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Au Nom de la Mère

MAG

18/08/2025|Noha Baz

Il y a au cœur du monde, un souffle premier.
Un battement d’avant les guerres.
Une chaleur plus ancienne que les nations.
Qui ne connaît pas de drapeaux.
Qui ne connaît pas de frontières.
Juste des bras qui serrent un petit cœur qui bat.
Au Levant,
que ce soit à Beyrouth, Tel-Aviv ou Gaza,
ce souffle porté par une mère a pour trône le bord d’un lit, depuis lequel, à l’aube de la nuit, elle se penche, caresse d’une main et, d’un baiser tendre,
chasse tous les cauchemars et toutes les peurs.


Faisons un rêve : celui d’un dialogue imaginaire entre
une mère de Tel-Aviv, une autre de Gaza.


Je t’écris de Tel-Aviv.
À toi, si proche et si lointaine. Je ne connais ni ton nom ni ton visage, mais je pense que nos cœurs abritent les mêmes fatigues, les mêmes prières et les mêmes rêves.
J’ai porté mon enfant dans le silence de l’aube, à l’heure où les sirènes se taisent, lorsque la peur sommeille encore un instant.
Je l’ai senti grandir en moi comme une promesse fragile et chaque battement de son cœur me disait : « Je ne veux pas la guerre. »

Nos enfants sont nés des deux côtés d’une ligne qu’on nous a appris très tôt à éviter.
Je t’imagine berçant le tien pendant que résonnent ces bruits sourds que nous connaissons si bien.
Je t’imagine l’enveloppant contre toi pour qu’il n’entende pas la peur, qu’il se nourrisse d’amour.
Je fais pareil… exactement pareil.
Il n’y a pas de mot assez grand pour contenir la douleur d’une mère quand la vie de son enfant est menacée.
Je t’écris parce que je veux croire qu’au-delà de tout ce qui déchire cette terre, il existe un lieu où toi et moi pourrions nous reconnaître.
Un lieu où il n’y a pas de camp, pas de drapeau, pas de cause. Juste un lien entre deux femmes qui donneraient leur vie pour que leurs enfants vivent.
Un lieu dans lequel nos enfants n’auront plus besoin de chercher un abri autre que nos bras, où ils se tiendront par la main, sans peur, sans haine et sans méfiance.
Je t’écris pour garder cette lumière allumée, cette espérance minuscule mais qui me permet de tenir debout et de penser à toi du plus profond de mon cœur.


Lettre d’une mère de Gaza à une mère de Tel-Aviv

Je t’écris depuis cette partie du monde que le monde regarde sans voir. De cette terre minuscule, à la lisière de la tienne, devenue aussi le théâtre d’un chagrin infini.

Comme toi, j’ai porté mon fils au milieu des éclats, des nuits sans lumière et des murs qui tremblent.
Je lui ai appris les mots pour dire :
eau, arbre, pain, sourire et joie.
Je lui ai appris à rire, même quand l’eau manquait.
À dessiner le soleil avec des crayons cassés.
Mais je n’arrive pas à lui expliquer qu’il faut apprendre à vivre avec la peur de l’autre…

Je ne trouve pas les mots pour lui dire que le monde oublie tous les jours les battements de cœur des enfants.

Avant sa naissance, je lui chantais les étoiles
que les bombes n’avaient pas encore éteintes.
Avec cette force qu’aucune bombe ne peut briser,
nous, les mères, savons mieux que quiconque combien la vie est précieuse et belle.

Je pense à toi, là-bas, de l’autre côté.
Je sais que tu trembles aussi pour les tiens.
Je sais combien, comme moi, tu t’entêtes, tu t’accroches à un regard, un rire qui jaillit malgré tout, moment volé à l’horreur.

Dans nos rêves à toutes les deux, il n’y a pas de frontières, parce qu’aucun enfant ne mérite la guerre.
Je crois, profondément, que nous, les mères, nous pouvons réfléchir au-delà de la haine.
Rêver qu’un jour nos enfants se croiseront sans peur,
sans murs et sans méfiance, pour se tendre la main.
À travers les décombres, je t’envoie un peu de ce qu’il me reste de douceur et de certitude : celle d’espérer changer un jour les choses.

Dans nos ventres, nous avons toutes deux porté la chaleur du vivant, le battement d’un même cordon, d’une même humanité.
Si toutes les mères du monde se levaient d’un seul mouvement, affirmant qu’elles ne porteront plus un seul enfant pour les guerres, je suis sûre que l’espoir renaîtrait et que la terre, sous leurs voix, tremblerait bien plus fort que sous des milliers de bombes.

 

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