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« Si seulement tu pouvais mourir. »

MAG

10/11/2025|Wafa’a Celine Halawi

Je relis ces mots sur Instagram, commentés plus ou moins consciemment sous un post : la photo d’un personnage que j’incarne dans une série télé. Ce personnage est une secrétaire modeste qui a le malheur de tomber amoureuse de son patron. Patron qui, évidemment, est marié, et dont la méchante épouse tombe malade. Épouse qui, en réalité, voulait épouser le frère aîné, lequel finit par tomber amoureux d’une autre. Malgré les clichés bien assumés, non, on ne peut pas faire plus simple, sinon ce n’est plus une série télé. Bref, malgré ses efforts pour supprimer ses émotions, la maudite secrétaire finit par avoir une liaison avec le patron qui, bien sûr, ressent une attraction réciproque. Tout ça pour dire que c’est la raison pour laquelle, apparemment, celle-ci mérite de mourir.

Ça encore, je peux l’accepter : que les actions du personnage soient jugées ou condamnées, même durement. Mais un jour, sur ma propre page, sous une photo de moi, ne jouant aucun rôle, je découvre ce commentaire : « Comment oses-tu te prendre en photo au bord de la mer pendant que tu sors avec un homme marié ? »

Comment vous dire… ?


Voilà justement le cœur du sujet. J’ai l’impression que, souvent, on ne différencie plus entre l’acteur et le personnage. J’avoue, cela peut prêter à confusion. À force de prêter notre visage, nos émotions et nos gestes à des personnages, on finit par les incarner si pleinement qu’ils vivent à travers nous. On demande d’ailleurs souvent aux acteurs comment ils font pour ne pas se perdre dans un rôle. Ma réponse préférée est celle de Cate Blanchett, qui explique que lorsqu’elle quitte son costume, elle quitte aussi son personnage. Elle parle de transformation consciente plutôt que d’immersion totale, et aborde le jeu comme un acte créatif, non comme quelque chose qui consume son identité. Le costume, le geste, le langage l’aident à entrer dans le rôle, mais elle garde toujours à l’esprit que ce n’est qu’un rôle.


Alors, pour faire simple et clair une fois pour toutes : si je joue une femme qui sort avec un homme marié, cela ne veut pas dire que moi, l’actrice, je sors avec un homme marié. J’espère au moins que cette évidence me permettra des photos à la mer l’été prochain.

Ce qui me frappe aussi dans ces commentaires, c’est un débat très actuel, amplifié par les réseaux sociaux. Où se situe la limite entre la liberté d’expression et le discours de haine ou le harcèlement (« bullying ») ? Se permet-on davantage de “liberté” lorsqu’on se cache derrière un écran, souvent dans l’anonymat ? Sans vouloir entrer dans les détails ni prétendre y répondre, j’aimerais simplement qu’on se rappelle que ces mots lancés virtuellement sont tout de même reçus par des personnes bien réelles.

Et si, dans un film, il se trouve que je joue la méchante, ya madame, ne m’attendez pas à la porte du cinéma pour me taper dessus, parce que ce n’est pas moi, vous voyez ?
Jouer le rôle du vilain est d’ailleurs passionnant. C’est une véritable leçon humaine, car pour incarner un personnage, il faut apprendre à le connaître, le comprendre, parfois même l’aimer, et trouver les raisons qui justifient ses actions, aussi ignobles soient-elles. C’est un peu ça, la magie d’être acteur : non pas excuser l’inexcusable, mais grandir un peu humainement, et gagner à chaque fois un peu plus en empathie.


Et si, pour changer, on essayait aussi l’empathie virtuelle ?

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