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L’amour raconté par Khaled Takreti

10/11/2022|Maureen Dufournet

Votre exposition est née pendant votre confinement passé à Bruxelles, mais pouvez-vous nous raconter l’histoire de cette série ? 

Tout d’abord, il est important de savoir que ma manière de m’exprimer passe avant tout par la peinture, j’ai du mal à m’exprimer oralement en général. Après, comme tout le monde, le confinement a été une période très difficile que nous avons dû traverser en étant prisonnier dans notre bulle à la maison. Pour le premier confinement, j’avais décidé de peindre les plantes de mon jardin, et j’en ai fait une petite série. Au début du second confinement, j’ai voulu repeindre mes plantes, puis au bout du premier jour, je savais qu’il fallait que je fasse autre chose. Chaque jour, j’ai alors commencé à faire un petit tableau parce que je n’avais pas confiance dans le lendemain, il fallait que chaque tableau commencé soit terminé dans la même journée. Je vivais vraiment au jour le jour en me disant que peut-être demain n’arrivera jamais. Je me suis alors dit que j’allais faire un tableau qui pouvait être exposé tout seul et que le lendemain, je ferais un autre tableau en essayant de trouver un lien entre les deux. C’est vraiment comme un puzzle qui grandissait jour après jour, jusqu’à l’œuvre finale.

Un jour, j’ai vu un documentaire où Picasso nous dit : « Lorsque je veux parler de la guerre, je peins la paix ». Ma série suit un peu cette idée, car je peins à un moment compliqué pour chacun, mais je n’ai pas décidé d’en parler directement, alors que je pouvais totalement mettre en avant, les soignants, les masques bleus ou la maladie. Mais nous étions tellement tristes qu’à la place, j’ai décidé de parler de l’opposé, de mettre en avant des choses positives.

 

Cloîtré chez vous pendant la pandémie, comment avez-vous réussi à trouver de l’inspiration pour vos œuvres ? 

La vie était presque arrêtée donc je ne pouvais plus vraiment puiser mon inspiration dans mon quotidien. J’ai alors fait appel à ma mémoire, ce qui m’a aidé à travailler sur mon passé. Et comme nous ne pouvons jamais reproduire exactement la scène que nous avions en souvenir, j’ai pris des détails tout simples qui m’ont aidé à construire un travail avec des compositions décalées, d’où le titre de deux de ses toilesDécalé - Décalage. Ces dessins du passé ne sont jamais exactement comme le passé et cela redonne quelque part, du mouvement à la scène même si l’œuvre est statique. Au même moment, j’ai travaillé avec de l’aquarelle car c’est pour moi une façon de travailler très librement, comme un premier jet. Ces aquarelles représentent ma mémoire lointaine, la période de mon enfance jusqu’à mes 11 ans. A cette période, j’étais amoureux des manèges, des fêtes foraines, de la barbe à papa ou encore des petits chevaux, donc ma mémoire est allée vers cela et je l’ai dessiné. 

 

Pourquoi avoir choisi de nommer l’exposition #Love, que vouliez-vous transmettre ?

Le point de départ est premièrement que je crois à l’amour. J’ai toujours pensé que c’est l’amour qui m’aide à tout supporter, j’en avais besoin pour accepter cette période difficile de confinement. Dans toutes les œuvres, nous pouvons alors retrouver cet amour, par leur côté joyeux, l’amour de la vie, l’amour des couleurs ou encore l’amour de mon passé, de mon futur. Je pense que j’ai toujours besoin de l’amour pour endosser les périodes difficiles. J’ai alors essayé de transmettre cela par cette série, l’amour fraternel, l’amour familial, l’amour pour la gastronomie, pour le partage, l’amour de vivre tout simplement. C’est vraiment cela que je voulais transmettre avec cette exposition. Quand nous croyons à l’amour, nous pouvons vraiment tout réaliser, même dans nos relations sentimentales personnelles, sans amour, il y a moins d’espoir. Cette série porte en elle un message positif fait d’amour, de couleur et de joie. 

 

L’exposition est composée de multiples œuvres, parfois assez éloignées les unes des autres, mais s’il fallait en choisir une pour représenter la série, laquelle choisiriez-vous ?

Je pense que chaque œuvre représente un moment spécial, d’une certaine journée. Après, si je dois choisir une œuvre qui exprime toute l’exposition, je pense qu’il s’agirait de la grande œuvre avec les bols, car c’est un peu comme l’œuvre mère qui a produit toutes les autres petites œuvres. C’est la toute première peinture et c’est celle qui était un peu en lien avec mon quotidien, car pour moi le bol, c’était une façon de parler du masque. Il y a aussi beaucoup d’envie cachée dans ce tableau, des envies familiales, des envies gastronomiques, des envies sexuelles, des envies de recevoir, de se revoir. Il y a différentes générations qui se côtoient, c’est un grand mélange de plusieurs intérêts. C’est pour moi l’œuvre la mieux construite, composée de petits tableaux portant chacun leur histoire. 

Beyrouth MOOD I – Acrylic on canvas, 2022

La peinture tient une place importante dans votre vie depuis votre enfance, quelles sont vos attentes lorsque vous peignez ? 

En tout premier, ce qui m’intéresse dans la peinture, c’est la communication. J’ai du mal à exprimer mes émotions, à parler des choses vraiment profondes, de ce qui me touche. Les choses dont j’ai vraiment besoin d’exprimer, je ne vais pas le faire par la parole, mais par la peinture. Ce sont donc avant tout des attentes personnelles, je peins pour moi, pour m’aider à digérer les situations et à les accepter. Par exemple, ma maman est malade et pour comprendre cela et vraiment l’intégrer et soulager un peu ma tristesse, il est nécessaire pour moi de peindre la situation. Donc à chaque fois que je vais voir ma maman, je la peins au lit, handicapée et je me sens mieux, car mon cerveau va accepter cette idée. C’est une communication personnelle en premier, puis, j’aime bien partager ma façon de correspondre avec les autres, j’aime partager mes œuvres avec ceux qui s’y intéressent. 

 

Quels sont vos projets pour les mois et les années à venir ?

Je ne peux pas encore en parler aujourd’hui, mais j’ai un projet en France, et un projet à l’étranger. Et à côté de cela, j’ai plusieurs expositions en cours en ce moment comme celle de l’Institut du monde arabe à Paris, Habibi, les révolutions de l’amour, qui se tiendra jusqu’au 10 février 2023. Puis je peins quotidiennement, car pour moi, une journée passée sans peindre est comme une journée passée sans parler. Je travaille, si nous pouvons appeler cela un travail, un peu tous les jours, c’est ma façon de vivre. 

 

Pour en savoir plus, cliquez ici

Beyrouth MOOD II – Acrylic on canvas, 2022

 

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