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SONATE D’AUTOMNE, VERA MOKBEL

Art

Du 29/11/2023 à 16:00 jusqu'au 20/12/2023 à 16:00

Sonate d’automne
Vera Mokbel, une peinture qui s’écoute

Dans le secret de son atelier lové dans une antique maison libanaise, Vera Mokbel peint comme on chante. Cette demeure du XVIIe siècle, qui garde le recueillement d’une église dont elle occupe les murs, embrasse depuis les hauteurs de Zouk, par-delà un jardin fleuri bordé d’arbres, rafraichi par un bassin, l’immensité de l’horizon méditerranéen. 
Les premiers sujets de l’artiste sont d’ailleurs ces vieilles maisons à l’architecture caractéristique, en pierre taillée, coiffées d’un toit de tuiles rouges, campées sur de solides arcades qui agrémentent leurs façades avec leurs lignes arrondies. Celle qui fut une des premières activistes de la préservation de ce patrimoine libanais obéit alors à une urgence : garder à sa manière la trace de toute cette beauté que la guerre risque d’emporter. Dès lors, peindre, pour Vera Mokbel, c’est protéger. Elle commence donc sa carrière en domestiquant le réel à travers un art figuratif qui ne cherche pas à montrer autre chose que ce qu’il montre. Ces maisons qu’elle reproduit alors de manière quasi-obsessionnelle sont ce qu’elles sont : les derniers repaires d’un art de vivre que les prochaines générations ne connaîtront peut-être pas, et qu’elle restitue telles qu’en elles-mêmes, baignées de lumière et de bonheur tranquille.

 

Cette amoureuse de l’école impressionniste n’en subit pas l’influence. Sa vaste culture artistique nourrit son éclectisme. Elle travaille par impulsions, produit des séries sans préméditation, ne s’arrête que quand le sujet lui semble épuisé. Il lui faut « terminer des phases » pour ouvrir de nouveaux chapitres. En 2014, elle dédiait aux arbres toute une exposition, « parce que les arbres, ce sont les racines ». L’ancrage, on l’aura compris, est primordial pour cette passionnée de sa terre natale qui se décrit volontiers comme « une impatiente qui dévore la vie à la grande cuillère », justifiant ainsi sa préférence pour la gouache et l’acrylique. 
Pour ne pas perdre sa spontanéité dans le processus, elle privilégie ces couleurs qui sèchent vite, se révèlent à l’air comme la photographie à la lumière. Ce qui ne l’empêche pas, parfois, « pour ne pas perdre la main », de prendre le temps long de la peinture à l’huile quand le temps lui-même est propice. 

 

Cette nouvelle série est intitulée Sonate d’automne. Elle reflète, selon l’artiste, l’automne de la vie qui sème déjà dans son jardin intérieur ses premières feuilles mortes. Elle exprime aussi l’entrée de la musique dans sa peinture. Le glissement vers l’abstraction est venu de lui-même, progressivement, jusqu’à ce qu’à l’urgence de documenter finisse par succéder le plaisir de donner forme à des moments, des émotions, des réminiscences saisis dans leur lumière. La musique qu’elle écoute en composant ses couleurs introduit un dialogue entre les deux mondes. Chaque tableau est une partition, une mélodie visuelle. Chaque coup de pinceau un accord. Mozart ? Vaporeux. Bach ? Rythmé, heurté. Des fleurs abstraites éclosent çà et là en notes graves ou cristallines. L’espace prend toute sa dimension, déploie des paysages où parfois, la présence d’un arbre donne l’échelle de l’immensité. « L’espace, parce qu’on en manque de plus en plus » fait remarquer l’artiste. Et l'âme du spectateur se laisse emporter par cette harmonie créative. 

Pourtant, il y a une exception dans cette paix si communicative. Une petite série de toiles qui expriment une colère et un désarroi profonds. L'explosion dévastatrice au port de Beyrouth, le 4 août 2020, a laissé une cicatrice indélébile. À travers ses pinceaux, l’artiste a libéré l'horreur et la douleur, capturant cette tragédie d'une manière que les mots ne sauraient égaler. Ces toiles sont un témoignage silencieux, un rappel de la puissance de l'art à immortaliser les moments sombres de l'histoire.

Dans cette Sonate d’automne, Vera Mokbel nous invite simplement à écouter le silence de la toile, à sentir la musique des couleurs et nous mouvoir avec elle dans l'espace de l'abstraction.

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