Le professeur Denis Fadda, président international de la Renaissance Française, était dernièrement de passage à Beyrouth. Son séjour, organisé par la très dynamique Présidente de la Délégation-Liban, Nada Chaoul, fut riche, varié et intense. Il le raconte à l’Agenda Culturel.
Quelle est l’origine de la Renaissance Française ?
Il s’agit d’une institution née en 1915 en France, de la volonté du Président de la République, Raymond Poincaré. C’est alors le début de la Première Guerre mondiale, l’année la plus terrible et, aussi paradoxal que cela puisse paraître, alors que les combats font rage, Raymond Poincaré fonde la Renaissance Française dans un esprit de paix. Il se projette déjà dans l’après- guerre, ne ménageant aucun effort pour essayer d’y mettre fin. Ainsi, dès 1919, en bâtisseur de paix, il tisse des liens avec l’Allemagne, la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, pays qui fonderont les toutes premières délégations de notre institution.
Quel en était exactement le but ?
Il s’agissait surtout d’apporter de nouveau la langue et la culture françaises à des régions qui avaient été occupées, comme l’Alsace et la Moselle. N’ayant plus eu le droit de s’exprimer en français depuis plus de cinquante ans, ces régions en avaient, de ce fait, totalement perdu l’usage. Ce travail de réintroduction et de rayonnement du français a été mené notamment par Mme Poincaré auprès de nombreux enfants, au fur et à mesure que les territoires occupés étaient libérés.
De nombreux pays y ont adhéré ?
Oui, et parmi les tout premiers, le Liban, au début des années 1920. La flamme s’étant amenuisée, puis éteinte au fil des années, elle a été ranimée par le ministre Michel Eddé en 2012.
Vous en êtes donc le Président international ?
Oui, et actuellement, le Président d’honneur en est Daniel Rondeau de l’Académie française, grand ami du Liban auquel il a déjà consacré un ouvrage, sachant que son prochain livre aura également pour thème le Liban. Il m’a d’ailleurs chargé de transmettre ses amitiés aux Libanais. Il a succédé au Prince Gabriel de Broglie, chancelier honoraire de l’Institut de France et membre de l’Académie française, qui avait mis beaucoup de cœur dans sa mission auprès de la Renaissance Française.
Vous êtes très attaché au Liban où vous venez souvent et où vous comptez beaucoup d’amis. Quels ont été les moments marquants de ce dernier séjour ?
Tous ! Et ce grâce à l’excellente organisation de la Présidente Nada Chaoul. Entre autres, la visite de la Fondation Jabre à Beit Chabab. J’ai été très impressionné par la richesse de la collection et sa pertinence. Rassembler et valoriser ainsi les œuvres des orientalistes qui ont peint le Liban est un véritable travail patrimonial. J’en ai été enthousiasmé.
Vous avez également rencontré le Premier ministre libanais ?
Absolument, et ce parfait francophone à l’esprit très fin m’a impressionné. J’ai eu avec lui un entretien extrêmement fructueux et j’ai senti à quel point l’homme était déterminé et amoureux de son pays. Il a l’intelligence et les compétences nécessaires pour le poste qu’il occupe et pose un regard d’une grande lucidité sur les problèmes du pays qui sont nombreux. Il voudrait faire les choses au mieux, avec beaucoup de sagesse et de pondération et cherche à prendre les meilleures décisions, toujours guidé par l’amour profond qu’il porte au Liban.
Vous vous êtes aussi rendu à Tyr ?
Oui et cette rencontre organisée par la Fondation de Tyr présidée par Madame Maha Chalabi était passionnante. Les Ateliers de Tyr qui ont beaucoup souffert des épreuves des derniers événements se reconstruisent et se remettent au travail. Le courage et la détermination des habitants de la ville forcent le respect. Tyr est une ville qu’il faut sauver à plusieurs égards : sur le plan humain, archéologique et sous-marin. Je dirai même qu’il s’agit de sauver une civilisation tout entière.
Vous avez sillonné le Liban du Sud au Nord jusqu’à Zahlé. Que pouvez-vous nous dire du projet modèle de l’école publique Rachel Eddé de Sebeel fondée par Josiane Torbey ?
Je le trouve absolument extraordinaire et d’ailleurs je lui ai remis la médaille d’or de la Renaissance Française. Ce que cette femme a accompli, pratiquement en solitaire, est incroyable. Elle s’est impliquée dans toutes les étapes de la fondation de l’école, depuis sa conception architecturale jusqu’à la mise en place d‘un enseignement de qualité et les moyens de le mettre constamment à jour. Ce projet a énormément valorisé la région du Liban- Nord et devrait servir de modèle à d’autres établissements éducatifs. D’ailleurs vous trouverez sur ce lien le discours de la Présidente Nada Chaoul.
Vous avez également visité la ville de Zahlé ?
A Zahlé, nous avons eu le plaisir de visiter la belle Municipalité et de rencontrer son président parfaitement francophone, M. Salim Ghazalé, qui nous a relaté l’histoire mouvementée de la ville. Nous avons aussi visité l’Hôtel Kadri dans lequel le Général Gouraud proclama en 1920 l’annexion des quatre régions formant le socle du Grand Liban et qui fut aussi visité en 1942 par le Général de Gaulle, ainsi que d’autres demeures anciennes et monuments de la ville. Une journée aussi agréable qu’instructive !
Que faut-il vous souhaiter ?
De pouvoir en faire encore beaucoup plus !