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Troisième édition du prix "Rêver le Liban" lancé par la banque BEMO

MAG

16/06/2025|Zeina Saleh Kayali

Écrivaine et éditrice engagée, Nevine Toutounji-Hage Chahine a présidé cette année le jury du concours de nouvelles « Rêver le Liban », lancé par la banque BEMO. Sous le thème Liban 2050 : lettre à ma famille à l’étranger, de jeunes auteurs ont livré des textes poignants, mêlant rêves d’avenir et ancrage dans la réalité actuelle d’un pays en quête de renouveau. Elle répond aux questions de l’Agenda Culturel.

 

Quelle est la genèse de ce prix ?

La genèse de ce prix ? un pari fou né il y a 3 ans de la vision d’un banquier ! C’est un raccourci qui dit tout. Le banquier est Riad Obegi, PDG de la Banque Bemo. Comment faire vivre dans un Liban en crise une jeunesse qui semblait avoir tout perdu et ne rien espérer ? Sinon en la faisant rêver et écrire. Un « atelier d’écriture à l’échelle nationale » en guise de thérapie comme le dit Riad Obegi. La première édition s’intitulait tout simplement : « Le Liban de vos rêves ». Cela a été comme une vanne ouverte et les candidats - tant les scolaires en classes terminales que les universitaires de moins de 25 ans - ont été au rendez-vous dans chacune des trois langues du concours, qui sont aussi celles du Liban d’aujourd’hui : le français, l’arabe et l’anglais.

 

Quel était le sujet pour cette 3ème édition ?

Est-ce que dans son rêve de voir les jeunes Libanais rêver le Liban de demain, Riad Obeji avait évoqué ou pensé la pérennité du concours ? Je ne le sais pas. Mais la réalité a rattrapé le rêve. L’adhésion des jeunes, des écoles, des universitaires, sans oublier les parents, a inscrit de facto le concours dans la durée. Le concours s’est alors structuré avec une présidente, une responsable de l’organisation – Myrna Panayot Senior manager à la banque Bemo – et trois jurys. « Rêver le Liban » devient le nom du concours et chaque édition a désormais sa thématique propre.

Pour cette 3ème édition nous avons demandé à nos candidats d’écrire une lettre : « Liban 2050 : lettre à ma famille à l’étranger ». C’était là un double exercice. D’abord écrire une lettre. Bien que les réseaux sociaux soient aussi la revanche de l’écrit, rares sont nos jeunes qui savent écrire une lettre avec ses codes. Ne l’oublions pas, ils sont d’une génération qui n’a connu ni le papier à lettre, ni l’enveloppe ni, encore moins, le timbre-poste. Ensuite il leur était demandé de nous décrire leur quotidien dans le Liban de 2050. Ils ont été 468 à voir leur candidature acceptée. Ce qui représente 16 universités et 78 établissements scolaires répartis sur l’ensemble du territoire libanais. Du Nord au Sud, des villes de la côte aux marches du pays.

 

Que vous a-t-il révélé sur les aspirations de la jeunesse libanaise ?

Ouf ! Répondre à une telle question reviendrait à vous inviter à lire le recueil des nouvelles qui sera édité par la Librairie Antoine. Prenez date (save the date comme au dit aujourd’hui) pour Beyrouth Livres du 22 au 26 octobre prochain. Mais j’aimerais que vos lecteurs sachent que toutes les copies ont été soumises aux trois jurys en « lecture aveugle ». Nous ne connaissions ni le nom du candidat, ni sa région d’origine, ni le nom de son établissement. Et pourtant, que de similitudes dans leurs préoccupations, leurs aspirations !

Au premier niveau de lecture les jeunes Libanais rêvent tous du b-a-ba du quotidien : l’eau, l’électricité, les transports en commun. Pour ce dernier point, cela a été une explosion d’idées parfois drôles, souvent très pointues, qui sont sans aucun doute dans les cartons de ceux qui feront le Liban de demain. J’avoue avoir bien envie d’adresser au ministre des Travaux publics et des Transports, une copie du recueil 2025 en passe d’être la véritable bible du secteur.

Au second niveau de lecture les jeunes Libanais rêvent de paix, de réconciliation, d’abolition de tous les non-dits, de nouvelles pages qui s’ouvrent sur un demain consolidé sur des fondations pérennes. L’un d’entre eux écrit : « Le pays a osé se regarder dans le miroir. Et cela nous a libérés. »

Enfin nous avons demandé aux jeunes de rêver ; ils nous ont répondu par des rêves ancrés dans leur aujourd’hui et tournés vers leur demain.

 

Le prix est en trois langues. Vous avez donc un jury pour chaque langue ?

En effet pour chacune des langues nous avons un jury solide, divers, riche de l’expérience de ses membres. Sachant que les jurés ont été sollicités pour leur très haute compétence (culturelle, littéraire, etc…) et pour leur pédagogie, leur capacité d’écoute comme celle de transmettre leur savoir. Et ce quel que soit leur spécialité d’origine.

