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L’héritage artisanal du cuir de Bourj Hammoud à l’honneur

24/04/2024

Arpi Mangassarian, présidente de l'association « Badguèr », profite de la Semaine du cuir du 25 au 30 avril, placée sous le haut patronage du ministre de l'Industrie, Monsieur George Bouchikian, pour sensibiliser les lecteurs de l'Agenda Culturel à l'importance cruciale du patrimoine de l'industrie du cuir de Bourj Hammoud. Son texte met en lumière la nécessité de protéger et de mettre en valeur cet héritage artisanal.

 

Longtemps, les passants des rues de Bourj Hammoud entendaient le tapotement asynchrone des coups de marteau du cordonnier arménien. Le Varbed (maitre artisan arménien) battait le cuir au rythme de son cœur, le façonnant pour créer et faire porter aux Libanais de magnifiques chaussures et des sacs en cuir, Il ne marchandait ni le matériel, ni le temps, ni les efforts qu'il déployait, pas même avec le client, mais se donnait avec une dévotion totale et inconditionnelle, pour prouver avant tout à lui-même qu'il était bien vivant et capable de donner le meilleur de lui-même à autrui.  Respect et honneur à l'artisan qui continue de tenir le marteau en main, transmettant son savoir-faire à la jeune génération, pour maintenir le quartier de Bourj Hammoud vivant et contribuer à la prospérité du Liban.

 

Bourj Hammoud et son Industrie du Cuir

Le quartier de Bourj Hammoud, situé dans les banlieues nord de Beyrouth, abrite une communauté arménienne influente, héritière d'une longue tradition artisanale remontant au début du 20e siècle. Ce quartier dynamique, caractérisé par une multitude d'activités résidentielles, commerciales et artisanales, est devenu un hub majeur pour l'industrie du cuir au Liban. L'histoire de l'industrie du cuir à Bourj Hammoud est profondément liée à l'évolution de la ville et à son patrimoine culturel arménien. Initialement constitué de marais et de constructions rudimentaires, Bourj Hammoud a évolué en un quartier animé grâce à l'installation des réfugiés arméniens, qui ont apporté avec eux leurs compétences artisanales, notamment dans la bijouterie, la maçonnerie, la menuiserie, la couture et la cordonnerie. Le "Souk el Arman", ou marché arménien, a joué un rôle clé dans l'expansion de ces métiers, offrant des opportunités de commerce et de vente pour les artisans locaux. L'industrie du cuir à Bourj Hammoud s'est développée avec le temps, devenant renommée pour sa qualité et son savoir-faire. Les artisans locaux ont non seulement préservé les traditions héritées de leurs ancêtres, mais ils ont également adopté des techniques modernes pour répondre à la demande croissante, notamment pendant la Seconde Guerre mondiale lorsque la demande militaire en cuir a explosé. La collaboration entre les tanneurs et les bouchers locaux a facilité le traitement efficace des peaux fraîches, soulignant l'importance de la localisation géographique du quartier pour cette industrie. Les réfugiés arméniens ont joué un rôle vital dans la revitalisation de l'industrie du cuir à Bourj Hammoud. Leur installation dans la région a permis un accès plus facile au marché du travail au centre-ville, favorisant ainsi leur avancement socio-économique et contribuant à la prospérité économique du quartier dans son ensemble. L'histoire de l'industrie du cuir à Bourj Hammoud met en lumière l'importance de la préservation du patrimoine culturel et des métiers traditionnels dans la société moderne. Cette industrie a non seulement offert des opportunités d'emploi et de commerce, mais elle a également contribué à façonner l'identité et l'économie locale de Bourj Hammoud.



Le rôle des artisans arméniens du cuir à Bourj Hammoud

Les artisans arméniens du cuir à Bourj Hammoud ont une longue tradition de fabrication de chaussures, transmise à travers les générations depuis le début du 20e siècle. Leurs ateliers, initialement établis individuellement puis développés en petites et moyennes entreprises, ont créé un environnement hiérarchique où chaque artisan avait des tâches spécifiques, favorisant ainsi une expertise profonde dans leurs domaines respectifs. La première génération d'artisans, composée de survivants du Génocide arménien et de leurs descendants, a établi ces ateliers dans les années 1920 et 1930, contribuant à la création d'une industrie florissante de la cordonnerie à Bourj Hammoud.

