Ghada Haddad, née au Koweït en 1959, est une Franco-Libanaise dont le prénom, qui signifie 'plante des dunes' en arabe, évoque la résilience et la beauté dans les environnements les plus difficiles. Après des études de psychologie à la Sorbonne et de communication au Celsa Paris, elle a enseigné la psychosociologie de la communication et la publicité ainsi que la sémiologie à l'Université Saint-Joseph de Beyrouth et à l'ALBA.
Dans le cadre du Salon des Signatures, Ghada Haddad signe Le Chant des Cigales, paru aux éditions Artliban Calima, le mercredi 3 décembre 2025 de 16h à 19h à l’Ordre des Médecins - Tohwita. Le Chant des Cigales est un récit poignant et évocateur de son enfance dans un village libanais, où la magie et la réalité se côtoient dans un univers de joies simples et de moments de tendresse.
Avec ses thèmes universels de l'enfance, de la famille et de la mémoire, ce livre est un hymne à la beauté de l'enfance et à la force de la mémoire.
Pourquoi ce titre pour la première partie du livre : Paroles de grands dans les yeux d'une enfant ?
Pour moi, ce titre reflète mon propre regard d'enfant sur le monde des adultes. Je me souviens de mon enfance au Liban, où j'ai grandi entourée de personnes qui m'ont enseigné à voir le monde d'une certaine manière. Mais en même temps, j'ai toujours eu mon propre regard, ma propre façon de voir les choses.
Le titre suggère que je suis en train de partager mon propre point de vue d'enfant sur le monde des adultes. Je montre comment je voyais les choses, comment je les comprenais, et comment je les ressentais. En écrivant ce livre, je voulais partager cette perspective unique avec les lecteurs et leur montrer comment un enfant peut voir le monde, et comment cela peut être à la fois simple et complexe.
Ce titre est également une façon de dire que, même en grandissant, je n'ai jamais perdu cette perspective d'enfant; Je continue à voir le monde avec des yeux curieux et ouverts, et puis, le plus important est que mon texte reflète ma réflexion profonde, d'où les "paroles de grands", et les yeux de l'enfant, ce sont mes illustrations crées à travers la naïveté et l'innocence de mon regard d’enfant.
La guerre est omniprésente dans vos pages, mais toujours en contraste avec l’enfance, la nature, la musique. Pourquoi cette mise en tension ?
La guerre et la violence sont des thèmes qui ont marqué mon enfance et ma vie. Je me souviens de la mort de mon cousin, qui était mon compagnon de jeu et mon ami, et de la façon dont cela a changé ma perception de la vie. Mais j'ai également grandi dans un environnement où la nature, la musique et l'enfance étaient des sources de joie et de beauté. Je me souviens de la façon dont je voyais la vie à travers le jardin de mon grand-père, où les plantes et les fleurs poussaient avec abondance. Cette dualité entre la guerre et la paix, la violence et la douceur, est un reflet de la réalité du Liban, mon pays. Je voulais montrer comment ces deux mondes peuvent coexister et comment les êtres humains peuvent trouver de la beauté et de la joie même dans les moments les plus difficiles.
On sent une dualité constante : vie/mort, amour/haine, joie/douleur… Est-ce pour vous le reflet de l’existence ?
Oui, la dualité est un thème central dans ma vie et forcément dans mon livre. Je pense que la vie est faite de contrastes et de contradictions, et que c'est dans ces moments de tension que nous pouvons trouver de la profondeur et de la signification. Le Liban est un pays de dualités, où la mer et la neige, le soleil et le froid, la vie et la mort coexistent. Je me souviens de la façon dont les gens peuvent être à la fois chaleureux et individualistes, comment ils peuvent jeter des papiers par terre dans la rue tout en étant capables de grande générosité et d'hospitalité et d’une tenue impeccable de leurs maisons et foyers ! Je pense que cette dualité est un reflet de l'existence humaine, et que c'est en l'acceptant et en la comprenant que nous pouvons aller de l’avant.
Que direz-vous à un lecteur qui cherche la paix ?
Je lui dirais que la paix est un chemin, pas une destination. Elle nécessite un effort constant pour cultiver la compassion, l'empathie et la compréhension envers soi-même et les autres.
Dans la vie il faut prendre le temps de respirer, de se connecter avec la nature et de pratiquer la méditation ou la pleine conscience pour apaiser son esprit et son cœur. Vous savez, la paix n’est pas une utopie, elle est possible, même dans les moments les plus difficiles, chaque petit pas vers la paix peut faire une grande différence. "La paix commence en soi-même, et se propage autour de nous comme des cercles dans l'eau".
Qu'est-ce que vous entendez par "vivre intensément" et comment cela se reflète-t-il dans votre livre ?