Le jury de langue arabe est composé d’Amal Haddad, ancienne bâtonnière de Beyrouth (2009-2011) et première femme à prendre la tête d’un barreau dans le monde arabe ; Dima Rifaï, chargée de mission à l’UNESCO et Rosette Fadel,journaliste spécialisée dans les affaires sociales, éducatives et culturelles, forte de 27 ans de carrière au quotidien An Nahar.

Le jury de langue anglaise est un duo : Maya Ghandour-Herts, chef du service culturel de l’Orient-Le Jour et Ghina Achkar, master en traduction de l’USJ et en communication interculturelle de l’ISIT-Paris, est conceptrice-rédactrice créative, stratège de marque et auteur-fantôme, conférencière occasionnelle et défenseur des droits des personnes en situation de handicap.

Enfin le jury de langue française auquel nous participons toutes les deux : vous (ndlr l’auteur de cet article) , que l’on ne présente plus, et moi constituons un trio avec Antoine Boulad, co-fondateur de l’association Assabil et poète.

Etre entourée, tout au long des délibérations, de tant d’intelligence, de tant de compétences et de tant d’humilité devant le travail des étudiants, aura été pour moi un véritable moment de grâce.

 

Que faut-il vous souhaiter ?

Que ce brassage de rêves, d’idées, au niveau national, qu’est Rêver le Liban, continue de rassembler ceux qui ne veulent pas s’avouer vaincus par l’adversité. L’édition 2024 a vu un grand nombre de candidats participer depuis leurs abris. L’édition 2025 a été lancée en retard avec des délais très courts. Mais nous n’avons pas baissé les bras et l’un de nos jeunes écrit si justement : « Parce qu’écrire, c’est résister. C’est refuser le silence total. C’est dire : Je suis encore là. »

Cette troisième édition marque pour moi un tournant et un point de rupture. Deux défis.

Le premier des défis : Rêver le Liban a pris son envol. Le concours est désormais inscrit dans le paysage national tant scolaire qu’universitaire. Chacun de nos jeunes candidats, quel que soit la langue choisie, quel que soit son terroir, quel que soit le statut de son école, … se reconnaît et se retrouve dans Rêver le Liban. Souhaitez-nous de savoir grandir et de continuer de répondre à cette attente en demeurant cet espace de liberté ancré dans le quotidien de nos jeunes. Un espace de rêve et de pouvoir être.

Le second défi est l’intelligence artificielle (IA). Cette édition 2025 est - et le sera encore plus avec le recul – un point de rupture. Que nos jeunes aient les mêmes préoccupations, c’est normal. Que nos jeunes aient les mêmes structures de phrases dans des textes lisses et sans âme, ce n’est pas normal. Les textes ont été passés aux meilleurs des détecteurs d’IA. Dieu merci, nous n’avons pas primé des machines. Mais la prochaine fois ? En observant les résultats, nous constatons un usage « gourmand » de l’IA chez les scolaires et quasi insignifiant chez les universitaires. Un point de rupture ? en tout cas un défi pour qu’à travers leurs professeurs, à travers Rêver le Liban, nos jeunes continuent de se former aux meilleures sources de lecture et ne se transforment pas en bébé-esquimau à qui on mâche la nourriture. C’est cela qu’il faut nous - et leur – souhaiter, parce que le Liban de demain, c’est eux. Les ressources de nos partenaires : l’Institut français du Liban, Assabil et la Librairie Antoine, sont là pour cela. Le défi est énorme. Nous sommes la génération qui a vécu les grands bouleversements informatiques. Nous sommes ceux qui sont passés du téléphone filaire qui fonctionnait une fois sur deux aux vidéo-call, de la lettre d’amour glissée dans une enveloppe aux émoticons de toutes les couleurs. Nous sommes la génération qui a imaginé, conçu l’IA. Nous en connaissons les formidables applications. Nous en connaissons aussi les limites et tous les dangers. Nous sommes la dernière génération à pouvoir dire « Halte-là ! ». Nous sommes les derniers garde-fous de nos jeunes de demain.



 

Liste des lauréats de cette 3ème édition de Rêver le Liban

 

Langue française

Scolaires :

1er prix                                   Aya-Maria Shammas

2ème prix                               Joya Nacouzi

3ème prix                               Marianne Melki

Universitaires :

1er prix                                   Léa Chidiac

2ème prix                               Mariam Abou Daya

3ème prix                               Fatima Kanaan

 

Langue arabe

Scolaires :

1er prix                                     Roa Jaber

2ème prix                                Chloé Haddad

3ème prix                                Fatima El Zein

Universitaires :

1er prix                                   Assma Awkal

2ème prix                               Christina Gédéon

3ème prix                               Ali Hamdan

 

Langue anglaise

Scolaires :

1er prix                                    Miryam El Samad

2ème prix                                Rebecca Assaf

3ème prix                                Salma Issa

Universitaires :

1er prix                                    Mark Sarkissian

2ème prix                                Clara Daaboul

3ème prix                                Pierre Elliot Bou Raad

 

 

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