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Voyage à Beyrouth avec Magda Chaaban

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18/06/2025|Briac Saint Loubert Bié

« Beirut I’m back », c'est la description des émotions ressenties par Magda Chaaban lors de ses retours à la capitale libanaise, présentée jusqu’au 18 juin à Rebirth Beirut. L’artiste s’est appuyée sur une multiplicité de techniques et de matière, espérant rester fidèle à sa ville natale et cohérente aux sentiments que Beyrouth suscite chez elle.



Beyrouth assoupie depuis le hublot d’un avion

On a beau être un usager assidu de l’avion, coutumier des retours récurrents au pays, l’arrivée à Beyrouth est toujours une surprise. Aile gauche de l’appareil, nez écrasé contre le hublot, pour observer la capitale étendue sur sa péninsule, comme endormie, le voyageur a pour quelques instants le panorama exhaustif d’une ville aux mille visages. Beyrouth alors s’attrape en un coup d’œil et s’imprime aussitôt dans la mémoire de qui l’a vu ainsi, souvenir le plus fidèle de l’échelle du Levant qu’emporte avec soi l’exilé quand il repart.

Une vue que tout le vocabulaire est trop pauvre à brosser, « et que le sentiment qu’elle suscite en chacun est impossible à décrire ». Alors quand les mots ne suffisent plus, l’art prend le relais. C’est en tout cas le pari de Magda Chaaban. L’artiste a fait de Rebirth Beirut un fuselage, avion figé vers son atterrissage, pour que la vue qui s’offre depuis les hublots ne soit plus éphémère. Des hublots de bois et d’argile qui entourent des paysages à l’acrylique de Beyrouth penchée sur la mer, du téléphérique grimpant vers Harissa, des skieurs dévalant en sens inverse. Magda ne s’est pas contentée de Beyrouth seule, « mais de tous les endroits qu’elle évoque quand on pense à elle, des lieux qui nous manquent quand on est loin d’elle ».




Beyrouth fiévreuse et changeante d’une rue à l’autre

« Beirut I’m back », parce que chaque retour est unique, chaque retour est une première fois. Avant de poser pied à terre la ville annonce son contraste, Magda Chaaban la peint paisible et douce sous un ciel en drapeau libanais qui paraît se coudre et se déchirer tour à tour. Il est temps de quitter le fuselage et de poursuivre ce contraste dans les rues de la ville, étalé sur de grandes compositions hybrides, où s’écrasent densément sur la toile papiers journaux, toile de jute et morceaux de cartons. À coups d’acrylique bariolés les rectangles de baraques et de volets se fondent aux spirales des balcons de fer, aux rondeurs de la végétation sous laquelle surgissent les plaques bleutées des rues et les cubes sapins des poubelles. Fils électriques ou à linge se balancent d’un élément à l’autre, sans distinction.

« Je veux montrer la ville telle qu’elle, sans la fantasmer » avance Magda. Témoigner de la réalité de ce qui est morcelé, composite, de cette capitale qui change du tout au tout d’une rue à l’autre, qui surprend sans cesse et dont la représentation est impossible au figuratif. « Il faut de tout pour faire Beyrouth, parce que Beyrouth c’est un chaos. Mais un chaos joyeux et beau. » Une joie qui s’inscrit dans les tons variés sur la palette de Magda, qui refuse de donner à une ville si résiliente et tenace malgré les tourments qui la frappent un air de tristesse.




Beyrouth hésitante, coincée entre souvenir et modernité

Pour s’y retrouver dans cet enchevêtrement urbain, mieux vaut trouver un guide. Magda Chaaban propose un couple très… beyrouthin. L’homme, propre et fier sous ses longues moustaches et son tarbouche ; la femme, coquette et légère, en robe de soirée et couverte de bijoux. Il est la tradition, sévère et contraignante ; elle est la modernité, libre et élancée, « elle est l’équilibre, celle qui tire la tradition vers la modernité ». Statuettes d’argile, leur relation personnifie cet entre-deux beyrouthin, traînant le passé et se précipitant vers l’avenir. Et sur les toiles où l’artiste les peint à l’acrylique, leurs étoffes sont tissées des silhouettes urbaines de ce Beyrouth qu’ils portent en eux et qui les a façonnés. 

Un dialogue entre passé et avenir qui s’écrit aussi dans des collages sur papyrus. Appliqués au papier-tissu, de vieux articles de journaux (remontant à l’époque où L'Orient n’avait pas encore fusionné avec Le Jour) s’effacent sous les baraques bleutées du littoral beyrouthin. « Je voulais montrer que l’ancien et le nouveau Beyrouth se confondent dans la nostalgie. » Nostalgie qui anime le travail de Magda, qui la ramène sans cesse vers la capitale libanaise, et qui seule donne à cette ville morcelée un semblant d’unité.



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