Designer libanais de renommée internationale, Maged Bou Tanous est spécialisé dans la création de vêtements liturgiques et ecclésiastiques. Il a habillé le pape Benoît XVI, le pape François, ainsi que l’archevêque de Paris Laurent Ulrich et le cardinal Leonardo Sandri. Couturier attitré du patriarche maronite Béchara Boutros Raï, il allie foi, élégance et savoir-faire libanais. Également actif dans le monde du théâtre et de l’opéra à Paris, il a habillé de nombreuses stars libanaises et internationales, mêlant art sacré et créativité contemporaine.

Maged Bou Tanous lance son exposition de robes de baptême ainsi que son ouvrage ‘Or et Myron’ paru aux éditions Artliban Calima, le vendredi 7 novembre 2025 à 18h, au salon de l’église Saint-Maron, Gemmayzé.

 Cet événement s’inscrit dans une démarche de partage et d’ouverture culturelle, soutenue par le Père Richard Abi Saleh, qui œuvre à faire du salon de l’église un espace vivant dédié aux initiatives artistiques et spirituelles. Rencontre avec le designer.

Qu’est-ce qui vous a inspiré à créer cette collection de robes de baptême, et que souhaitez-vous transmettre à travers ces pièces ?

Cette collection est née d’un profond désir de célébrer la pureté, la lumière et la renaissance spirituelle que représente le baptême. C’est un moment unique, à la fois intime et sacré, où l’âme s’ouvre à la grâce divine. Le baptême est, à mes yeux, la première étape de la vie religieuse, et c’est pour cela que je le considère comme le premier vêtement liturgique dans la vie chrétienne, le premier sacrement qui permet de franchir le seuil de la chrétienté.

À travers ces robes, j’ai voulu traduire cette émotion en matière, en mouvement et en lumière. Chaque création raconte une histoire de foi et d’amour, mêlant la tradition de l’Église à la délicatesse du savoir-faire artisanal libanais. Je souhaite que chaque pièce devienne plus qu’un simple vêtement : un symbole de bénédiction et d’appartenance spirituelle, un héritage à transmettre, et une œuvre où le sacré rencontre la beauté humaine.

Comment parvenez-vous à allier la symbolique religieuse, la tradition et l’esthétique contemporaine dans vos créations liturgiques ?

Pour moi, la beauté du vêtement liturgique réside dans l’équilibre entre la fidélité à la tradition et la recherche d’une expression actuelle.

Chaque symbole, chaque couleur, chaque tissu porte un sens spirituel. Rien n’est laissé au hasard. Mais je crois aussi qu’il est essentiel de parler au monde d’aujourd’hui, de montrer que la foi n’est pas figée : elle vit, elle évolue, elle inspire.

Ainsi, je marie des techniques de broderie traditionnelles à des lignes plus épurées, des tissus nobles à des touches contemporaines. Mon but est de servir le sacré sans le dénaturer, en donnant à chaque création une âme à la fois intemporelle et vivante.

Quels matériaux, couleurs ou motifs avez-vous privilégiés pour cette exposition, et que représentent-ils sur le plan spirituel ?

J’ai choisi des matières qui évoquent la pureté et la lumière, des soies naturelles, des organdis et des cotons délicats, souvent rehaussés de fils d’or. Les teintes dominantes sont le blanc et l’ivoire, symboles de l’innocence et de la grâce baptismale.

Les broderies sont réalisées à la main avec du fil de soie, parfois polychrome dans des teintes pastel, pour traduire la douceur et la vie nouvelle qui naît à travers le baptême. Ce fil de soie est issu d’une tradition libanaise ancienne, qui remonte à l’époque du prince Fakhreddine, et qui a traversé les siècles pour rester profondément ancrée dans nos savoir-faire et notre patrimoine culturel.

Ainsi, chaque robe devient un véritable vêtement de prière, où la lumière spirituelle se mêle à l’histoire et à la mémoire artisanale du Liban. Simple, mais sacré ; délicat, mais porteur de sens, un hommage à la foi et à la beauté intemporelle du patrimoine libanais.

En tant que designer de vêtements liturgiques, comment vivez-vous la responsabilité de créer pour des moments aussi sacrés que le baptême ?

C’est une mission qui va bien au-delà de la couture. Chaque fois que je conçois un vêtement pour un sacrement, je le fais dans un esprit de respect, de recueillement et de gratitude. Je ressens profondément que mes mains participent à une œuvre spirituelle : vêtir la foi. C’est à la fois une responsabilité et une grâce.

Il existe un fil très fin entre le vêtement de théâtre et le vêtement liturgique, car les deux partagent la rigueur de la coupe, la précision des matières et le souci du détail. Mais la finalité est totalement différente : le vêtement liturgique n’est pas une parure théâtrale. Chaque symbole, chaque broderie, chaque ligne doit être priant, afin que la tenue devienne un véritable outil de prière et non un simple objet esthétique.

Créer pour le baptême, c’est habiller un moment où la vie rencontre le divin, où la simplicité se fait splendeur. Cette conscience m’inspire une humilité profonde et un sentiment d’unité avec l’Église et avec Dieu, car chaque création doit servir à faire résonner la foi à travers le vêtement lui-même.

Votre travail est reconnu au niveau international, notamment auprès du clergé et de grandes figures religieuses. En quoi cette exposition marque-t-elle une nouvelle étape dans votre parcours ?

Cette exposition représente pour moi un retour aux sources, à la fois spirituel et artistique. Après avoir créé pour des papes, des patriarches, des cardinaux et des archevêques, je reviens ici au commencement, le baptême, le premier signe d’appartenance à la foi.

C’est une façon de redire que la beauté sacrée commence dans la simplicité.

En même temps, cette exposition me permet de présenter mon travail dans une dimension plus intime et poétique, où chaque création est une offrande. C’est une nouvelle étape, où l’art du vêtement liturgique dialogue avec l’émotion, la foi et la lumière.