Malgré les bruits de bottes, les chausses trappes, les tentatives de sabotage et autres mesquineries, Beit Tabaris reste debout et, vaille que vaille, a été en mesure d’assurer cet été deux masterclasses et un concert, avec toujours comme ligne conductrice sa mission en faveur des jeunes musiciens libanais.
Une dizaine de jeunes compositeurs ont suivi la masterclass de composition de Naji Hakim. Faut-il présenter Naji Hakim ? C’est l’un des compositeurs vivants les plus importants, il est Libanais et vit en France. Il est en outre un immense organiste qui se produit dans le monde entier et, passer une semaine entière à ses côtés pour bénéficier de son enseignement, est une chance extraordinaire. Les jeunes compositeurs ne s’y sont pas trompés. Ils étaient absolument fascinés. Chacun présentait son œuvre au maître qui l’analysait en détail, notant les points faibles et les points forts, prodiguant conseils et observations. Voici ce qu’en dit Naji Hakim lui-même : « Ils fourmillent d’idées, d’élans, d’intuitions à canaliser. Leur passion pour les chorals ou les chants populaires libanais révèle un désir profond : mettre en ordre le chaos sonore, trouver leur propre vérité dans l’harmonie. Mon rôle n’est pas de leur dire quoi écrire, mais de les aider à ordonner leur pensée, à structurer leur instinct sans l’éteindre. La technique vient ensuite, comme une seconde nature».
La semaine de masterclass se clôt avec un concert donné par Naji Hakim, en collaboration avec son épouse l’organiste et musicologue Marie-Bernadette Dufourcet. Il est constitué d’un florilège de ses œuvres pour piano, dont une création mondiale, Ilyaki, cycle de variations sur un thème marial maronite. Le compositeur qui fête ses soixante-dix ans cette année « rend à sa terre mère un peu de ce qu’elle lui a donné ». Et il conclut avec une élégance qui n’appartient qu’à lui : « Je n’écris pas pour transmettre une mémoire figée, mais pour honorer un souffle vivant ».
Le deuxième événement musical est un récital de piano. La jeune et talentueuse pianiste Andrea Azzi, passionnée par la musique depuis son enfance, vit en France mais revient régulièrement au Liban. Après avoir commencé ses études musicales au Conservatoire national de Beyrouth, elle les poursuit à l’USEK avec Zeina Alam et s’installe à Paris en 2016 pour poursuivre ses études pianistiques à l’École Normale de Musique de Paris « Alfred Cortot», dans la classe de M. Michaël Wladkowski. Elle obtient son Diplôme Supérieur d’Exécution avec mention très bien en 2024. Andréa présentait à Beit Tabaris un programme d’une grande exigence et d’un subtil éclectisme qu’elle interprète avec un irrésistible mélange de sensibilité et de puissance : Sonate en si mineur, op. 40 n° 2 de Muzio Clementi (1752–1832), trois extraits des Estampes de Claude Debussy (1862 –1918), une Valse et une Polonaise de Frédéric Chopin (1810-1849) et pour terminer la Sonate pour piano no. 4 en do mineur, op. 29 de Sergueï Prokofiev (1891–1953), œuvre d’une difficulté technique redoutable, dans laquelle elle excelle.
Le troisième événement est une masterclass de Patrick Fayad, pianiste franco-libanais et artiste Steinway, qui en une semaine fait travailler ses quatre élèves, Georges Chidiac, Michel Jalkh, Hampig Mardirossian et Kevin Youssef, à un rythme fort soutenu, leur permettant ainsi de progresser de façon extrêmement significative. Le programme du concert de clôture est consacré pour la première partie, exclusivement à des œuvres de Jean-Sébastien Bach (1685-1750), extraits du Clavier bien tempéré, de Partita et de Suite anglaise. La deuxième partie laisse à entendre des œuvres du grand répertoire classique et romantique : Ludwig van Beethoven (1770-1827), Sonate n° 8 Op 13 dite Pathétique (1ermouvement), Frédéric Chopin (1810-1849) Valse opus 70 n° 12, Benjamin Godard (1849-1895) Valse brillante, Komitas (1869-1935) Karun a, Aram Khatchaturian (1903-1978) Suite Mascarade (valse) et Serge Rachmaninov (1873-1943) Prélude en do dièse mineur. Le récital se clôt en beauté et en majesté avec une magnifique interprétation par Patrick Fayad du Moment musical n° 3 de Serge Rachmaninov, extrait des six Moments musicaux composés en 1896. Moment magique où le temps a suspendu son vol.
Rendez-vous à l’automne pour d’autres aventures musicales !