470 kilomètres de sentiers, 27 jours de marche, 75 villages traversés : le Lebanon Mountain Trail (LMT) propose une immersion unique au cœur du Liban – un voyage à pied pour (re)découvrir la richesse de ses paysages, de sa culture et de son histoire. Il est aussi devenu, en moins de deux décennies, un outil stratégique pour le développement socio-économique du Liban, en redonnant un souffle à des régions rurales marginalisées. Interviewé par l’Agenda Culturel, Richard Bteich, président de la Lebanon Mountain Trail Association (LMTA), revient sur l’histoire du sentier, ses objectifs et ses défis.
Un voyage au cœur du patrimoine libanais
En l’espace de dix-sept ans, le LMT est devenu un incontournable du tourisme libanais. Si le sentier de randonnée connaît une telle popularité, c’est qu’il séduit par la beauté et la diversité de ses paysages : des forêts du Akaar aux cèdres du Chouf, en passant par les monastères de la Qadisha et les bordures de la Bekaa. Il fraye aux randonneurs un chemin à travers champs et montagnes, franchissant pas moins de trois réserves naturelles, une biosphère protégée et un site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Du nord au sud, une traversée symbolique du Liban
Inspiré du sentier des Appalaches aux États-Unis – un sentier de 3 500 kilomètres, entre l’état du Maine et la Géorgie –, le LMT accueille en 2007 ses premiers randonneurs.
Pensé par Joseph Karam, président d’ECODIT, une entreprise de conseil en développement durable, le LMT est bien plus qu’un simple itinéraire de randonnée. Il se veut avant tout un lien de terre, un chemin destiné à reconnecter villages et communautés, à réparer une unité brisée par des années de guerre civile. Pour cela, le tracé s’appuie sur les anciennes routes traditionnelles qui reliaient jadis les régions libanaises, à travers les époques phéniciennes, romaines et ottomanes.
De Aandqet, au nord, jusqu’à Marjayoun, au sud, le LMT épouse ainsi les reliefs d’un petit pays où – pourtant – traditions, coutumes et religions diffèrent d’un pas à l’autre. C’est un voyage dans l’histoire du Liban que propose ce sentier, une immersion dans ses rites, dans ses mythes mais aussi dans ses mémoires. Car les montagnes que le LMT parcourt ont souvent servi de refuge aux communautés fuyant la guerre et la persécution.
La préservation du patrimoine, naturel et historique
L’attractivité du LMT s’appuie aussi sur l’investissement des bénévoles et salariés de la Lebanon Mountain Trail Association (LMTA), qui veillent à l’entretien des sentiers et de leur signalétique. Une centaine de sites archéologiques, traversés par le LMT, sont inventoriés, tandis que d’autres continuent d’être découverts, excavés et signalés par la LMTA, qui compte parmi ses membres des archéologues professionnels.
L’association milite aujourd’hui pour faire du LMT un sentier national reconnu et protégé par la loi, afin d’en assurer la pérennité et de préserver son environnement direct. Un défi de taille, alors que le LMT traverse des terrains aussi bien publics que privés, vulnérables à la pression foncière, à l’urbanisation ou aux projets illégaux. « La LMTA travaille en étroite collaboration avec les municipalités et communautés locales traversées par le sentier. Nous invitons chacune à s’approprier le LMT, à le protéger mais aussi à saisir les opportunités qui en émanent pour le développement de la vie locale, notamment économique » déclare Richard Bteich.
Pour la LMTA, la préservation du patrimoine passe aussi par le soutien aux artisans et aux professionnels de l’accueil de la région. L’association met en place des programmes pour favoriser l’ouverture de maisons d’hôtes, à travers des formations et des aides au financement. Des guides, mandatés par la LMTA, proposent de faire découvrir la faune, la flore et l’héritage culturel local aux randonneurs qu’ils accompagnent, sur un ou plusieurs des vingt-sept tronçons que compte le LMT.
Le tourisme responsable et durable : une perspective pour le Liban
Véritable levier de développement local, le Lebanon Mountain Trail (LMT) s’impose aujourd’hui comme un modèle de tourisme responsable et durable. Chaque année, ce sont entre 4 000 et 6 000 randonneurs qui foulent le sentier de randonnée, venus du Liban ou d’ailleurs. Deux moments forts rythment la saison : les « Thru-Walks », organisées au printemps et à l’automne, durant lesquelles le sentier est parcouru dans son intégralité, du nord au sud et inversement.
Soucieuse de rendre cette expérience accessible à tous, la LMTA organise des « Inclusive Hikes» – des randonnées adaptées aux personnes en situation de handicap, ainsi que des ateliers pédagogiques en milieu scolaire, pour sensibiliser les plus jeunes à la marche, à l’environnement et au patrimoine.
Résultat de cet engouement : plus d’un million de dollars injectés chaque année dans l’économie locale, avec un impact mesurable sur l’emploi, les services et la dynamique des villages traversés. « Faire en sorte que le LMT soit un moteur de développement socio-économique pour les communautés rurales est au cœur du projet de l’association » rappelle Richard Bteich.
Le LMT s’impose ainsi comme un véritable atout pour le développement du Liban, et un modèle que la LMTA entend diffuser. Un mémorandum vient ainsi d’être signé entre l’association et l’Institution libanaise de normalisation pour formaliser les bonnes pratiques de planification, de création, d’entretien et de gestion des sentiers de randonnée, alors que ceux-ci tendent à se multiplier.
« Aujourd’hui, notre mission est de plaider au niveau national pour inscrire le LMT dans un cadre juridique clair. C’est essentiel, à la fois pour garantir la sécurité des randonneurs, pour préserver la biodiversité et pour valoriser notre patrimoine culturel et naturel. », conclut le président de l’association.