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Ziad Kreidy était à Beit Tabaris

MUSIQUE

08/10/2025|Zeina Saleh Kayali

Alors qu’il vient de donner une masterclass de piano à Beit Tabaris, le pianiste et compositeur franco-libanais Ziad Kreidy, établi à Paris, répond aux questions de l’Agenda Culturel.


Comment s’est déroulée votre semaine de masterclass à la résidence musicale de Beit Tabaris ?

C’était un séjour très enrichissant pour moi et j’ai été très heureux de travailler au Liban, en tant que musicien, dans un magnifique lieu propice à la culture et à la musique. Beit Tabaris est une aubaine pour la vie musicale libanaise ! J’ai particulièrement apprécié le contact avec les jeunes pianistes libanais, ce qui m’a rappelé mes années d’adolescence au Liban.


Vous qui êtes spécialisé dans les pianos anciens, vous y avez trouvé un instrument intéressant ?

Absolument ! J’étais heureux de retrouver un très beau Bösendorfer de 1963, probablement unique au Liban. Cette marque viennoise prestigieuse, encore active alors que tant d’autres ont disparu, offre une couleur sonore propre qui se démarque du son standardisé des pianos actuels, Steinway restant malheureusement l’unique référence.


A piano viennois, musique viennoise ?

En effet, j’avais demandé aux participants de préparer une pièce de W.A. Mozart et une autre de J. Haydn. Ce sont deux compositeurs très exigeants et dont l’approche diffère du répertoire romantique, majoritairement joué. Haydn reste mal connu des pianistes, et son apparente légèreté masque une sophistication extrême. Nous avons travaillé l’aspect pianistique, bien sûr, mais surtout par rapport à ce que nous voulions exprimer musicalement.


La masterclass s’est clôturée par un récital des élèves ?

C’est le principe des masterclass de Beit Tabaris qui se déroulent sur cinq jours et qui se terminent par un concert. J’ai beaucoup apprécié cette formule qui permet d’approfondir un programme et qui donne le temps aux élèves et au maître de s’adapter les uns aux autres. Bien sûr le fait de préparer un concert est extrêmement motivant et j’ai été agréablement surpris par l’engagement et la concentration des cinq jeunes pianistes devant le public. J’en suis ressorti enrichi, touché par la curiosité et l’élan des jeunes musiciens libanais, un émerveillement devenu rare dans mon milieu musical professionnel en Europe.


Pour en revenir à votre passion pour les pianos anciens, d’où vous vient-elle ?

C’est le fruit du hasard. J’avais entendu un disque du pianofortiste français Patrick Cohen, qui interprétait Haydn sur piano moderne, mais de façon douce, pleine de vie et sans pédale. Cette vivacité d’esprit m’a interpellé. J’ai postulé (sur concours) pour entrer dans sa classe de pianoforte et, la même année, j’ai également intégré la classe d’orchestration du compositeur Alain Louvier. Cette formation a fait que je me suis passionné pour l’expressivité du timbre et quand j’ai découvert les pianos romantiques, je les ai écoutés comme un orchestrateur. Depuis, jouer un piano ancien, c’est pour moi comme parler ma langue maternelle. Les pianistes « normalement constitués » veulent retrouver les mêmes sensations sur chaque piano. En ce qui me concerne, c’est exactement le contraire. J’aime m’adapter et ajuster ma technique en fonction de l’instrument que j’ai sous les doigts.


Ces recherches ont débouché sur un premier ouvrage ?

A la fin de mon doctorat sur Takemitsu, j’ai voulu donner ma vision historique à travers l’ouvrage Les avatars du piano publié en 2012. Depuis, la recherche ne s’est plus arrêtée. En plus de nombreux articles, j’ai publié en 2018 La facture du piano et ses métamorphoses : Esthétique, héritage, innovation, et édité l’ouvrage collectif bilingue Clefs pour le piano : Keys to the pianoqui réunit, par des articles et des conversations, facteurs, universitaires, compositeurs et pianistes. Je travaille et publie également sur les métissages sonores.

 

C’est alors que vous avez commencé à composer ?

Oui, par besoin et non dans le but de faire une carrière de compositeur. C’est pour moi une manière de réagir à la complexité du monde. Je cherche à m’exprimer. Je ne pense pas du tout que la musique occidentale soit supérieure à la musique folklorique, comme celle de mon pays, et j’essaye, dans mes œuvres, de réunir ces deux univers apparemment inconciliables, sans trancher dans l’opposition aujourd’hui désuète entre musique tonale et atonale. Je n’aime pas les approches dogmatiques de la composition. Le fil conducteur reste la sincérité, et il n’y a pas d’autre critère. Plusieurs de mes partenaires ont joué ma musique : les violoncellistes Sergeï Istomin et François Poly, le trompettiste Thibault Darbon …


Quels sont vos projets ?

Ils sont multiples ! Côté composition, je viens de commencer une pièce pour l’ensemble libanais Les Cordes résonnantes et une autre pour le saxophoniste Nicolas Arsenijevic, professeur au Conservatoire national supérieur de musique de Paris. J’essaye également de composer pour la voix en langue arabe. J’ai plusieurs concerts prévus en France, Allemagne, Norvège et Espagne (où je jouerai notamment Naz Bar de Boghos Gelalian).


Vous sortez un disque sur toutes les plateformes le 14 novembre prochain ?

En effet et il est consacré aux trois derniers opus des pièces lyriques de Grieg enregistrés sur trois pianos droits anciens accordés en tempérament historique. Chaque opus est interprété sur un piano différent, révélant des couleurs sonores que Grieg lui-même aurait pu entendre :

-        Op. 65 : Rönisch 1915

-        Op. 68 : Feurich 1918

-        Op. 71 : Steinway 1924

J’ai voulu faire ce projet pour montrer la diversité des pianos de l’époque et pour valoriser les pianos droits que jouaient les compositeurs chez eux.


Vous projetez d’autres enregistrements ?

Je viens d’enregistrer avec Thibault Darbon la Sonate pour trompette et piano de Pascal Arnault et je prépare plusieurs projets : les Tableaux d'une exposition de Moussorgski sur un piano d’époque, des Sonates de Haydn sur pianoforte, ainsi que mes deux pièces pour piano et trompette, Air et Distance, sur le piano opus 102 (un piano exceptionnel à 102 touches, et non 88) de Stephen Paulello. Ces œuvres sont éditées chez Millénaire III Editions.


 

Extraits vidéo :

Distance pour piano et trompette, composition de Ziad Kreidy, créée au Festival du Bruit qui Pense 2025 : Lien

Mazéj for 102 keys. In memoriam Kaija Saariaho, composition de Ziad Kreidy pour le piano Opus 102 de Paulello : Lien

Tableaux d’une exposition de Moussorgski sur un piano droit Herz de 1854 (collection Alexandre Theodoulides) ; Lien

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