À seulement 23 ans, William Basbous s’inscrit dans l’héritage artistique des Basbous, une famille de sculpteurs libanais de renommée internationale. Entre la France et le Liban, cet apprenti sculpteur navigue entre tradition et modernité, portant haut les valeurs d’un art familial unique.
Un héritage gravé dans la pierre
Les Basbous, c’est avant tout une histoire de famille : Michel, Alfred et Youssef, trois sculpteurs ayant transformé leur village natal de Rachana en un musée à ciel ouvert depuis les années 1950.
Aujourd’hui, William, petit-fils de Youssef, trace sa voie à sa manière dans le travail de la pierre. Depuis son enfance, chaque été à Rachana est rythmé par des sessions de sculpture avec son père Nabil et depuis très jeune il décide de se tourner vers l’artisanat. Il explique : « Je n’ai jamais ressenti de pression, mais la réputation familiale pousse à se dépasser. »
À l’œuvre pour Notre-Dame
Et tandis que son père poursuit ses créations contemporaines, c’est au service d’un art bien plus ancien que William a mis son talent : la restauration de la cathédrale gothique de Notre-Dame de Paris.
Dans le cadre de sa formation aux Compagnons du Devoir, William a pu participer comme tailleur de pierre au chantier de Notre-Dame de Paris, en rénovation depuis son tragique incendie, il y a 5 ans.
Pendant plus d’un an, au sein de son alternance dans l'entreprise Monument Lanfry, le franco-libanais a travaillé à la restauration de la petite rosace du pignon Sud de la cathédrale. Ils étaient une dizaine de son entreprise à tailler la pierre et assembler le tout dans leur atelier à Rouen. Une expérience qu’il se dit chanceux d’avoir vécu, même s’il précise que cela ne vaut pas un travail sur place puisque “les bâtiments ont vécu, ils ont une âme”.
Un projet monumental qui a du sens pour celui qui, petit déjà, se voyait travailler pour la Vieille Dame : « Quand j’étais petit, je regardais les reportages sur Notre-Dame et je rêvais de travailler sur ce monument. Je ne savais pas encore que ce serait pour de la taille de pierre, mais j’y pensais déjà. »
Le fruit d’un labeur commun
Trois mois avant la réouverture officielle, William et son équipe ont pu admirer le résultat de leur travail. Celui-ci en garde un souvenir marquant : “C’était comme une fourmilière. Tous les corps de métiers se donnaient à fond”.
S’il a retenu une chose de ce chantier hors du commun, c’est l’humilité dont les artisans ont fait preuve. Car, pour parvenir à bout d’un tel travail, il faut bien admettre que l’union fait la force.
Des cèdres du Liban aux lumières de Paris
Entre le charme des quais de Seine et celui des cèdres du Liban, William ne choisit pas. Parti en France à 20 ans pour se former chez les Compagnons du Devoir, il revient tout de même tous les étés sculpter à Rachana, auprès de son père. Là-bas, il s’essaye entre autres à la sculpture sur des petits pendentifs en pierre : “c'est presque plus difficile lorsque c’est petit, car il faut un travail précis”.
Chez les Compagnons du devoir, pas de sculpture contemporaine, mais une formation au travail de la taille de pierre à un rythme très intense : 44 heures par semaine, sans compter les 2 heures quotidiennes de cours du soir, William se donne les moyens de ses ambitions.
Il en est déjà à la troisième année de ce que les Compagnons appellent “le Tour de France”. Le format est simple : une année, une région différente.
En changeant ainsi d’entreprise et de région d’année en année, William apprend à connaître la France par la diversité de ses pierres.
Il a ainsi travaillé le calcaire marbrier en Bourgogne, la Saint Maximin à Paris, le tuffeau à Saumur…
Et après ?
Une fois sa formation terminée, William rêve de créer des sculptures plus grandes, et, pourquoi pas, de revenir un jour à Rachana poursuivre l’héritage familial, là où tout a commencé. Là, entre les pierres du village, il pourrait véritablement prendre racine, et transmettre son savoir-faire.
En attendant, grâce à son travail et à celui de milliers d’autres, Quasimodo peut s’en retourner dormir tranquille…
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