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Nassib El-Husseini, créateur et PDG de la troupe « Les 7 doigts de la main » nous en met plein la vue et le cœur

07/05/2024|Gisèle Kayata Eid, Montréal

La dernière en date des conférences du CELQ (Culture et écriture des Libanais (es) au Québec) a donné la parole à une personnalité étonnante de versatilité et de vision, avant-gardiste et innovante. Plus de 13 000 représentations dans 711 villes de 56 pays attestent de sa notoriété, depuis sa création en 2003, quand le doctorant de l’UQAM (Université du Québec à Montréal) en sciences politiques (1996), auteur de « L’occident imaginaire », politologue et consultant, rencontre sept artistes qui formeront une des plus célèbres troupes de cirque québécoises dont il est depuis sa création le PDG. 

 

J’avais vu à l’œuvre Les 7 doigts de la main. Une expérience inoubliable de virtuosité, empreinte de sensibilité, de poésie, de perfection, une sorte de fusion avec l’inaccessible beauté. Des tableaux de vie où l’émotion transcende les voltiges de très haut niveau pour offrir un spectacle acrobatique, époustouflant, ensorcelant…Le nom de la troupe y serait pour quelque chose ? « Les 7 doigts… ». Une main si bien nantie serait un prodige ! Elle réaliserait ce qui semble être surnaturel. Elle pourrait créer ce que nul autre ne serait en mesure de réaliser. Ce serait un rêve d’expertise, de savoir-faire, capable d’accomplir des miracles, mais aussi de caresser, d’apaiser.

 

Certainement le concepteur de ce « cirque » devait être un génie. À l’époque je ne me doutais pas que c’était un Libanais qui, après une vocation intellectuelle bien enclenchée et une pratique réussie de consultant, a embrassé le monde du spectacle pour rayonner aujourd’hui sur tout un empire artistique.

 

Dans une conférence par Zoom, orchestrée par le CELQ, Nassib El-Husseini a déroulé pour les participants, essentiellement à Beyrouth, Montréal et Paris, le parcours ascendant de ce jeune étudiant de l’AUB qui se voyait déjà comme citoyen du monde. Sentiment prémonitoire ? Peut-être, car celui qui a débarqué au Canada dans les années 80 et qui y a acheté sa maison en pensant qu’il aurait aimé bâtir la sienne au Liban, vit bien sûr comme tous ses concitoyens d’origine avec une tristesse en ce qui concerne son pays natal, mais à la différence que lui a « décidé d’additionner ses identités plutôt que de les soustraire ».

 

Portant ses racines dans son cœur, Nassib El-Husseini n’a peut-être pas vécu de choc identitaire mais il a transporté avec lui ce besoin de raconter des histoires humaines, de raconter la vie. Au mi-temps de sa vie, après avoir été Directeur Général de Liban-Post, il se remet en question : « Je ne voulais pas prêcher à des convertis ou écrire des articles politiques, je voulais me rendre utile ». C’est cette approche unique qui place l’humain au centre de ses préoccupations qui le différencie « Nous mettons les artistes à l’honneur. Ils font partie de la création. Ils ne sont pas un objet remplaçable. Leur humanité participe à l’œuvre. Le tout est plus grand que l’individu. La vie de l’un dépend de l’autre. Cette angoisse que l’un se blesse est très forte. Elle irradie partout sur l’œuvre. »

 

Une recherche d’humanité qui sous-tend ses créations et que le spectateur par infusion perçoit et ressent : « On a des spectacles avec des thèmes qui nous concernent : troubles mentaux, difficulté de vivre, problèmes de la planète. Nous traitons nos sujets dans un contexte, un cadre qui nous élève. Nous abordons des sujets difficiles, dans la joie, avec du constructif et de l’amour. Les gens ont besoin d’être touchés au cœur. »

 

Les gens de partout sur la planète, qu’on oserait ajouter. Recenser les tournées des « 7 doigts » et participations à l’international serait fastidieux. Mis à part une salle permanente à San Francisco, une autre à Moscou et en permanence plusieurs revues sur des bateaux de croisière, plus de 250 personnes sont en tournée autour du globe ainsi que 100 autres suppléants… Une très grosse machine de production qui compte par dizaines les créations, les évènements spéciaux comme le 375ème anniversaire de la création de la ville de Montréal, les collaborations artistiques comme celle de « 1001 Nights : Last Chapter », autour de la légende de Shéhérazade, produite en coopération avec Philippe Skaff, à l’occasion de la déclaration de Sharja, capitale mondiale du livre, avec l’orchestre symphonique d’Arménie dirigé par Harout Fazlian.

 

« Les 7 doigts de la main » ce n’est pas seulement une troupe de cirque que les Montréalais peuvent voir sur place mais toute une institution au Québec qui s’est créée une Fondation pour encourager les arts du cirque et de la scène en permettant aux jeunes de s’entraîner librement et gratuitement. Leur action, qui regroupait à la base sept artistes, s’est consolidée par une myriade de spectacles, la formation de centaines de jeunes qui dansent, chantent, font du théâtre. C’est aussi des médiations, des coopérations avec des groupes défavorisés, des camps d’été, des liens privilégiés avec les meilleures écoles de cirque…Toute une dynamique où l’humain n’est jamais trop loin, même au département du casting où les ados intéressés sont encouragés à se préparer aussi pour une autre carrière : « …car après 35 ans, le corps se fatigue. »

 

Conscient de la mutation du monde vers l’écran et la désertification de la scène, Nassib el Husseini et son collectif ont su s’adapter et diversifier leur approche. Avec un vrai esprit d’entreprenariat (qui n’est certainement pas étranger à ses origines libanaises), il a intégré et adopté les nouvelles technologies dans ses projets : effets spéciaux, films d’animations (l’Homme qui plantait des arbres), spectacles immersifs (avec la collaboration de l’ONF, l’Office national du film), expériences interactives (avec les œuvres picturales de Riopelle) pour ne citer que quelques exemples. 

 

Pas de temps mort pour El- Husseini et son bras droit Tina Diab. Après treize séances suspendues durant la Covid, c’est à un spectacle exceptionnel que le collectif s’est attelé. Une comédie musicale des « Cowboys fringants », un groupe québécois adulé du public, qui, à travers une histoire (et non pas des numéros disparates), raconte les difficultés du monde actuel.

 

« Pub Royal » et Les 7 doigts de la main (récipiendaires, rappelons-le, de plusieurs prix et reconnaissances) sillonnent le Québec en 2024,  mais vont aussi rayonner dans 25 villes françaises, avec leurs acrobaties pour faire chanter, danser, pleurer, rire, aimer non seulement Karl Tremblay (le chanteur et créateur des Cowboys fringants mort prématurément juste après l’enregistrement des cinq chansons de Pub Royal), mais aussi Jacques Brel, Charlebois… De quoi bien mériter leur slogan : « raconter des histoires humaines avec une virtuosité surhumaine. » Son artisan chef, lui-même lauréat de plusieurs décorations, résume bien le succès de son collectif : « Émotion, professionnalisme et sensationnalisme. On en a plein la vue et le cœur. » 

 

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