 

Le "Souk el Arman" a joué un rôle central dans le commerce des produits en cuir, notamment les chaussures, et a stimulé la demande et l'expansion des ateliers. La deuxième génération d'artisans, principalement des jeunes formés par leurs parents, a perpétué ces traditions et a contribué à la prospérité continue de l'industrie pendant les années de guerre civile au Liban. Malgré les défis de la guerre et de la récession économique, les artisans de Bourj Hammoud ont maintenu leurs activités et ont même attiré des entreprises déplacées de zones de conflit, renforçant ainsi leur rôle central dans l'industrie du cuir au Liban. L'héritage artisanal a été transmis de génération en génération, enrichissant les traditions et l'expertise de la communauté arménienne dans ce domaine. Cependant, les artisans du cuir à Bourj Hammoud font face à des défis contemporains, notamment la concurrence des produits importés et les changements dans les modes de production. Des initiatives de renforcement des capacités, la création d'organisations syndicales et de clusters artisanaux, la recherche de nouveaux marchés et l'engagement médiatique sont essentiels pour préserver et revitaliser cette industrie traditionnelle. L'industrie du cuir à Bourj Hammoud est, donc, le produit d'un héritage riche et d'une adaptation continue aux défis du temps. Les artisans arméniens ont joué un rôle central dans son développement et sa prospérité, et il est crucial de soutenir ces métiers traditionnels pour assurer leur survie et leur épanouissement dans le contexte économique actuel du Liban.

 

L'évolution de l'innovation dans le travail du cuir à Bourj Hammoud

Les artisans arméniens du cuir de l'époque ont su préserver la tradition tout en embrassant l'innovation pour répondre aux demandes changeantes du marché. La "Deuxième Génération" a introduit de nouveaux éléments telles que des sacs, des ceintures et divers accessoires aux côtés des produits traditionnels. Les machines, introduites par des entrepreneurs astucieux, ont révolutionné l'efficacité de la production. Cependant, malgré les avancées technologiques, les artisans ont maintenu l'essence du savoir-faire artisanal, mettant l'accent sur la compétence plutôt que sur les outils. La quête de connaissances a également stimulé l'innovation, les artisans cherchant l'expertise à l'étranger, particulièrement en Italie, et introduisant des techniques modernes, telles que les logiciels de conception assistée par ordinateur, pour améliorer la production et développer des marchés d'exportation.



Un appel à l'action

L'industrie du travail du cuir à Bourj Hammoud est confrontée à des défis majeurs dans le contexte économique et social difficile du Liban contemporain. La désintégration de l'économie nationale, les importations massives de produits en cuir étrangers, notamment de Chine et de Turquie, ainsi que l'afflux de main-d'œuvre bon marché de Syrie, menacent gravement cette industrie historique. Pour surmonter ces défis, des actions proactives sont nécessaires. Premièrement, il est essentiel de renforcer les capacités des artisans du cuir en transférant les connaissances des anciens maîtres artisans, en introduisant de nouvelles techniques et compétences, et en les aidant à s'adapter aux évolutions du marché. L'association « Badguèr » et ses initiatives de formation jouent un rôle crucial dans ce domaine. Deuxièmement, la création d'organisations syndicales et de clusters artisanaux peut renforcer la capacité de marketing et de coopération des artisans. Ces syndicats peuvent équilibrer la dynamique du marché et protéger la production locale, comme l'indique « Badguèr ». En outre, il est vital de rechercher de nouveaux débouchés pour les produits artisanaux, en mettant en valeur la qualité et la compétitivité des produits locaux sur le marché international. Les expositions et initiatives de promotion, telles que celles organisées par « Badguèr », montrent le potentiel de croissance et d'expansion de cette industrie. Enfin, l'engagement médiatique est crucial pour sensibiliser le public à la valeur des métiers traditionnels et mobiliser un soutien en faveur de leur préservation. La promotion des artisans qualifiés dans les médias peut stimuler la demande et contribuer à la viabilité économique de ces métiers. En conclusion, des actions coordonnées dans le renforcement des compétences, la création de réseaux syndicaux, l'exploration de nouveaux marchés et la sensibilisation médiatique sont essentielles pour assurer la survie et le développement de l'industrie du travail du cuir à Bourj Hammoud, tout en préservant son patrimoine culturel et économique pour les générations futures.


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