Samera Jaber est la voix derrière Call Them By Their Name, un nouveau podcast qui capte, avec une sincérité rare, le network créatif du Liban. Lorsque je me suis assise avec elle, je pensais être celle qui poserait les questions. Mais fidèle à son approche, c’est elle qui m’a d’abord demandé : « Et toi, qui es-tu ? » C’est ainsi que naissent beaucoup de ses épisodes : à travers un échange authentique, où des artistes venus d’horizons divers prennent le temps de se raconter. Bien avant d’avoir un micro entre les mains, Jaber était déjà animée par le besoin de questionner. « On m’a déjà dit que je bombardais les gens de questions », dit-elle en souriant. « Mais je ne suis jamais blasée. Quand je rencontre quelqu’un, je suis profondément curieuse. »
Née à Beyrouth, élevée entre plusieurs cultures, Samera vivait à Londres depuis cinq ans lorsque l’idée du podcast a commencé à germer. Elle se sentait attirée par l’intimité du format audio, par la liberté qu’il offre. Pas de décor, pas de mise en scène, simplement une voix face à une autre.
À l’époque, elle travaillait dans certains médias au Royaume-Uni, toujours en lien avec l’art et la culture. Un jour, une personne de son entourage remarque non seulement la qualité de sa voix, mais aussi sa manière d’écouter. « Tu as un accent intéressant », lui dit-on. « Et tu poses les bonnes questions. » C’est ainsi que l’idée devient projet. Ce qui la séduit dans le podcast, c’est sa simplicité d’accès, sa spontanéité. Elle commence par inviter des amis, puis des connaissances. Rapidement, un artiste lui suggère de se concentrer sur les créateurs libanais.
Certes, il existe déjà des podcasts produits depuis Beyrouth, mais la plupart sont en arabe elle dis. Jaber choisit donc de produire le sien en anglais, pour s’adresser à la diaspora libanaise dispersée à travers le monde. À l’aube de cette nouvelle aventure, elle décide de rentrer à Beyrouth. En septembre 2024, elle débarque dans une ville où la guerre vient d’éclater. « Je suis sortie de l’avion et je me suis dit : ce n’est pas possible », raconte-t-elle. Pourtant, la ville continue de vibrer.
Lors d’un café avec une amie productrice, elle sent naître une urgence. « J’ai eu envie de l’enregistrer sur-le-champ. Je suis revenue le lendemain avec un micro. » Dès lors, elle commence à contacter des artistes à travers la ville – parfois sans les connaître. Artistes, architectes, cinéastes, artisans : certains sont déjà établis, d’autres émergents. Mais tous, selon elle, sont en train de construire quelque chose. « Il y a ici une communauté qui crée des choses incroyables, sans infrastructure pour les soutenir. Et pourtant, ils continuent. C’est bouleversant. » Les épisodes sont enregistrés avec un matériel léger, souvent sans montage. Une simplicité assumée. « Je ne voulais rien de trop léché. Juste des histoires racontées avec sincérité. Pas d’image. Uniquement des voix. Un type d’écoute devenu rare. »
Au fond, Call Them By Their Name est une tentative de transmission. « Je veux que la diaspora à San Francisco, à Paris, même dans le Golfe entende ce qui se passe ici. Pas à travers des titres alarmistes, mais à travers des voix. » Samera refuse les catégorisations, les divisions confessionnelles ou les identités figées. « Je suis avant tout beyrouthine, dit-elle. Ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous sépare. » Aujourd’hui, l’audience du podcast est à 70% composée de femmes entre 25 et 55 ans, à travers le Moyen-Orient. Mais Jaber voit plus loin. « J’aimerais parler à tout le monde. Je suis née au Liban, je suis française, et je porte en moi plusieurs cultures. J’aimerais que le podcast reflète cette pluralité. » Elle le précise; elle ne cherche pas à se mettre en avant. « Ce n’est pas moi, le sujet. C’est un projet du cœur, tourné vers les autres. » Mais en réalité, c’est justement sa capacité à créer un espace d’écoute qui fait la force de chaque épisode.
Spotify : Call Them By Their Name
Instagram : Call Them By Their Name IG