Chant, piano, violon, concerts et masterclass se sont succédé sur trois semaines dans la résidence musicale pour la plus grande joie des jeunes musiciens (mais aussi de leurs maîtres). La saison commence avec un somptueux concert de la classe de chant de Fernando Afara. Les élèves étant trop nombreux pour Beit Tabaris dont les murs ne sont hélas pas extensibles, c’est en la fort accueillante et mélomane église Saint Maron de Gemmayzé que s’est tenu ce récital allant de Purcell (1659-1695) à Fauré (1845-1924) en passant par tout le bel canto du 19e siècle. Une vingtaine d’élèves ont interprété les grands « tubes » de la musique lyrique sans oublier la mélodie française. Fernando Afara, leur professeur, est également baryton et chef de chœur, formé à Lyon, Lausanne, Berne, Genève et Paris. Il enseigne le chant en France et au Liban. Au piano pour accompagner tous ces jeunes, la formidable Olga Bolun, dont la vélocité et la faculté d’adaptation à tous les genres de musique s’avère extrêmement précieuse. Elle est également la pianiste accompagnatrice de la masterclass de violon dont il est question plus bas.
Le surlendemain, atmosphère beaucoup plus intimiste avec un récital de piano du pianiste et compositeur Sevag Derghougassian. Œuvres de Mozart, Schumann, Rachmaninov et Derghougassian lui-même avec la Sonate Moments, extraite des 7 Comic Sonatas. Le catalogue de ce compositeur est très riche et varié, tant en musique vocale, que pour piano, musique de chambre et orchestre. Son langage musical qui n’appartient qu’à lui, est un mélange harmonieux de classique et contemporain, avec parfois une touche traditionnelle et toujours beaucoup de poésie. Adepte du genre musical du « cross over », il met des émotions profondes au service de sa musique, entremêlant mélodies délicates et crescendos puissants.
La semaine qui suit est consacrée à la masterclass de piano de Ziad Kreidy. Ce pianiste, compositeur, musicologue, spécialiste de pianos anciens, était très heureux de trouver à Beit Tabaris un piano de la marque viennoise de Bösendorfer, datant de 1963 et il avait décidé de faire travailler les élèves sur le thème de l’amitié entre Haydn (1732–1809) et Mozart (1756–1791), les deux illustres compositeurs viennois de l’époque classique.
Voici ce qu’en dit Ziad Kreidy : « Une admiration réciproque lia les deux plus grands compositeurs de l’époque classique. Une amitié artistique admirable, malgré des musiques très différentes. Haydn déclara au père de Mozart : « Je vous le dis devant Dieu, en honnête homme, votre fils est le plus grand compositeur que je connaisse, en personne ou de nom, il a du goût, et en outre la plus grande science de la composition. Mozart étudie attentivement les quatuors de Haydn, en particulier les quatuors Op. 33. Il affirma : « Personne ne sait à la fois badiner et bouleverser, provoquer le rire et l’émotion ; personne, sinon Haydn. »
Les cinq élèves de Kreidy, pendant une semaine, travaillent d’arrache-pied sur ce passionnant dialogue et donnent, pour clore la masterclass, un éblouissant récital où la marge de progrès de chacun s’avère extrêmement satisfaisante pour eux-mêmes et pour leur maître.
Après le piano vient le violon avec Arnaud Nuvolone, premier violon de l’Orchestre de l’Opéra national de Paris, qui n’en est pas à son premier séjour au Liban (et nous l’espérons, pas à son dernier !). Ce grand musicien, lauréat de nombreux prix, chambriste, soliste et ayant à son actif de nombreuses créations mondiales, dont celle de l’œuvre de Bechara El Khoury, Noir sur l’Horizon en janvier 2025, est en outre un excellent pédagogue. Il suffit de lire les messages dithyrambiques des six jeunes violonistes ayant travaillé avec lui pendant cette semaine de masterclass.
Le concert est une grande réussite et chaque élève donne le meilleur de lui-même. Les œuvres de Beethoven (1770-1827), Bach (1685-1750), Debussy (1862-1918), Sarasate (1844-1908), Brahms (1833-1897), Mozart (1756-1791), Wieniawsky (1835-1880) se succèdent pour le plus grand bonheur du public venu nombreux. Il est à signaler que pour prolonger la joie de l’immersion dans le violon, Mario Rahi grand violoniste libanais et coordinateur de la masterclass, avait organisé, à l’intention des élèves, une visite de l’atelier de la lutherie Arty Iskandarian. Les jeunes violonistes en ont ainsi beaucoup appris sur leur instrument, ce qui est essentiel pour un bon musicien.