Portée par le succès de ses dernières éditions, Menart Fair revient cette année du 25 au 27 octobre 2025 en intégrant l’agenda de la Semaine de l’art à Paris. Pour sa 6ème édition, l’unique foire en Europe dédiée à l’art moderne et contemporain du MENA (Middle East, North Africa) réunira 40 galeries de 20 pays dans les espaces de la Galerie Joseph, 116 rue de Turenne, Paris 3ème. Les œuvres de plus d’une centaine d’artistes de 16 nationalités offriront un panorama de la scène contemporaine et émergente du monde Arabo-Persique.
Menart Fair est une foire à taille humaine qui privilégie avant tout la découverte, le partage et les échanges fructueux entre les professionnels de l’art. Elle offre un instantané de la scène actuelle de la région MENA, permettant aux visiteurs de découvrir des propositions curatoriales de portée internationale.
L’édition 2025 se tiendra sous le prisme de la douceur. Un choix thématique manifeste dans un contexte géopolitique particulièrement sensible et violent. Artistes et œuvres sélectionnés révèleront la force et la puissance que peut revêtir cette apparente qualité.
Dans l’univers de l’art contemporain où semblent souvent primer le sensationnel, le spectaculaire, et la recherche d’impact immédiat dicté par les algorithmes, la douceur s’affirme en filigrane. Portée par la subtilité plutôt que le choc, la mesure plutôt que le hurlement, elle devient parti-pris critique et position éthique : un choix d’autant plus audacieux pour les artistes issus de la constellation créative du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Laure d’Hauteville, fondatrice & directrice de Menart Fair.
Entretien avec Laure d’Hauteville, fondatrice et directrice de Menart Fair
Pourquoi avoir choisi cette année la thématique de la douceur ?
Nous évoluons aujourd’hui dans un monde traversé par de nombreux conflits, qu’ils touchent la région MENA, l’Ukraine ou encore le Congo. Dans ces contextes fragiles, le rôle des artistes apparaît plus que jamais essentiel. À Menart Fair, leur présence constitue un acte fort : affirmer la douceur face à la violence devient une véritable forme de résistance. Sans occulter les réalités des guerres en cours, nous avons souhaité, cette année, mettre en lumière la manière dont les artistes témoignent de leur époque et traduisent leurs émotions à travers l’art et la douceur. Il convient de rappeler que la douceur n’est pas synonyme de mièvrerie. Elle dépasse les représentations convenues et commerciales qui cherchent à l’édulcorer. La douceur est une force silencieuse mais puissante, un engagement vis-à-vis d’autrui, une nécessité vitale. Elle se manifeste dans l’infime, dans les gestes, dans les silences, dans les matières que les artistes façonnent de leurs mains
Cette édition invite chacun d’entre vous à découvrir la richesse de ses multiples formes d’expression. En prenant le temps de contempler les œuvres, vous en percevrez les nuances profondes, bien au-delà des clichés. Le contexte géopolitique actuel est marqué par des tensions, des conflits et des fractures. Nous sommes sans cesse agressés par des images brutales, dans les médias, sur les réseaux sociaux, partout autour de nous. Alors où sont passées nos valeurs humaines, dont l’une des plus précieuses : la douceur ? Elle n’est pas synonyme de faiblesse, bien au contraire. Elle est une puissance créatrice, une manière de résister à la brutalité par l’art, la poésie et la beauté. La douceur recrée du lien, favorise le dialogue et ouvre des espaces de respiration indispensables. Dans le geste de l’artiste, elle s’incarne comme une recherche de délicatesse et d’humanité. Elle n’est pas une naïveté, mais une force silencieuse et universelle, fragile et puissante à la fois. C’est cette force que nous avons voulu mettre en avant à Menart Fair cette année : faire de la douceur un manifeste, un langage qui nous invite à penser autrement, à regarder autrement, et peut-être aussi à espérer autrement.
Comment la douceur se manifeste-t-elle dans votre sélection artistique ?
