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RAMZI MALLAT – NOT YOUR MARTYR

Art

Du 13/09/2025 à 10:00 jusqu'au 10/10/2025 à 17:45

Dans le cadre du London Design Festival (LDF) 2025, le V&A South Kensington présente Not Your Martyr, une installation commémorative de l’artiste libanais basé à Londres, Ramzi Mallat, reconnu pour son travail évocateur autour de la mémoire, de la perte et de la résistance collective. Cette présentation est co-curatée par Rachel Dedman, conservatrice Jameel d’Art Contemporain du Moyen-Orient au V&A, en collaboration avec le LDF et avec le soutien du programme Jameel du V&A.

Exposée dans la galerie Médiévale et Renaissance du V&A South Kensington du 13 septembre au 19 octobre 2025, Not Your Martyr rend hommage aux victimes de l’explosion du port de Beyrouth du 4 août 2020, qui a causé plus de 250 morts, déplacé des milliers de personnes et ravagé la ville. L’année 2025 marque à la fois le cinquième anniversaire de cette tragédie et le cinquantième anniversaire du déclenchement de la guerre civile libanaise en 1975.

Constituée de ma’amoul (معمول) – sablés traditionnels libanais habituellement servis à Pâques et lors de l’Eid, symboles d’unité – reproduits en verre coloré, l’œuvre puise dans un patrimoine culinaire partagé qui transcende les différences religieuses. Ce mémorial est à la fois un hommage aux vies perdues et une célébration de leur mémoire.

Mallat explique :
« Réalisée en verre aux couleurs vives, la tension entre la fragilité et la solidité de la matière reflète les contradictions émotionnelles du deuil, où les souvenirs intimes se heurtent au chagrin collectif. »

Not Your Martyr s’oppose à l’effacement des histoires traumatiques par les pouvoirs étatiques et conteste la culture de la résilience performative, qui substitue trop souvent l’oubli à la guérison. Par ce titre, l’artiste nous invite à résister à l’élan ritualisé — profondément ancré dans les cultures SWANA — qui transforme les victimes en martyrs, au risque de réduire leur humanité au silence sous le poids du sacrifice symbolique et d’émousser l’indignation publique face à l’injustice de leur perte. Cette œuvre marque également le premier projet institutionnel de Ramzi Mallat au Royaume-Uni.


Les formes abstraites des sablés, traditionnellement inspirées du soleil, de la pluie, des feuilles et des fleurs, acquièrent ici une dimension conceptuelle nouvelle grâce à leur ambiguïté. En choisissant le verre, l’artiste capte la dualité inhérente au matériau et son potentiel infini. L’œuvre désarme par sa familiarité, avant de confronter le spectateur à la dissonance entre sa forme et sa signification.


Mallat ajoute :
« La production de ces pièces en verre fut un processus laborieux, exigeant patience et précision, chaque moule de ma’amoul ayant été sculpté à la main pour témoigner d’un profond respect de l’artisanat traditionnel. »

Alors qu’aucun monument n’a jamais été érigé pour la guerre civile libanaise – les ruines ayant été recouvertes par une reconstruction néolibérale occultant les mémoires conflictuelles – Mallat conçoit son œuvre comme un contre-monument, un hommage discret à ces anniversaires douloureux.


Selon l’artiste :
« Ces pâtisseries lumineuses en verre deviennent des réceptacles d’histoire orale, de mémoire et d’identité, incarnant un héritage à la fois personnel et collectif. Dans leur translucidité comme dans leur opacité, elles portent ce qui est visible et ce qui est perdu. »

Loin de la monumentalité des mémoriaux d’État, l’installation privilégie une expérience intime, invitant le spectateur à relier un passé tragique à un avenir porteur d’espoir. Son échelle réduite et sa forme familière rejettent la rhétorique de grandeur nationaliste pour offrir un espace de recueillement fondé sur la tendresse plutôt que l’héroïsme, et sur la pluralité plutôt que le récit unique.

Décrit par l’artiste comme un « mémorial migratoire », ce geste contre-monumental puissant devient une métaphore politique de la vulnérabilité de la paix. Refusant la fixité des monuments traditionnels, l’œuvre voyage, se déplace, s’adapte — reflétant à la fois l’expérience diasporique libanaise et l’instabilité de la mémoire dans la région.


Not Your Martyr est présenté aux côtés d’une installation des artistes libanais Rana Haddad et Pascal Hachem, Debris of Text and Eyeglasses, issue de la collection du V&A. Toutes deux exploitent la fragilité apparente du verre et l’intimité du quotidien pour réfléchir à l’impact de l’explosion de Beyrouth cinq ans après.

Rachel Dedman déclare :
« Je suis fière de réunir deux œuvres d’artistes libanais dans le cadre du London Design Festival de cette année au V&A, à l’occasion des cinq ans de l’explosion du port de Beyrouth. Ces installations utilisent des objets humbles — les ma’amoul des fêtes de Pâques et de l’Eid, et les lunettes soufflées par la force de la déflagration — pour traduire l’impact humain de cet événement et de ses suites. Reliées par la matérialité du verre, elles abordent la mémoire à une échelle intime, en contrepoint aux monuments officiels. »


Le V&A — institution souvent associée aux collections impériales et aux récits culturels globaux — devient ici une plateforme non seulement pour présenter des réponses artistiques à des catastrophes régionales, mais aussi pour interroger la politique de la mémoire. Le LDF, avec son orientation vers l’avenir du design à l’échelle mondiale, fournit un terrain fertile pour réfléchir au rôle des artistes et designers dans la construction d’une mémoire civique, notamment là où l’État a failli.

En ces temps de crises mondiales — où le deuil est souvent privatisé et rapidement marchandisé — cette œuvre s’affirme comme un refus silencieux : refus d’oublier, refus de monumentaliser, refus d’une résilience dictée par l’amnésie collective.

Le court-métrage de Ramzi Mallat, Sobhiye (2022), reconnu à l’international, sera également projeté au Friday Late du V&A South Kensington, le 19 septembre 2025, dans la galerie Simon Sainsbury (salle 64b, dite Daylit Gallery), de 18h00 à 22h00. Réalisé entre octobre 2019 et août 2021, ce documentaire retrace une série d’événements survenus au Liban, révélant une crise économique ouverte, aggravée par la corruption, la négligence et l’inaction. Le film suit le quotidien de cinq personnes à Tripoli, dans la Békaa et à Tyr, illustrant les épreuves individuelles engendrées par les bouleversements sociopolitiques du pays.


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LieuVictoria and Albert Museum, United Kingdom

AdresseCromwell Rd, London SW7 2RL, United KingdomGéolocalisation
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