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‘Tarbouche jedde maalak’, une histoire d’amour suspendue

SCÈNES

15/09/2025|Maya Trad

On le sait ; il y a les hirondelles qui migrent en hiver et reviennent au printemps. Et puis il y a nous, les libanais, oiseaux d’un autre genre, pour qui l’exil et le retour sont devenus partie inhérente de notre ADN. Dans son dernier spectacle, qui joue déjà à guichets fermés et rencontre le succès de sa précédente pièce Mafroukeh au théâtre Monnot, Marwa Khalil reprend l’expression populaire qui ironise les origines et l’enracinement, Tarbouche Jeddeh Maalak, pour s’emparer tout en humour et en mélancolie du thème incontournable de l’exil propre aux libanais. Elle qui nous avait laissés dans la sphère domestique de la condition féminine libanaise en traitant de la femme au foyer avec znoud el sit et de la femme divorcée avec Mafroukeh, deux pièces à la fois comiques et graves aux noms alléchants de recettes de desserts libanais, elle déplace aujourd’hui son intérêt sur une thématique plus large, et à laquelle tous les libanais d’ici et de la diaspora pourront d’identifier. Et même si le thème de l’exil et du déracinement sont déjà éculés, elle les aborde en s’amusant à sa manière et à celle de Riad Chirazi en donnant aux clichés habituels une tonalité emprunte d’absurdité et de tendresse.

 



C’est l’histoire d’amour métaphorique et drôle, celle de Hala et Ibrahim dont la destinée est à l’image de celle du Liban : Une histoire d’amour avortée qui suit une succession d’interruptions et qui ne connaît pas d’aboutissement. Sur scène, le couple Marwa Kahlil / Junaid Zeineddine est captivant d’énergie. Ils sont tous deux à la fois attachants et drôles dans cette première collaboration magnétique et dans laquelle ils campent à merveille les différents personnages qu’ils incarnent aux différents âges. Leur histoire débute dans les abris en 1975, le lieu où comme tous les enfants de la guerre, Hala et Ibrahim s’amusent, jouant à imiter Goldorak l’invincible et à se protéger mutuellement dans leurs jeux d’enfants contre les bruits des bombes qui pleuvent. Mais quand Ibrahim vient pour embrasser Hala, sa mère l’appelle, la sommant de faire sa valise pour partir pour Paris. S’en suivront des retours quand le Liban va bien et de nouveaux départs quand le Liban va mal. Et cela de 1975 à 2020, dans un cycle constant propre aux oiseaux. Hala est celle qui fait sa valise et s’envole, Ibrahim celui qui reste. Il est celui qui s’enracine dans un terrain mouvant et insécurisé et elle est celle qui cherche l’adaptation dans des environnements en sécurité mais qui ne sont pas les siens. Chaque nouvelle destination, Paris, Montréal, Dubaï, les séparent et les rapprochent à la fois, comme la schizophrénie qui caractérise bon nombre de libanais ne sachant plus où est ce qu’ils appartiennent. 

 



Les destinations donnent le rythme à la pièce et la scène est habillée de tentes blanches qui se dressent à chaque nouvel arrêt entre des tarbouches suspendus. Ces tentes en tissus sont comme celles des bédouins, condamnés à l’errance, ou alors comme des fantômes qui planent toujours sans s’enraciner nulle part. On ne peut pas ne pas rire devant les scènes désopilantes et pleine d’imagination dans lesquelles les deux personnages racontent leurs vies à distance. La scène du dentiste à Montréal où Hala emmitouflée sous d’épaisses couches de manteaux se débat avec sa rage de dent, celle du chauffeur de taxi qui l’accueille à Dubaï, et celle où Hala doit passer son permis de conduire et ne peut conduire qu’en faisant des effractions. A Paris, la scène où la mère de Hala accrochée au téléphone avec son père se compare à un saumon qui souhaite revenir mourir dans ses eaux. C’est un divertissement qui cache la claque de la réalité et qui donne à cette comédie sociale romantique son charme et sa force.  Et la conclusion elle, reste suspendue aussi, tout comme le Tarbouche.


pour en savoir plus, cliquez ici



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