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Une trilogie culturelle au Palais de Beiteddine

Art

07/08/2025|Jasmine Karkafi

Par une journée de juillet particulièrement chaude au Liban, Nadine Andraos Chaer, responsable des opérations au Beirut Art Museum (BeMA), et moi avons quitté Beyrouth tôt le matin pour nous rendre au Palais de Beiteddine, à l’occasion du vernissage de deux expositions organisées dans le cadre des Journées de l’Art à Beyrouth.

La première exposition, Unfolding Landscapes, est orchestrée par BeMA en collaboration avec le British Council. Elle présente des œuvres issues du Ministère de la Culture ainsi que d’artistes émergents. La seconde, Nothing But Flowers, est curatée par le galeriste Saleh Barakat et, fidèle à son titre, n’expose littéralement rien d’autre que des fleurs. Ces expositions se tiennent dans le cadre exceptionnel du Palais de Beiteddine, et coïncident avec le Festival de musique annuel de Beiteddine, formant ainsi un véritable crescendo de célébration culturelle. Tandis que les équipes arrivaient, on entendait les essais sonores à l’extérieur, annonçant les performances du soir par Jahida Wehbe, Lubana Al Quntar et Reham Abdel Hakim. La convergence de ce lieu historique, d’un hommage à la musique classique de l’âge d’or du “Tarab” et de la richesse des deux expositions offrait une soirée d’une grande intensité pour tous les amateurs de culture libanaise.


Unfolding Landscapes

Avant l’ouverture au public, j’ai eu la chance de visiter Unfolding Landscapes en compagnie de Juliana Khalaf Salhab, co-directrice de BeMA. L’exposition marque le lancement du Programme Arts Ambulants de BeMA, une initiative innovante qui remet en question le modèle traditionnel du musée. L’idée est de transporter l’art vers les communautés à travers tout le pays, en brisant les barrières d’accès et en proposant un format nomade.

Véritable périple curatorial destiné à voyager à travers le Liban, l’exposition se structure autour de quatre chapitres : géologie, flore, cieux et interaction humaine. Le thème établit un parallèle entre l’environnement naturel et l’expression artistique, soulignant la nécessité de la pluralité dans les deux domaines.

En parcourant l’exposition, j’ai observé les multiples couches de dialogue intégrées dans la scénographie : des œuvres récemment restaurées, prêtées par le Ministère de la Culture, côtoient des créations commandées à de jeunes artistes dont plusieurs étaient présents pour donner vie à leurs pièces. Beaucoup de ces artistes sont de jeunes diplômés d’écoles d’art, et leurs œuvres sont exposées en dialogue avec les pièces plus anciennes, créant une dynamique intergénérationnelle enrichissante.



Décentraliser l’Art avec la Science

L’approche curatoriale de l’exposition reflète l’identité même de BeMA : nomadisme, collaboration et ce que le musée décrit comme une “imagination civique.” Faute de bâtiment permanent, le Beirut Museum of Art est un musée en mouvement, tout comme son exposition.

Choisir le Palais de Beiteddine comme premier site d’accueil n’est pas anodin, explique Juliana : en plus de sa valeur culturelle, ce lieu incarne un principe central du programme : la décentralisation. L’objectif est de sortir l’art des frontières de Beyrouth – trop souvent seul centre culturel du pays – pour le rendre accessible à d’autres régions du Liban.

Cette philosophie mobile s’inspire notamment d’une tradition régionale ancienne. À l’époque ottomane, les conteurs voyageaient de village en village avec des “cabinets de curiosités” les fameux sandouk el ferjeh, sortes de théâtres de papier offrant des aperçus d’univers lointains.

Dans cette même veine, l’exposition comprend des cabinets de curiosités réinterprétés, disséminés dans l’espace. La majorité des œuvres sont installées sur des structures mobiles et modulables conçues par le designer produit libanais Kamal Aoun. Ce dernier a inventé le handler, un système d’accrochage avec pièces interchangeables, permettant d’adapter les expositions à tous les lieux.



Nothing But Flowers

L’exposition Nothing But Flowers, présentée par la galerie Saleh Barakat, vous plonge dans une ambiance vibrante, colorée, et empreinte du charme enivrant des fleurs.

Barakat explique que cette exposition est née d’un besoin de réconfort après une année particulièrement éprouvante pour le Liban. Il souhaitait offrir “des vibrations positives et de l’optimisme.” Les fleurs, dans toutes leurs formes et styles, viennent ainsi compléter de manière harmonieuse Unfolding Landscapes, les deux expositions rendant hommage à la beauté du monde naturel.

“En partant du travail de Bibi Zogbé, qui a peint des fleurs tout au long de sa carrière, l’exposition explore les façons dont les artistes modernes et contemporains ont élargi les possibilités visuelles de représenter cet élément naturel particulier.

Si les fleurs ont longtemps été représentées comme éléments ornementaux, c’est avec l’essor de la peinture de genre qu’elles deviennent des marqueurs dénaturalisés de la beauté artistique. Cette exposition tire son titre de la chanson de 1988 des Talking Heads, Nothing But Flowers, qui inverse de manière satirique le désir romantique de retour à un état de nature précapitaliste.

Saleh Barakat conclut, « Nothing But Flowers examine comment les artistes ont remis en question le naturalisme dans l’art et mobilisé la fleur comme un motif porteur de préoccupations sociales et politiques.”



Les expositions sont ouvertes au public du 11 juillet au 31 août 2025.

 

 

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