Je sais que notre pays, notre État, ne nous a pas donné beaucoup de raisons d’en être fiers ces dernières années. Mais pour une fois, je suis profondément fière d’être citoyenne d’un pays qui, dès les premiers jours de la guerre contre Gaza, a su montrer, écrire, exprimer, exposer sa solidarité et sa douleur face à ce que vit le peuple palestinien.
À l’heure où, à Paris (je l’ai vécu), il fallait chuchoter ou cacher son visage pour parler de la Palestine, ici, au Liban, nous parlions à voix haute : sur les plateaux de télévision, dans les universités, les salons, les restaurants, les lieux d’art et de culture. Même ceux qui, à cause de la guerre civile, nourrissaient autrefois du ressentiment envers les Palestiniens, s’accordaient à dire qu’aucun peuple ne devrait endurer une telle souffrance.
Aujourd’hui, alors que le monde occidental commence enfin à émerger de sa torpeur, à se libérer du lavage de cerveau israélien pour, j’en suis convaincue, basculer vers la conscience de sa complicité dans l’horreur, nous, nous avions déjà parlé. Nos artistes se sont exprimés librement, avec force et clarté. Des expositions majeures, comme Le Petit Prince de Gaza à la Fondation Dalloul – où les enfants massacrés étaient nommés un à un – ont vu le jour. Des ventes aux enchères ont été organisées pour lever des fonds. Et tant d’autres initiatives, artistiques ou citoyennes.
Quand dans d’autres pays arabes l’omerta régnait, nous, chrétiens, musulmans, druzes, pleurions ensemble les familles brisées. Nous nous révoltions contre cette immense injustice. Notre cœur saignait, et nous pouvions le dire. Librement.
Oui, nous sommes une terre de liberté. Il faut le reconnaître. Et peut-être qu’à force de tant souffrir depuis plus de cinquante ans, ou justement à cause de ces épreuves, nous sommes devenus un peuple humain, pour qui la compassion et la solidarité ne sont pas des mots creux, mais des actes vivants, concrets, quotidiens.
Je suis fière d’être de ce côté de l’Histoire. D’appartenir à ce petit peuple de voyageurs, dont le cœur, l’âme et l’esprit sont ancrés dans la reconnaissance universelle de la valeur de la vie.
Photo : ‘Target’ de Laila Shawa, Palestine. 2013
Avec l'aimable autorisation de 'Ramzi and Saeda Dalloul Art Foundation (DAF), Beirut