Chantet el Malja2 réunit les récits de guerre de neuf femmes, racontés à travers un seul objet commun : la valise.
L’installation vidéo présente un grand écran divisé en neuf petites vignettes disposées en trois rangées, formant des cubes. Chaque segment projette un témoignage, et les neuf sont diffusés simultanément, créant un dialogue empreint d’émotion. Chaque femme assise semble témoigner du récit des autres, tandis que le spectateur plonge dans un passé intemporel.

Pendant la guerre civile libanaise, la survie était au centre de la vie des gens. La survie émotionnelle ne faisait pas exception. Pour y parvenir, les civils s’accrochaient à leurs biens les plus précieux – argent, bijoux, photos de famille, papiers d’identité – au cas où ils devraient fuir le pays ou si leur maison venait à être détruite par la guerre.

Pour rassembler ces objets, un élément en particulier s’est imposé parmi les personnes vivant ce tumulte : la chanta. Ce petit sac ou cette valise faisait partie intégrante du quotidien des survivants et servait d’abri sûr et transportable pour ce qu’il leur restait de possessions. La valise représentait ainsi à la fois un fardeau physique et psychologique, constamment porté, souvent plus lourd symboliquement que matériellement.

Dans la plupart des cas, c’étaient les femmes qui étaient chargées de préparer le sac : la valise de fuite toujours prête. La chanta, dans la vie de celles qui ont traversé la guerre, n’évoquait ni voyage ni loisir ; elle symbolisait plutôt la fuite instinctive face au danger, où la destination se limitait souvent à l’abri anti-bombes. La valise contenait toute une vie, et c’était la seule chose à laquelle les gens pouvaient se raccrocher. En ces temps marqués par la peur, l’angoisse et la perte d’humanité, la valise incarnait la force et le soutien, transportant à la fois les éléments essentiels à la survie et les emblèmes personnels, sacrés, de l’espoir.

Chantet el Malja2 retrace les histoires de ces femmes et révèle quels objets étaient importants pour chacune, tout en documentant le rôle significatif que cette valise a joué dans leur passé et leur présent.
Beaucoup de femmes présentées dans le documentaire ont conservé leur chanta, en souvenir de ce qui s’est passé, par précaution de ce qui pourrait encore arriver, et comme symbole de force, de réconfort et d’espérance. Ce groupe de femmes incarne la femme, épouse et mère, libanaise pour qui le passé a transcendé le temps, et pour laquelle la guerre ne s’est jamais vraiment terminée.

En réalité, elle ne s’est jamais arrêtée. La guerre, les troubles et les déplacements continuent encore aujourd’hui.

Avec les récents conflits, la crise des réfugiés au Liban et l’instabilité sociale, politique et économique dans l’ensemble du Moyen-Orient, ce projet met en lumière les préoccupations croissantes liées à la liberté et à l’identité.

Chantet el Malja2 est un documentaire de guerre unique en son genre : il présente les événements à travers une perspective spécifiquement féminine et aborde les thèmes de la perte et du changement à travers l’omniprésence d’un objet collectif inanimé.

Ce projet rend ainsi hommage aux femmes et à leurs témoins silencieux — leurs chantas — symboles du déplacement physique et émotionnel, de la survie, de la persévérance, et surtout, d’une conception sans cesse renouvelée de ce que signifie « chez soi ».

Chantet el Malja2 est le fruit d’une collaboration entre Rania Tabbara (idée originale), Wafa’a Celine Halawi (réalisatrice) et Dalia Baassiri (installation artistique).

Chantet el Malja2 a été diffusé sur BBC Arabic et présenté à Art Dubai.
Il a également fait partie d’une exposition au musée de l’Université Northwestern à Doha au printemps 2020, et a été projeté à la Galerie Olide Ouizeman à Paris en février 2020.

Wafa’a Celine Halawi, Rania Tabbara et Dalia Baassiri