Dans notre sélection artistique, la douceur n’est pas littérale, elle émerge de la sublimation de thèmes difficiles. Elle s’exprime à la fois de manière paradoxale et résiliente. Les artistes utilisent différents médias pour exprimer cette approche. La peinture est employée pour créer un refuge de lumière face au désordre du monde, comme chez Tahar Ben Jelloun, également poète (Galerie Patrice Trigano – Paris, France) et Elham Pourkhani (Bavan Gallery - Téhéran, Iran). Pour d'autres, comme Marwan Kassab Bachi (Kalim Bechara Art Gallery - Beyrouth, Liban) et Khaled Takreti (Galerie Nadine Fattouh– Paris, France), elle transforme la douleur en un langage visuel puissant. Nabil Anani (Zawyeh Gallery - (Ramallah, Palestine & Dubaï, Émirats arabes unis) l'utilise pour une forme de résistance, peignant une Palestine utopique. La photographie, avec le cyanotype d'Aassmaa Akhannouch (galerie Esther Woerdehoff– Paris, France) où l'harmonie des lignes chez Serge Najjar, (Galerie Bessières – Paris, France) capture des instants de sérénité. Enfin, les matériaux bruts et mixtes, comme le sable de Meriem Bouderbala (Galerie Patrice Trigano – Paris, France /Obafricart– Paris, France /Le Violon Bleu Gallery - (Sidi Bou Saïd, Tunisie) ou les extraits de plantes de Taqwa Ali (Kers gallery- (Amsterdam, Pays-Bas), révèlent une fragilité cachée et transforment la douleur du déracinement en une expression apaisante.
Plusieurs artistes représentés à Menart Fair cette année vivent actuellement sur leur territoire des conflits importants. De quelle façon les artistes s’emparent-ils de la douceur dans un tel contexte ?
Près de la moitié des artistes exposés à Menart Fair (soit 38* sur 107), vivent dans des zones perturbées. Pour eux, l'art n'est pas qu'une simple expression, mais un acte de résistance. Ils utilisent la douceur comme une arme pour refuser une réalité dictée par la violence. Leurs œuvres sont de véritables refuges face au chaos, transformant leur douleur en un langage visuel puissant. Cette douceur se manifeste à travers la nostalgie d'un passé paisible, la vulnérabilité de l'être humain et la dignité de la beauté. En vous attardant sur leurs créations, vous accédez à une lecture plus profonde de leur quotidien, un quotidien qui ne se résume pas au conflit, mais qui est teinté d'espoir et de résilience.
*Rula Abu Saleh (Syrie), Sabhan Adam (Syrie), Morteza Ahmadvand (Iran), Johanne Allard (Liban), Nabil Anani (Palestine), Maher Attar (Liban), Fadi Balhawan (Liban), Maryam Baniasadi (Iran vivant à Lahore), Anna Bondavalli Ward (Liban), Bassem Dahdouh (Syrie), Nada Eido (Liban), Farhad Fozouni (Iran), Leila Ghandchi (Iran), Oussamah Ghandour (Liban), Mona Hakimi-Schüler (Iran), Ibrahim Hamid (Syrie), Julia Hashem (Liban), Ibrahim Al Hassoun (Syrie), Mustafa Kamal (Soudan), Abd Kasha (Syrie), Charles Khoury (Liban), Manal Mahamid (Palestine), Lama Mansour (Liban), Sliman Mansour (Palestine), Majd Masri (Palestine), Salimeh Motamedi (Iran), Serge Najjar (Liban), Minoo Nikpour (Iran), Elham Pourkhani (Iran), Louma Rabah (Liban), Renoz (Liban), Raouf Rifai (Liban), Michèle Sayegh Naja (Liban), Abbas Shahsavar (Iran), Hosein Shirahmadi (Iran), Koorosh Shishegaran (Iran), Fadi Yazigi (Syrie), Lara Zankoul (Liban).
Vous faisiez l’année dernière, le choix audacieux d’une édition 100% dédiée aux artistes femmes. Cette thématique de la douceur s’inscrit-elle dans la continuité de l’édition 2025 ?
Pour Menart Fair 2025, le choix de la douceur est une main tendue. Elle partage avec l’édition 2024 l’audace d’une invitation à explorer la sensibilité et la complexité qui animent la création artistique, aussi bien chez les hommes que chez les femmes. La parité restera une valeur essentielle pour la foire (48% d’artistes femmes cette année), indépendamment des thèmes qu’elle aborde. En montrant que la douceur est une qualité universelle, explorée par des artistes des deux sexes, Menart Fair dépasse les stéréotypes de genre pour célébrer la puissance créative dans toute sa diversité.
Pour en savoir plus, visitez www.menart-fair.com
Photo : Laure d’Hauteville @Ronan Nouri