Liban, ETAT DE SURVIE, Fouad Khoury-Hélou, Max Milo 2025
C’est un livre qu’on commence à feuilleter en se disant : encore un autre ouvrage sur le Liban ? Faut-il comprendre par son titre « situation de survie » ou « pays qui survit »? Mais aussitôt que s’enclenche la lecture, elle devient addictive, car c’est, en très bref, l’histoire des malheurs du Liban : comment l’étau s’est refermé depuis très longtemps sur ce pays qui, de crise en crise, arrive à un point de non-retour mais qui miraculeusement quelque temps plus tard se remet à sortir la même formule du « Phoenix qui renaît de ses cendres »… Sans jamais comprendre de quoi il s’agissait réellement.
Cet essai qui se lit comme un thriller nous raconte ce qui s’est passé effectivement depuis deux siècles.
Dans une chronologie des faits détaillée, très bien documentée, se déroule le fil des invasions, guerres, dissensions, influences, revirements, occupations du Liban… Et il y en a. Tel un film auquel on assiste, se déploient les complots, les combines, les intérêts des uns et des autres qui se disputent cette porte du Moyen-Orient, objet de convoitise des Russes, des Turcs, des Français, des Britanniques, de l’Iran, de la Syrie… qui n’ont pas cessé de poursuivre leurs visées hégémoniques sur ce pays tampon qui absorbe les chocs et les conflits et qui chaque 25 ans casse tout et recommence.
Dans son survol historique, le directeur de L’Orient-Le Jour et auteur de plusieurs essais, montre notamment les divisions internes entre les communautés religieuses devenues en fait des identités politiques soumises à des interventions extérieures qui jusqu’à aujourd’hui occupent la scène.
Dans ce déroulé global, il révèle, entre autres, cet épisode caché de notre histoire mal connu et trop souvent ignoré : à savoir le tribut très lourd que le Liban a payé durant la première guerre : la famine qui a décimé le tiers de la population, le blocus contre le pays imposé autant par les Français, les Britanniques que les Ottomans. Il explique comment le Liban a été la première victime après les Palestiniens du conflit palestinien. L’incidence des visées des nouvelles puissances : Iran, Turquie, Israël; les retombées des guerres de la région, en Irak, Syrie, qui entraînent la redistribution des cartes… Le Liban jouant toujours le rôle de caisse de résonnance des coalitions, des ententes et des magouilles.
Mais aussi il souligne la capacité exceptionnelle des Libanais à s’en sortir même des cataclysmes les plus violents comme celui de la bombe quasi atomique, la troisième après Hiroshima et Nagasaki qui a dévasté sa capitale et traumatisé toute sa population. Un peuple fatigué qui a perdu le contrôle, qui se débrouille sans État, qui s’est adapté à la dévaluation de sa monnaie déjà dans les années 80 puis de nouveau après l’effondrement de son secteur bancaire en 2019, qui survit à une crise économique qui a appauvri massivement sa population et tout dernièrement à une guerre dévastatrice, caractérisée par une domination technologique flagrante.
Et si les Libanais « survivent » malgré tout, c’est parce qu’individuellement ils réussissent, que la diaspora ne les lâche pas, que la société civile est très dynamique, que « le pays recèle des forces vives ainsi qu’un remarquable potentiel économique et culturel (bien qu’il subisse) des violences extrêmes et inextricables depuis deux siècles »…
Un livre qui en 225 pages retrace ce que tout Libanais aimerait savoir sur son histoire et sur quelques points précis qu’il expose dans des annexes intéressantes : 5 constantes du système politique libanais, développement rapide des Chrétiens d’orient et du Liban, etc.
Le livre est disponible chez Antoine