Vivre intensément, c'est comme sentir le soleil sur sa peau ou la pluie sur son visage. C'est ressentir la vie dans toutes ses nuances, dans toutes ses couleurs. Mon livre est une invitation à vivre ainsi, à danser avec la vie.
Comment voyez-vous la relation entre la résilience et la violence dans un pays comme le Liban ?
La résilience et la violence sont comme deux sœurs qui se disputent. La résilience peut être une façon de transformer la douleur en beauté.
Qu'est-ce que vous pensez que les lecteurs peuvent apprendre ou découvrir en lisant votre livre ?
Je pense que les lecteurs peuvent découvrir la beauté qui se cache dans les fissures de la vie. Ils peuvent apprendre à voir la vie avec des yeux neufs, à entendre la musique qui se cache dans les Silences.
Mon livre est une petite pierre jetée dans une mare d’eau. Il peut créer des vagues de réflexion, des remous de sentiment. Il peut inviter les lecteurs à se poser des questions, à chercher des réponses. J'espère que les lecteurs retiendront l'importance de vivre avec son cœur, de sentir la vie dans toutes ses nuances.
Pourquoi avoir écrit ce livre ?
J'ai écrit ce livre parce que j'ai eu une enfance exceptionnelle et paradoxale. D'un côté, j'ai grandi entourée de cousins, cousines, tantes, oncles, grands-parents et parents, dans un jardin rempli de nature et de vie. Je me souviens de la purulence des plantes qui poussaient dans la terre et de la beauté des pastèques énormes qui m'émerveillaient. Mais d'un autre côté, j'ai été envoyée en pensionnat à l'âge de trois ans et demi, loin de ma famille et de tout ce qui m'était cher. Ce sentiment d'abandon et de solitude m'a accompagnée toute ma vie et m'a donné l'élan d'écrire ce roman pour partager mon histoire et mes émotions. Je me souviens de la tristesse indescriptible que j'ai ressentie en étant séparée de ma famille et de mon environnement familier. Je me demandais pourquoi on m'avait abandonnée, pourquoi je n'étais pas aimée, et ces questions m'ont hantée pendant des années. En écrivant ce roman, je voulais explorer ces dualités et ces contradictions qui ont marqué mon enfance et ma vie, et partager mon expérience avec les lecteurs.
Votre pays, le Liban, est presque un personnage. Pourquoi était-il essentiel de le mettre au centre ?
Le Liban fait partie de mon histoire, il a façonné mon identité. C’est un pays qui a connu la guerre et la violence, mais qui est également capable de produire de la beauté et de la joie.
Écrire sur des douleurs intimes (la guerre, la perte, la maladie, la mort du père) est difficile : est-ce une forme de thérapie ou un legs pour votre fils et vos lecteurs ?
Écrire sur des douleurs intimes est effectivement difficile, mais c'est également un processus de guérison et de réflexion. Pour moi, écrire ce livre a été une forme de thérapie, car cela m'a permis de mettre des mots sur mes émotions et mes expériences. Je voulais également laisser un legs pour mon fils et mes lecteurs, un témoignage de mon histoire et de mes émotions. Je souhaite que mon roman puisse inspirer, toucher et montrer aux lecteurs que même dans les moments les plus difficiles, il y a de la beauté et de l'espoir. Je pense que la dualité de la vie est ce qui la rend si précieuse, et que c'est en acceptant et en comprenant ces contradictions que nous pouvons trouver de la paix et de la sagesse.
J’espère que les lecteurs pourront trouver de la joie et de la magie dans les anecdotes et les histoires que je partage.
Qu'est-ce que vous voulez transmettre à vos petits-enfants et à l'enfant qui sommeille en chacun de nous à travers votre livre et votre expérience de vie ?
Un peu de légèreté ne peut que faire du bien et jeter petit à petit tous ces lests qui nous retiennent prisonniers nous rapproche des étoiles. Aujourd'hui, je veux m'amuser, tout en faisant profiter les autres de mon expérience. D'où la dualité du livre et ce que j'ai intitulé "Paroles d'adultes dans le regard d'une enfant". Paradoxalement, c'est en vieillissant que je retrouve mon âme d'enfant, telle que je l'ai vécue dans le jardin de mon grand-père, protégée de tout et de tous, avec pour seul pare-vent l'amour des miens. Ce livre doit avoir un message à véhiculer : l'enfant qui est en vous ne meurt pas, il hiberne en attendant le retour du soleil et de la belle saison pour pouvoir se réveiller et, comme un papillon à la fin de sa chrysalide, il se réveille en déployant ses ailes aux mille couleurs, ou encore comme ce coquelicot qui déploie ses pétales tout froissés après de longs jours de sommeil et d'hibernation.
Qu’est-ce que vous pensez être la leçon de vie la plus importante que vous ayez apprise à travers vos expériences ?
Qu’il y a toujours un arc en ciel après les orages et que les orages justifient l’arc en ciel.

