À l’occasion du Festival du livre, Beyrouth accueillait cette année une délégation suisse. Auteurs, réalisateurs et journalistes se sont réunis pour partager leurs travaux et échanger autour des problématiques actuelles au Moyen-Orient comme ailleurs.
Retour sur ces quelques jours de dialogues et de rencontres.
La première soirée donne le ton : projection du film River Boom en présence de l’un de ses protagonistes, Serge Michel. Le journaliste revient sur cette aventure à travers l’Afghanistan et, plus largement, sur son rapport au reportage et au voyage. La discussion est animée par son amie et consœur, Eileen Hofer, journaliste et réalisatrice suisse.
Eileen connaît bien ce terrain : elle aussi s’est rendue en Afghanistan à la même époque. Cuba, le Chili, le Liban... ses voyages sont la preuve d’une curiosité insatiable.
Elle découvre Beyrouth à vingt ans, sur les traces de la jeunesse de sa mère, d’origine turco-libanaise. Car derrière son humour et sa douceur helvétique, les yeux noirs vifs et rieurs de la réalisatrice rappellent qu’elle a un quart de sang libanais.
C’est d’ailleurs ici qu’elle a commencé à filmer, caméra Super 8 à la main. Vingt-cinq ans plus tard, elle compte huit courts et deux longs métrages à son actif.
Pour le Festival du livre de Beyrouth, la réalisatrice présente un travail singulier, né de ses recherches et de sa passion pour les femmes fortes : Horizontes, film bouleversant consacré à la légendaire danseuse cubaine Alicia Alonso, « aussi célèbre que Fidel Castro », selon Eileen.
Dans ce long métrage, la Suissesse explore l’univers du ballet à Cuba à travers trois danseuses, symboles du passé, du présent et du futur. Elle y révèle aussi la complexité de la personnalité d’Alicia : « Mon but n’était pas de la montrer sous son meilleur jour », confie-t-elle. « La réalité, c’est qu’Alicia était aussi merveilleuse que monstrueuse. »
Un monstre de talent, mais aussi de rigidité, au culte de la personnalité assumé.
Mais pour la réalisatrice, raconter une histoire ne se limite pas à l’écran.
Après avoir présenté son film dans une trentaine de festivals, elle décide d’en prolonger la vie en bande dessinée. En 2021, Alicia voit le jour, fruit de sa collaboration avec la dessinatrice Mayalen Goust.
« J’ai eu 1/20 au bac en dessin, je neallais pas m’y risquer ! », plaisante Eileen.
Cette adaptation n’est pas une simple transposition du film, mais un véritable complément. À travers les témoignages de ceux qui ont côtoyé ou adoré la danseuse, la BD explore le mythe Alicia, entre génie et dévotion.

Fascinée par les femmes fortes, Eileen Hofer poursuit sa quête : après Alicia Alonso, elle s’attaque à Audrey Hepburn, dont la bande dessinée vient d’être traduite en anglais. Son prochain projet sera consacré à la musicienne chilienne Violeta Parra, qu’elle décrit comme « moitié star, moitié chamane ».
Le récit de ce voyage au Chili sur les traces de la célébrité chilienne est déjà disponible sur le média Heidi.news, fondé par Serge Michel, une belle mise en bouche avant la sortie de la BD, prévue d’ici un an et demi.
Entre rigueur, créativité et curiosité sans frontières, Eileen Hofer incarne à merveille le dialogue culturel suisse-libanais que célèbre le Festival du livre de Beyrouth.
Photo portrait d’Eileen @Michele Bloch Stuckens
Photos signature du livre @Eline Roussel
