans les bras de l’abstraction, trompeuse.
Pour lui, il faut toute une vie pour aboutir à ce style qui séduit puis répudie. « Ce que vous voyez devant vous, ça a l’air de rien » admet-il. « Mais ca n’en est pas moins l’essence de quelque chose, et de quelque chose de tangible. On ne peut pas prétendre faire de l’abstraction à tout va ». S’il a bâti son parcours au gré des essais et des échecs, celui qui a participé à 140 expositions dans le monde entier est néanmoins né dans la couleur, à l’ombre de Léogravure, la maison de sélection de couleurs de son père, pour laquelle il était chromiste. Malgré l’estompement des toiles d’hier, la noirceur d’aujourd’hui, ou l’opacité de demain, Missak Terzian semble donc épouser mille fois la couleur, pour donner vie à des tableaux pétulants, tels que One Lebanese Lira (2018) ou Le temps suspendu (2014).
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