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Vers la justice climatique, du Liban au Maroc

08/06/2022|Philippe Pernot

« La transition énergétique sera juste, ou elle ne sera pas », assène Ali Aznague, activiste marocain du réseau Syada. Casquette noire vissée sur le crâne et chemise à fleurs kaki flottant au votant, il explique avec un accent berbère : « La crise climatique est causée par les pays du Nord. Alors, il est injuste de faire supporter ses effets aux pays du Sud et du Moyen Orient ». 

 

Originaire du sud du Maroc, son village rural a été totalement abandonné à cause de la sécheresse et du manque de perspectives. Tous sont partis trouver une vie ailleurs. Ali, lui, milite au sein de Siyada, un réseau d’activistes s’engageant pour la souveraineté alimentaire et la justice climatique en Afrique du Nord. 

 

« Changer le modèle agricole et alimentaire, c’est crucial. Les paysans sont des travailleurs qui sont aux premières lignes de la crise climatique. Alors, il faut les soutenir et rompre avec les multinationales qui répandent des pesticides chimiques, détruisent la planète et la santé », dit-il.

 

« Je me suis rendue compte qu’on souffre de beaucoup de problèmes similaires », témoigne pour sa part Aida Delpuech, journaliste indépendante tunisienne, elle aussi de passage au Liban pour l’occasion. « Par exemple, la ville de Sfax subit une terrible crise des déchets à cause de la corruption et de l’incompétence des décideurs politiques, comme au Liban », dit celle qui sillonne son pays à la rencontre d’agriculteur.ice.s qui luttent contre des projets industriels dangereux. « En Tunisie, la société civile est très active, il y a énormément de syndicats et d’initiatives citoyennes locales », explique-t-elle.

 

Un modèle qui commence à essaimer au Liban, habitué aux grandes ONG internationales et aux entreprises privées. « Depuis la Thawra, plein de jeunes créent des collectifs de permaculture et cultivent des champs abandonnés », explique Corinne Jabbour, spécialiste de permaculture et d’éducation populaire à Jibal, une association qui milite pour la justice climatique. « Et à cause de la crise, de plus en plus d’agriculteurs se tournent vers des modes de production écologiques pour ne plus avoir à payer les pesticides et les semences industrielles, devenus hors de prix », ajoute-t-elle. 

 

Du Akkar aux camps de réfugiés palestiniens de Tyr, elle recense une vingtaine de collectifs agricoles, ainsi que de nombreux marchés qui se mettent à vendre leurs produits – tel le Souk Mawsam. Si on ajoute les initiatives citoyennes qui luttent contre les barrages de Bisri et de Mseilha, ou encore contre la pollution des usines de Zouk Mosbeh ou de Chekka, on peut dresser un portrait vivant du mouvement écologiste au Liban », dit-elle. 

 

Au Liban comme ailleurs, le changement climatique touche d’abord les classes populaires et les femmes. « Par exemple, le dépôt d’ordures de Bourj Hammoud affecte des personnes qui sont déjà extrêmement démunies, la crise renforce cette dynamique, et leur santé est doublement éprouvée », explique Corinne Jabbour. « Au Maroc, ce sont les femmes paysannes, souvent précaires, qui souffrent le plus du réchauffement climatique », abonde Ali Aznague. 

 

La justice climatique se réalise donc par l’alliance entre la justice économique, sociale et environnementale. La conférence de l’Arab Reform Initiative aura peut-être réussi à avancer un peu cette cause. « On a entamé des discussions pour créer un réseau horizontal entre nos pays, peut-être avec une base de données et de recherches, des événements », raconte Aida Delpuech. Ainsi, le réseau Siyada va s’étendre d’Afrique du Nord au Liban, pour englober des initiatives libanaises de permaculture et de souveraineté alimentaire, confirme Ali Aznague. 

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