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Kassar El Kaleb, Ode scénique aux compromis du mariage

SCÈNES

19/08/2025|Nadine Nassar

À l’Odéon Théâtre, jusqu’au 31 août, Tony Issa et Josiane El Zir, dans une création théâtrale de Gisèle Hachem Zard, entraînent le public dans un tourbillon de musique, de danse et de rires. La scène s’ouvre sur un décor à deux niveaux, bibliothèque remplie de livres, rideaux rouges et bureau central. Mais très vite, ce cadre apparemment classique se transforme : le bureau se transforme en bar, en lit, un téléphone jaillit du mur, un étendoir à linge sort du sol, et les amants disparaissent soudain derrière la bibliothèque. À l’arrière, un écran anime sans relâche des images : nuages, linge suspendu, disques tournants, éclats de paillettes. Tout bouge, de haut en bas, et de gauche à droite : la scénographie vibre, multiplie les surprises et impose un rythme haletant.

L’histoire suit Dr Talal, écrivain désabusé, qui reçoit une invitation à recevoir un prix en échange d’une contribution. Sa secrétaire le pousse à accepter, l’amenant à replonger dans son passé : une mère possessive répétant à l’envi son fameux « kassar el kaleb ». Ce titre – qui signifie littéralement le moule brisé, expression arabe employée pour désigner un être unique, exceptionnel, que l’on ne saurait remplacer – deviendra aussi le nom de son futur livre. Comme c’est souvent le cas, pour une mère, aucune femme n’est jamais à la hauteur, prétexte servant à le garder auprès d’elle.



Les scènes s’enchaînent en vers, en phrases poétisées, souvent chantées. Sa jeunesse refait surface. Professeur, il s’éprend de son élève, finit par l’épouser. Leur bonheur conjugal s’assombrira lorsqu’une femme fatale le piège lors d’une soirée festive. Les danses se multiplieront – rumbas, valses, tangos et autres danses de salon effervescentes – et Talal succombe à cette passion envoûtante.

L’une des scènes marquantes survient lorsqu’il rentre chez lui : sa femme, affublée d’un masque effrayant, lit Paris Match et entonne Hit the road Jack. Alors, Talal se tourne vers le public et demande : Vous comprenez ma trahison ?Un spectateur, installé dans la salle, lui répond, dans une interaction savamment préparée. Les disputes du couple s’enchaînent sans fin, sous une horloge projetée sur l’écran qui tourne, implacable. Et l’on voit sur scène leur petite fille, victime de leurs désaccords.

Retour en arrière la pièce prend aussi le point de vue de la femme et montre sa mère et sa grand-mère la préparant au mariage. Dans un échange savoureux, la grand-mère lance à tue-tête : « Le mariage est un chantier, pas un sommier »(warchi mich farchi), en rimes truculentes. Elles lui parlent de “Brigitte Badaro” et de son premier amour regretté. La scène devient irrésistiblement comique lorsque la jeune femme va consulter un cheikh, qui surgit sur un siège amovible, orné d’un bric-à-brac aussi pittoresque qu’improbable.



La pièce se veut légère, joyeuse, mais elle touche aussi par ses vérités. C’est l’histoire millénaire du couple, de la séduction, des infidélités et des rancunes. Dans les derniers tableaux, des projecteurs dirigés vers le public nous ramènent au point de départ : la cérémonie de remise de prix. Après maintes hésitations, Talal se tient face au micro. Sur l’écran s’inscrivent ses mots : « Je présente mes excuses à la femme que j’aime et que je n’ai pas su protéger, jusqu’à ce que le moule se brise… Je ne peux pas la quitter, parce qu’elle ne quitte pas mes pensées. »

Le final s’embrase : quatre couples, les femmes en robes de mariée, tourbillonnent sur scène, tandis que Tony Issa chante d’en haut, d’une voix pleine et émue.


Kassar El Kaleb est une comédie musicale contemporaine, rythmée, drôle et inventive. La belle prestation scénique de Tony Issa et des autres comédiens, se double d’une mise en scène dynamique et multimédia, où les objets prennent vie et où chaque détail compte. Derrière l’humour, la pièce rappelle l’importance des compromis et de la patience, la nécessité de sauver le mariage et de préserver la famille.



 

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