Quand la vie bouscule, les mots bouleversent…
On a tous dans notre entourage quelqu’un qui souffre, quelqu’un qui est atteint de ces maladies dont on parle aujourd’hui alors qu’il y a quelques temps le malade et ses proches n’avaient ni tribune ni oreille et il fallait quelque part vivre sa souffrance en silence. Mais nous sommes à l’ère de la communication, nous sommes dans une époque où les tabous ne sont plus de mise et nous sommes dans un monde où les vérités sont devenues souvent bonnes à dire. On lit de plus en plus de témoignages, de gens malades mais aussi de leurs proches.
Alors un livre sur la maladie de Parkinson ? Une maladie insidieuse qui touche des hommes et des femmes de plus en plus jeunes et dont les symptômes sont extrêmement lourds à porter. Pour la personne elle-même d’abord mais également pour ses proches qui voient doucement les ravages de ce mal détruire l’être aimé.
Dans ce livre sans anesthésie si j’ose écrire, Nada Abillama-Masson dont le mari est atteint de la maladie et qu’elle accompagne au quotidien, s’est livrée, sans tabou et sans travestir les mots et les émotions. Ce livre fait mal oui, mais je pense qu’il est aussi indispensable parce que garder pour soi ses propres souffrances ou celles de l’être cher peut s’avérer encore plus douloureux que la maladie elle-même.
Daniel Pennac dit très justement : « Quand tout est fichu, il y a encore le courage. »
Alors ce courage… le courage d’affronter, de se battre, d’endurer, mais aussi celui de témoigner et parfois comme c’est le cas dans ce livre de ne pas cacher.
En écrivant ce livre, comme saisir une bouée de sauvetage, l’auteure a mis à nu les diverses facettes de ces maladies dont on connait l’issue. Et même si dans ses mots le désespoir est là, bien présent, on peut quand même parler de ce pouvoir thérapeutique de l’écriture, de cet apaisement relatif qui nous vient quand on couche notre trop plein de douleur sur le papier.
Tenir. Pas le choix. Ne pas s’écrouler. Une nécessité pour rendre la vie possible.
Dans ce livre publié aux Éditions Chronique Sociale et disponible à la Librairie Antoine, toute la palette des émotions qui peuvent accompagner cette cruelle épreuve qui touche souvent de plein fouet une vie, une famille jusque-là tranquille et soudée. Cela ira de la peur à la colère, de la tristesse à l’acceptation ultime quand on finit par courber l’échine et accepter le mauvais coup de la fatalité.
Au début elle pensait pouvoir l’accompagner dans cette épreuve qui devenait en quelque sorte la leur. Mais, peu à peu, de manière insidieuse, l’ombre de la maladie envahissait l’espace, le sien et celui des enfants. Il n’est plus l’homme qu’elle a épousé. Il n’est plus le père qu’ils ont connu. Ils perdent leur boussole face à lui. La sienne valdingue.
Ce livre n’est pas une écriture linéaire : il y a des allers et des retours. Il y a aussi un va et vient entre le langage direct et indirect. Parfois l’auteure parle à la première personne et parfois elle parle d’elle à la troisième personne comme un besoin de prendre un peu de distance.
J’aimerai pouvoir prendre soin de toi et non pas seulement m’occuper de toi.
Parfois elle s’adresse à son mari parfois au lecteur comme pour dire que ce livre elle l’a d’abord écrit pour lui, celui qui subit impuissant mais aussi pour tous ceux qui traversent cette épreuve, malades ou accompagnants, dans une boucle de souffrance où nul n’est épargné.
Depuis ce fameux vendredi fatidique qui sonné le glas, les années sont passées et la maladie s’est installée. Il essaie de tenir. Elle essaie de l’accompagner, avec les enfants à protéger. Le bateau tangue entre des vagues folles, entre crêtes et creux où l’équilibre à trouver les laisse sans forces.
Il y a constamment un va et vient entre la brutalité et la pudeur. Comme si parfois un besoin de s’assommer avec la réalité et parfois se retenir.
Qui est cet homme ? Qui est cet homme qui ne vous regarde pas, n’entend pas, ne comprend pas ?
Il y a aussi constamment un va et vient entre la révolte et la colère et la culpabilité. Et ce qui frappe dans ce livre dur mais nécessaire c’est aussi la sincérité de l’auteur. Pas plus qu’elle ne se protège, elle ne travestit pas non plus la réalité. Elle dit les choses telles qu’elles sont, brutales et dures comme si finalement regarder la vérité en face est inéluctable et accélère sans doute le processus d’acceptation. Et à la fin de ce livre-essai-témoignage comme une petite fenêtre que l’on garde ouverte sur la vie.
… les vents continuent de souffler pour moi et les enfants et, tel un roseau et un seul, dans un cœur à cœur parfois étouffants mais salvateur, nous continuons à apprendre à bomber le dos aux effets ravageurs et dévastateurs de l’évolution implacable de ta situation pour arriver à poursuivre notre avancée, ensemble séparément, séparément ensemble…
Un livre poignant à lire absolument…
Un exil nommé Parkinson de Nada Abillama-Masson, dans toutes les branches de la librairie Antoine.